Alice, ex-Femen, a quitté la branche française du mouvement féministe après un an et demi d’actions. Dans un livre à paraître au mois de mars, elle détaille, en 160 pages, les raisons qui l’ont poussée à quitter les rangs des « sextrémistes ». Contactée par email, via l’intermédiaire de son agent littéraire Omri Ezrati, l’activiste trentenaire revient sur son expérience et sur les polémiques qui entourent le groupe contestataire.
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JOL Press : Quand et comment avez-vous été amenée à rejoindre les Femen ?
Alice : J’ai rejoint le mouvement Femen quand j’ai eu envie de me joindre à un féminisme très moderne qui avait un mode d’action novateur, de rue et très visuel, le tout défendant des convictions qui m’appartiennent. J’ai donc contacté le groupe et été conviée à une réunion d’information.
JOL Press : Quelles sont les raisons qui vous ont poussée à quitter le mouvement féministe ?
Alice : Après un certain temps au sein du mouvement, on prend du recul face aux évènements dont on a été témoin, et on en tire des conclusions, du moins c’est ainsi que je l’ai vécu. Des problèmes internes qui se répétaient, des questions qui restaient sans réponses, un va et vient d’activistes qui partaient toujours pour les mêmes raisons.
JOL Press : Quelles sont les principales critiques que vous formuleriez concernant les Femen ?
Alice : Le manque de communication interne, l’opacité de la prise de décision, la difficulté à rester un être à part entière dans sa façon de penser et d’agir.
JOL Press : Qu’est-ce que le féminisme selon vous ?
Alice : Je pense qu’être féministe c’est défendre les droits de femmes, ceux qui sont déjà acquis et se battre pour ceux que nous n’avons pas encore, à savoir l’égalité entre les hommes et les femmes, au travail, en politique, dans la rue, et au sein des familles.
JOL Press : Les coups durs s’enchaînent pour les Femen. Y-a-t-il un risque selon vous que le mouvement s’éteigne ?
Alice : Oui, les rangs sont de plus en plus clairsemés, il y a plus aujourd’hui d’ex-Femen que de Femen.
JOL Press : Quel bilan dressez-vous de cette année passée au sein des « sextrémistes » ?
Alice : Une année pleine de victoires face au patriarcat, pour le coté militant, j’ai beaucoup appris sur moi-même et sur la véracité de mes engagements. Le fait de témoigner dans un livre demande mûre réflexion, et c’est pour moi un geste militant de respecter mes engagements envers le féminisme.
JOL Press: Plus qu’un mouvement féministe, s’agit-il d’une entreprise de communication –comme l’expliquait une membre des Antigones qui avait infiltré le mouvement -, où les images chocs comptent énormément ?
Alice : Le monde d’action de Femen est basé sur ces images, mais ces images sont le reflet d’engagements communs à bon nombre de groupes féministes, les Femen ont juste trouvé un moyen plus contemporain de se faire « entendre » ou voir.
JOL Press: Doit-on être disponible à toute heure lorsqu’on est Femen? Quelles sont les règles à l’intérieur du mouvement ? Quelle atmosphère y règne-t-il ?
Alice : Rien n’est imposé, mais si l’on veut espérer être sollicitée, il faut être le plus disponible possible. Il n’y a pas de règles spécifiquement imposées si ce n’est le respect des valeurs que défend les Femen. Il y a une atmosphère de méfiance qui n’est pas toujours justifiée.
JOL Press : Georges Fenech, le député UMP du Rhône, a demandé la dissolution du groupe d’activistes. Il considère que leurs actions « s’apparentent à des pratiques à caractère sectaire ». Qu’en pensez-vous ?
Alice : Je pense que le terme sectaire s’apparente à des connotations religieuses et qu’il est tout à fait inapproprié aux actions des Femen.
JOL Press : Quelle a été la réaction des Femen à l’annonce de votre départ et du livre en préparation ? Etes-vous encore en contact avec elles ? Craignez-vous des représailles ?
Alice : Comme à chaque départ d’activiste, « elles ne comprennent pas » pourquoi. C’est toujours la phrase qui revient. Je suis en contact avec des membres avec qui j’avais certaines affinités. Je ne crains aucune représaille.
JOL Press: Pouvez-nous en dire plus sur le financement des Femen ?
Alice : Le financement provient des adhésions, de la vente de produits dérivés (tee-shirts, couronnes de fleurs, boobs print etc…) et des dons.
JOL Press : Quel avis portez-vous sur la polémique autour du retrait du timbre ? Selon vous Inna Shevchenko est-elle légitime en Marianne ?
Alice : Je pense qu’il y a des choses bien plus importantes que de se préoccuper de l’effigie d’un timbre.