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Les JO profitent-ils à la ville qui les accueille ?

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JOL Press : L’organisation d’un évènement sportif de l’ampleur des JO change-t-elle le train de vie d’une ville (ou d’un département…) dans les années qui suivent ?
 

Jean-Pascal Gayant : Oui, dans le bon ou le mauvais sens. Montréal a très longtemps continué à « payer » ses jeux et a donc eu des marges de manœuvre plus limitées dans les autres domaines (infrastructures, social). Il en va de même pour Athènes, mais à la dimension d’un pays, cette fois. Enfin, on peut continuer à se poser la question de l’impact de l’organisation des JO de Moscou sur la chute de tout l’empire soviétique.

Dans le cas de Grenoble, il existe la conviction que les JO de 1968 ont « boosté » la ville. Est-ce réellement étayé ? Je l’ignore. La situation était différente : c’était une période de forte croissance, de plein emploi et de finances publiques à l’équilibre. C’est un peu comme Pékin en 2008…

A l’inverse, le risque est grand que Sotchi devienne une sorte de « ville fantôme », où les équipements construits conjoncturellement, pour un grand événement, sont laissés à l’abandon. On a pu observer ce cas pour les JO de Moscou, en 1980.

Le bénéfice est avant tout espéré sur l’image, le prestige, à l’instar de celui que recherchent les Qataris en organisant la Coupe du monde de football en 2022. En revanche on ne peut parler d’une rationalité économique. Ou alors au sens très larges, en intégrant des éléments très alétoires et sur le long terme : rapports de force médiatique, prestige sportif, aspect « vitrine »…

JOL Press : La médiatisation autour de l’événement n’entraîne-t-elle pas logiquement un afflux touristique dans les mois ou années qui suivent, dans la ville hôte ?
 

Jean-Pascal Gayant : Vraisemblablement. Les Londoniens expliquent que le tourisme s’est très bien porté en 2013 grâce aux Jeux de 2012. N’est-ce pas aussi parce que les touristes qui ne sont pas venus en 2012 (à cause des JO) ont reporté en 2013 leur séjour ?

Les JO ont vraisemblablement un effet bénéfique sur le tourisme a posteriori. Mais est-ce un effet de grande ampleur ? Qui songe aller faire du tourisme à Nagano (Japon) ? Depuis 30 ans, la Croatie a connu un boom touristique sans avoir organisé de Jeux tandis que la Bosnie n’en a pas connu tout en en ayant accueilli (à Sarajevo en 1984)… A l’évidence, d’autres paramètres jouent un rôle plus essentiel.

JOL Press : Les installations et infrastructures construites sont-elles forcément sources de revenus après coup ? On peut penser au cas désastreux d’Athènes, ou encore dans le football, certains stades qui aujourd’hui sont des gouffres financiers du fait de leur non-utilisation (MMArena du Mans, Stade des Alpes à Grenoble…).
 

Jean-Pascal Gayant : Non. Les pistes de bobsleigh coûtent très cher et ne servent souvent que très peu. Certains équipements ne servent plus jamais après leur utilisation pendant 5 jours lors des jeux (plusieurs exemples existent en Grèce). C’est un des points les plus évidents : d’ailleurs les organisateurs songent maintenant, dès la conception des équipements, à leur reconversion.

Les JO de Londres en 2012 ont, dans cette optique, marqué un vrai tournant dans l’approche de l’organisation de ces événements. Ils ont pensé beaucoup d’équipements avec la reconversion ultérieure. Par exemple, les logements des athlètes au Village olympique ont été mis par la suite sur le marché de l’immobilier.

JOL Press : Les JO d’hiver de Grenoble en 1968, et ceux d’Albertville en 1992, ont-ils contribué au rayonnement français en matière de sports d’hiver ?
 

Jean-Pascal Gayant : La France, depuis les premiers Jeux (presque) Olympiques de Chamonix, est un des très grands pays de sports d’hiver. Ce que l’on peut dire, c’est que l’économie des sports d’hiver en France n’a pas souffert de la caisse de résonance offerte par les JO. Les JO en question (1968, 1992) ont sans doute contribué à la diffusion de la culture « sports d’hiver » dans des couches de plus en plus populaires de la population. Mais, ce qui compte principalement, ce sont les investissements des stations, la qualité du domaine skiable et des infrastructures.

Il demeure vrai que les infrastructures autoroutières et routières portées par Albertville 1992 ont, sans aucun doute, participé au développement de ce secteur d’activité.

Propos recueillis par Romain de Lacoste pour JOL Press

Jean-Pascal Gayant est vice-Président de l’Université du Maine (Le Mans). Spécialiste de l’économie du risque, il s’est orienté par la suite vers l’économie du sport. Il tient un blog, intitulé Money Time, sur le site du Monde, traitant des questions d’économies du sport.

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