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Municipales à Saint-Quentin: Xavier Bertrand loin devant, le FN sur les talons du PS

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Selon un sondage exclusif CSA pour JOL Press, à Saint-Quentin, dans l’Aisne, la liste du maire sortant, l’ancien ministre Xavier Bertrand, arrive largement en tête avec 52% – devançant de plus de 30 points la liste conduite par Michel Garand et soutenue par le Parti socialiste, Europe-Ecologie-Les Verts, le Parti radical de Gauche et le Mouvement républicain et citoyen (21%) et celle conduite par Yannick Lejeune et soutenue par le Front national (18%). Comment expliquer ces scores ?

Le score de Xavier Bertrand d’abord, reflète-t-il une adhésion à son bilan, un espoir dans son projet, un attachement à sa personnalité ?

L’effondrement du candidat socialiste est-il seulement l’effet d’un rejet de la politique conduite par François Hollande et sa majorité ? D’où viennent ces électeurs qui choisissent le Front National ? 

Eléments de réponse avec avec Yves-Marie Cann, directeur en charge de l’opinion à l’institut CSA.

JOL Press : Quels sont les principaux enseignements de ce sondage ?

Yves-Marie Cann : Il est intéressant de constater que les préoccupations des habitants de Saint-Quentin ne sont pas éloignées de celles que l’on peut observer au niveau national. La fiscalité apparaît comme le sujet dont il faudrait s’occuper en priorité, avec 42% des citations ; un chiffre qui fait écho au ras-le-bol fiscal mesuré, à plusieurs reprises ces derniers mois, à l’échelle nationale. Saint-Quentin n’échappe pas non plus au débat autour de la lutte contre la délinquance, sujet plus classique dans le cadre d’élections municipales qui arrive en 2e position à Saint-Quentin mais aussi dans les différentes villes où nous avons fait des enquêtes.

En revanche, quand on regarde les trois préoccupations suivantes, on voit apparaître des spécificités à Saint-Quentin. Les attentes en matière de développement économique sont plus prononcées qu’ailleurs, avec 32% de citations. Mais ce qui est particulièrement frappant, ce sont les attentes en matière d’aide aux personnes âgées où le niveau atteint est de loin supérieur à celui constaté à l’échelle nationale : 32% des habitants de Saint-Quentin considèrent ce sujet comme une priorité, soit 17% de plus que les villes de plus de 30 000 habitants. Cette spécificité tient beaucoup à la sociologie de la ville de Saint-Quentin où les personnes âgées représentent une part importante de la population locale. Vient ensuite la politique de la petite enfance, qui concerne plutôt les classes d’âge intermédiaires, et qui, là aussi, ressort avec un niveau de citations (20%) plus fort qu’ailleurs en France.

JOL Press : Xavier Bertrand arrive en tête des intentions de vote au 1er tour de l’élection municipale, avec 52% de citations. Pouvait-on s’y attendre ?

Yves-Marie Cann : Quand on regarde le résultat des intentions de vote au 1er tour de l’élection municipale, on constate, en effet, que Xavier Bertrand domine très nettement la scène politique locale. Ce qui est impressionnant à observer, c’est l’écart qui le sépare de la liste PS qui arrive en 2e position : 31 points les séparent. Cet écart très important est le signe d’un bilan apprécié du maire sortant et d’une personnalité qui est sans doute, elle aussi, très appréciée de la population de Saint-Quentin. Cette popularité lui permet, dans une certaine mesure, de transcender, les clivages politiques et partisans traditionnels. Dans ce sondage, nous constatons, en effet, que Xavier Bertrand capte des voix à gauche et notamment auprès d’électeurs qui avaient pu apporter leur suffrage à François Hollande au moment de l’élection présidentielle.

La domination de Xavier Bertrand est très nette mais doit être cependant nuancée. Si le maire sortant arrive en tête, il existe encore une incertitude aujourd’hui quant à la possibilité pour lui de l’emporter dès le 1er tour. Certes il est crédité de 52% des intentions de vote mais on est dans la marge d’erreur – sur un échantillon de 600 personnes, la marge d’erreur est de plus ou moins 4 points, sur un score de 52%. Si l’élection avait lieu aujourd’hui, le score de Xavier Bertrand se situerait entre 48 et 56%. Sa domination n’est pas remise en cause mais il reste possible que Xavier Bertrand soit soumis à un second tour.

La deuxième incertitude concerne l’ordre d’arrivée entre la 2e et la 3e liste, c’est-à-dire entre la liste conduite par Michel Garand et soutenue par le Parti socialiste, Europe Ecologie-Les Verts, le Parti radical de Gauche, et le Mouvement républicain et citoyen et celle conduite par Yannick Lejeune et soutenue par le Front national. Le sondage donne 3 points d’écart entre les deux listes et là aussi on est dans la marge d’erreur : sous l’effet des prochaines semaines de campagne, on ne peut pas exclure l’hypothèse d’un Front national qui arriverait en 2e position et qui dépasserait la liste de Michel Garand, compte tenu des écarts observés aujourd’hui.

JOL Press : La liste soutenue par le Front national arrive, en effet, en 3e position avec 18% de citations. Ce score vous surprend-il ? Faut-il y voir la montée d’un FN de gauche à Saint-Quentin ?

Yves-Marie Cann : Ce score n’est pas surprenant puisque Marine Le Pen avait obtenu un score supérieur à sa moyenne nationale à Saint-Quentin, lors du 1er tour de la présidentielle ; on voit donc que la liste conduite par Yannick Lejeune permet de reconstituer une bonne partie de cet électorat. Quand on regarde plus précisément la structure de cet électorat, on constate que Yannick Lejeune capte un certain nombre de voix auprès des catégories populaires, c’est-à-dire auprès des ouvriers et des employés : 25% des catégories populaires se disent prêtes à voter FN. Cet indice montre que le FN à Saint-Quentin, plus encore que dans le sud de la France, mord aussi sur la gauche.

Ce constat se vérifie d’ailleurs dans les intentions de vote : dans l’hypothèse d’un duel de 2nd tour où le Front national est éliminé, nous avons 1/5e des électeurs FN qui se reporte sur le candidat de gauche. Dans les villes du sud qui sont très marquées à droite, on est au mieux sur 1/10e des électeurs FN de 1er tour qui se reporte sur le candidat de gauche. Nous retrouvons cette spécificité dans le quart nord-est de la France où le Front national mord plus sur la gauche qu’il ne le fait dans le sud du pays.

JOL Press : Ce sondage montre-t-il que les Français ont bien compris que les municipales étaient avant tout des élections locales, et non nationales ?

Yves-Marie Cann : Les résultats de ce sondage montrent que la dimension locale du scrutin l’emporte très nettement, notamment à travers le score dont est crédité Xavier Bertrand au 1er tour. On voit bien la capacité de Xavier Bertrand à transcender les clivages politiques et partisans traditionnels, ce qui est le signe d’une certaine déconnexion des enjeux locaux par rapport au contexte national qui est très défavorable à la gauche actuellement.  

Là où le contexte national peut jouer, c’est davantage sur le score du Front national qui atteint de très hauts niveaux mais aussi dans le cas d’un duel gauche-droite au 2nd tour qui reconstitue le duel qui avait eu lieu dès le 1er tour en 2008 : dans cette hypothèse-là, Xavier Bertrand est crédité d’un score très nettement supérieur (+ 5 ou 6 points) au score qu’avait obtenu le candidat de l’UMP à l’époque. Le contexte national favorise aussi un meilleur score de Xavier Bertrand qui peut être expliqué par une démobilisation de l’électorat de gauche dans le contexte actuel.

JOL Press : Xavier Bertrand bénéficie-t-il aussi d’une prime aux anciens ministres ?

Yves-Marie Cann : Etre une personnalité à forte visibilité nationale qui a exercé des responsabilités importantes peut avoir des effets contraires. Soit les électeurs pressentent que ces anciennes fonctions et que cette visibilité peuvent permettre au maire de mieux défendre les intérêts de la ville auprès des interlocuteurs nationaux et, en même temps, certains peuvent considérer qu’un maire qui a des responsabilités au niveau national ne sera pas assez présent dans sa ville.

Tout l’enjeu pour des personnalités comme Xavier Bertrand, c’est de trouver le meilleur équilibre possible entre ces deux contraintes-là mais il ressort de l’enquête que nous avons réalisée que Xavier Bertrand a trouvé la bonne formule pour tirer parti au mieux de ses forces et de ses faiblesses potentielles.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Fiche technique : Sondage exclusif CSA / JOL Press réalisé par téléphone les 24 et 25 février 2014. Echantillon représentatif de 607 personnes âgées de 18 ans et plus, inscrites sur les listes électorales à Saint-Quentin, constitué d’après la méthode des quotas (sexe, âge, profession de la personne interrogée).

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