Site icon La Revue Internationale

Les lanceurs d’alerte sont-ils des citoyens ordinaires?

[image:1,l]

Traîtres pour les uns, héros modernes pour les autres, les lanceurs d’alerte défient le système en dénonçant ses turpitudes. Ils ne veulent pas le casser mais l’améliorer, transgresser pour mieux consolider le subtil et fragile équilibre de la démocratie, quitte à révéler des informations parfois extrêmement sensibles, à provoquer des crises politiques.

Leur arme : la vérité, preuves à l’appui. Mais une vérité pas toujours bonne à dire. Du coup, ils divisent. Leur sacrifice pour le bien commun suscite la suspicion ou, à l’inverse, le respect – à l’image des dissidents d’antan, adulés par les uns pour avoir dénoncé les dérives des autres mais voués aux gémonies par ceux dont ils exposent les abus. Personnages tragiques par excellence, beaucoup ont été immortalisés par le grand écran.
C’est un livre émaillé de portraits passionnants, ceux de quelques figures emblématiques, connues ou moins connues des lecteurs français, issus de quatre démocraties sur trois continents.

Ils ont livré bataille, d’abord de l’intérieur puis, faute d’être entendus, ils ont franchi le pas et exposé publiquement la face cachée de nos démocraties. Ils ont découvert la puissance des forces qui se sont déchaînées contre eux mais ont, parfois, changé le cours de l’histoire. On ne brûle pas les sorcières des temps modernes, ces prophètes du malheur qui viennent enrayer la machine parce qu’ils savent que, sans une alternative au silence, elle ira à vau-l’eau. S’ils s’en sortent parfois aujourd’hui, ce n’est que sous la pression de l’opinion publique.

[image:2,s]

Extraits de « Lanceurs d’alerte, les mauvaises consciences de nos démocraties » (Editions Don Quichotte) de Florence Hartmann

« Ils sont policiers, militaires, fonctionnaires, cadres qui se dressent contre l’Etat ou l’entreprise qui les emploie pour dénoncer des activités illicites, des abus de pouvoir, des menaces sérieuses sur la santé, la sécurité publique ou l’environnement.

Tous sont des lanceurs d’alerte, des whistleblowers, selon l’expression anglo-saxonne.

A l’origine, le whistleblower désigne le policier soufflant (blow) dans son sifflet (whistle) comme autrefois, en Grande-Bretagne, les bobines, lorsqu’ils étaient témoins d’un délit, faisaient usage de leur sifflet afin de prévenir les passants et d’alerter les forces de l’ordre susceptibles de leur venir en renfort.

C’est en référence à cette pratique que Ralph Nader crée ce concept au début des années 1970. L’avocat militant des droits des consommateurs, candidat à cirque reprises à la Maison Blanche sous étiquette écologique ou indépendante, cherche alors un terme qui n’aurait pas la connotation négative d’informateur (informer), mouchard ou balance (snitch) pour ceux qui dénoncent la face cachée de leur entreprise ou de leur administration. Un analyste militaire du nom de Daniel Ellsberg est en train de faire l’actualité. Consultant auprès du Pentagone, il vient d’organiser la fuite des Pentagon papers, un rapport de sept mille pages classé  » secret défense » sur l’engagement américain au Vietnam, remis au New York Times. Le président Richard Nixon sort alors de ses gonds, lançant à son adresse un désormais célèbre « fils de pute » ».

——————

Auteure et ancienne journaliste au Monde, Florence Hartmann a couvert le conflit dans les Balkans avant de travailler six ans aux côtés de Carla del Ponte, la procureur chargée de poursuivre les criminels de guerre de l’ex-Yougoslavie et du Rwanda.

Quitter la version mobile