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Malgré la crise, les municipales restent des élections locales et non nationales

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La peur semble gagner les rangs socialistes qui redoutent une abstention élevée au sein de l’électorat de gauche (Crédit : shutterstock.com)

« Contrairement à 1992-1993, je ressens plus de la résignation que de la colère, mais sur le fond c’est aussi dévastateur car cela peut conduire à l’abstention des électeurs de gauche », a estimé Jérôme Guedj, député de l’Essonne, membre de l’aile gauche du PS. Entre les déçus de la politique de François Hollande et les victimes de la crise que traverse le pays, les socialistes ont-ils raison de craindre une forte abstention ? Eléments de réponse avec l’expert électoral Xavier Chinaud.

JOL Press : A Forbach, le chômage atteint 14%. Le numéro deux du FN, Florian Philippot aimerait profiter des divisions de la droite locale et du mécontentement ambiant pour s’emparer de la mairie socialiste. Le FN peut-il apparaître comme une alternative dans ce contexte de crise ?

Xavier Chinaud : Forbach a eu jusqu’aux élections municipales de 2008, des maires de droite pendant une cinquantaine d’année, un maire socialiste l’a emporté aux dernières élections et est devenu député en 2012 en éliminant au 1er tour le député UMP sortant et en battant au second tour Florian Philippot. Cœur du bassin minier, l’agglomération connaît des difficultés depuis bien longtemps et bien avant la crise actuelle.

Que la droite s’y divise est comme toujours politiquement suicidaire et que l’extrême droite vise l’élection est malheureusement logique. Le FN obtient historiquement de bons scores dans la région, jouant depuis longtemps sur le registre du malaise social. Est-il une alternative crédible ? A en juger par l’histoire des villes qui furent gérées par l’extrême droite, sans doute pas, mais nombreux sont ceux qui ne croient plus en rien…

JOL Press : « Franchement, je ne pense pas que la fermeture des hauts-fourneaux et de la filière liquide du site d’ArcelorMittal joue en ma défaveur, même si une élection n’est jamais gagnée d’avance », a déclaré le maire socialiste sortant de Florange (Moselle) Philippe Tarillon. Les Français vont-il faire payer à François Hollande les fermetures d’usines et l’augmentation du chômage ?

Xavier Chinaud : Une moyenne d’environ un tiers des électeurs se déterminent sur des critères nationaux et non locaux si l’on analyse les dernières élections municipales et principalement contre le pouvoir en place bien sûr. Florange à un maire socialiste depuis 25 ans et ne se résume pas à la sidérurgie. Si le ras le bol est réel contre le gouvernement, une élection municipale n’est pas un scrutin défouloir et la nationalisation du scrutin est un calcul plus qu’une réalité

JOL Press : La liste du Front national conduite par Steeve Briois arriverait en tête aux deux tours à Henin-Beaumont (Pas-de-Calais), lors des élections municipales, selon un sondage Ifop pour le journal La Voix du Nord et Europe 1. Faut-il y voir une réaction conjoncturelle due à la situation économique ou une adhésion aux idées du FN ?

Xavier Chinaud : Hénin-Beaumont est à gauche sans discontinuer depuis plus d’un siècle, ancienne ville minière elle est le berceau des ambitions de Marine le Pen et jouit à ce titre d’une exposition médiatique particulière. Ici aussi le FN réalise des scores importants depuis plusieurs années, comme dans toutes ces villes « misères » que l’extrême droite cible avec précision. Le FN progresse partout depuis 2 ans, il était déjà proche de la majorité avant, qu’un sondage le place en tête n’est pas une surprise, mais une majorité s’y ferait d’avantage sur les rejets que sur l’adhésion.

JOL Press : Près de la moitié des électeurs d’Aulnay sont musulmans. L’électorat musulman, qui a voté à 85% pour François Hollande en 2012, va-t-il se détourner du PS à cause du chômage et des questions sociétales ?

Xavier Chinaud : Là encore il ne faut pas mélanger élections présidentielles et municipales, si « l’électorat musulman » a voté majoritairement pour François Hollande aux présidentielles la situation est différenciée d’une municipalité à une autre et j’ajoute ne pas croire d’une manière générale en un vote communautaire si organisé que le laisse penser la question.

Nous assistons en cette veille d’élections à une véritable course à l’échalote entre PS et UMP dans la séduction de cette « clientèle », cela ressemble d’avantage à de petits calculs qu’à des projets sérieux.

JOL Press : En règle générale, à qui va bénéficier la crise ? Au FN ? A l’abstention ?

Xavier Chinaud : Aux deux ! Une majorité fracturée, désavouée et une opposition nationale minée n’incarnant pas une alternative favorisent les deux, mais ne jamais oublier que les élections municipales servent à désigner ceux de nos représentants qui gèreront notre ville pendant six ans et non un gouvernement ou un parlement national, crise ou pas.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Xavier Chinaud est ancien Délégué général de Démocratie Libérale et ancien conseiller pour les études politiques à Matignon de Jean-Pierre Raffarin. Il est actuellement associé du cabinet de stratégie ESL & Network. 

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