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Municipales: qu’est-ce qu’une campagne électorale réussie?

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Samedi 1er février, les socialistes ont mobilisé leurs troupes pour les municipales et les européennes. Mais quelles sont les clés de réussite d’une campagne ? Eléments de réponse avec François Trétarre, auteur de Campagnes Électorales : Principes et Pratiques de la Préparation et de la Conduite de Campagnes (Gualino Editions – février 2012). Entretien.

JOL Press : Quelles sont les principales différences entre les campagnes électorales nationales et les campagnes en vue des municipales ?

François Trétarre : Elles tiennent avant tout à une différence d’échelle, notamment vis-à-vis de la différence de moyens et de nombre d’électeurs. Mais il existe également des différences structurelles. En termes d’organisation, les équipes de campagne pour une élection nationale sont beaucoup plus structurées et professionnalisées. Il s’agit d’une condition essentielle à la bonne coordination des actions à l’échelle nationale. Il est par, exemple, fait appel à des logiciels de gestion de campagne, à des cabinets de conseil, les candidats sont coachés, les équipes formées…

Les actions mises en place diffèrent également. L’utilisation des médias de masse a une place beaucoup plus large dans une campagne d’envergure nationale. Les débats télévisés, les interviews, ou encore les envois de courriers, d’emails et de SMS permettent de toucher les grandes masses d’électeurs. Internet joue également un rôle beaucoup plus fort pour une élection nationale.

JOL Press : Quelle est la place des enjeux nationaux dans ce type de campagne ?

François Trétarre : À l’approche des élections, de nombreuses études sont réalisées par les instituts de sondages afin de mettre en évidence les principaux enjeux considérés comme importants par les électeurs en vue des scrutins. Il apparait une certaine porosité entre les thématiques faisant l’actualité au niveau national et les enjeux locaux. Mais bien que l’agenda médiatique et le contexte politique national aient une influence, les enjeux les plus influents restant ceux qui touchent au quotidien des électeurs, ceux qui les concernent directement : sécurité, imposition…

Les candidats se servent souvent de ce type d’études pour savoir quelles thématiques mettre en avant dans leur programme et leur communication. Leurs possibilités de communication étant limitées, il leur faut faire des choix. Mais les candidats n’ont généralement pas les moyens de faire réaliser des études sur leur propre territoire et ils exploitent donc les résultats d’études nationales. Ils ne se servent alors de ces sondages nationaux que comme des indicateurs et modulent les résultats en fonction de leur propre connaissance de la localité.

JOL Press : Quelles différences entre des villes comme Lyon ou Marseille et des villes comme Redon ou Aubervilliers ? Quels conseils donneriez-vous aux différents candidats ?

François Trétarre : Le nombre d’habitants de la commune va directement déterminer les plafonds de campagne et le remboursement des candidats. Il y a donc une différence de moyens en parallèle à celle du nombre d’électeurs. La sociologie des territoires va également avoir beaucoup d’influence.

[image:2,s]Mais quelle que soit la taille de la commune, un candidat doit chercher à s’entourer au plus tôt d’un directeur de campagne. Cela lui permettra de se décharger de la gestion quotidienne de façon à pouvoir se concentrer sur son rôle de candidat : rencontres avec les électeurs, participation à des événements, présence sur le terrain… Sans cela, les candidats se retrouvent vite surchargés, notamment à l’approche des élections. D’une manière plus générale, les candidats doivent œuvrer à s’entourer d’une équipe efficace et chercher autour d’eux les compétences qui leur seront utiles : infographie, conception de sites internet, écriture, photographie, connaissance du terrain…

Il ne faut par ailleurs pas sous-estimer le temps de préparation pour se lancer en campagne. Alors que certains candidats ne reçoivent l’investiture de leur parti politique que quelques mois avant la date de l’élection et doivent donc parer au plus pressé, d’autres commencent à se préparer plus d’un an à l’avance. Cela leur permet de se constituer une équipe solide, d’étudier la situation de la localité, de travailler à un programme détaillé, mais aussi de débuter des actions de communication sur le long terme : rencontres avec les prescripteurs d’opinion…

JOL Press : Quand parle-t-on de campagne électorale réussie ?

François Trétarre : Alors que l’on pourrait penser que tous les candidats cherchent à remporter l’élection et donc qu’une campagne réussie et une campagne victorieuse, la réalité diffère souvent. D’abord, tous les candidats ne débutent pas leur campagne sur un même pied d’égalité. Leur notoriété initiale et leur image sur la localité, leur base militante, leurs soutiens, leur expérience des campagnes et les compétences de leur équipe, leur temps libre pour faire campagne… sont autant de facteurs qui varient d’un candidat à l’autre. En fonction de cela, les hommes politiques se fixent un objectif propre.

Alors que certains vont mener une campagne de gain, d’autres préfèreront une campagne de notoriété dont le but consiste à bien se positionner pour une prochaine élection. Ils ne chercheront pas à être élus mais à maximiser leurs chances pour la prochaine fois. Certains candidats peuvent aussi avoir pour objectif de rallier une autre liste mieux placée. Il s’agit alors pour eux de bien se positionner de façon à pouvoir négocier au mieux leur fusion avec la nouvelle liste.

Un candidat qui sait sa défaite certaine cherchera par ailleurs à obtenir un maximum de voix de façon à pouvoir placer le plus possible de conseillers d’opposition. Enfin, notons qu’un score minimum étant nécessaire pour obtenir le remboursement forfaitaire des dépenses de campagne, les « petits candidats » chercheront avant tout à dépasser ce seuil.  Une campagne réussie est donc une campagne qui atteint les objectifs, souvent non publics, du candidat.

JOL Press : La campagne d’un candidat sortant est-elle plus difficile ?

François Trétarre : Un candidat sortant peut s’appuyer sur plusieurs avantages par rapport à ses rivaux. Tout d’abord, il dispose normalement d’une notoriété élevée sur le territoire. Il a également eu le temps de se construire une certaine image et bénéficie d’une couverture médiatique locale. Pour sa campagne, il peut s’appuyer sur un bilan de mandat, et il bénéficie également d’une bonne connaissance des dossiers et de la localité. Enfin, il a pu identifier et connait souvent les principaux acteurs clés locaux.

Bien entendu, un candidat sortant se trouve également dans une situation où certains facteurs peuvent jouer contre lui. Le principal étant que quel que soit ce qu’il a pu apporter à sa circonscription, ses adversaires trouveront toujours des éléments à critiquer, surtout dans les dossiers complexes difficilement explicables aux habitants. Par ailleurs, du fait de la couverture médiatique, de l’attention toute particulière des candidats adverses et de la pression électorale, chaque action entreprise en période de campagne, pour peu qu’elle soit mal interprétée, peut rapidement dégénérer en véritable crise de communication.

C’est d’ailleurs afin de minimiser les critiques, les attaques et les événements en tout genre pouvant se transformer en crise de communication que les candidats sortants mènent généralement une « campagne éclair » en annonçant leur candidature relativement tardivement. Forts de leur notoriété et de leur image, ils n’ont de toute façon pas la nécessité de débuter leur communication aussi longtemps à l’avance que d’autres candidats moins connus.

JOL Press : Quels sont les éléments de langage les plus efficaces dans ce type de campagne ?

François Trétarre : Les messages les plus efficaces sont ceux qui vont concerner les électeurs, ceux qui sont proches de leur quotidien, de leurs préoccupations, de leurs attentes et de leurs besoins. Il faut être concret dans ses propos, éviter les généralités, utiliser des chiffres et des expressions qui « parlent » aux interlocuteurs. Bien entendu, il est plus facile de personnaliser et d’adapter ses propos lors d’actions de communication comme du porte-à-porte, des appels téléphoniques, des entretiens de rue ou encore de la distribution de tracts par secteur géographique que sur des actions de masse. 

Il y a souvent dans la communication un effort pédagogique à faire. On se rapproche de démarches marketing où l’on ne se contente pas de simplement présenter un programme, un candidat ou encore une proposition, mais où l’on va chercher à expliquer quels en seront les avantages pour les électeurs, ce que cela va concrètement changer pour eux. Afin de donner plus d’impact aux messages et d’améliorer leur mémorisation par les habitants, on cherche à faire réfléchir, à questionner, à avoir des messages percutants, simples, courts et dynamiques. Souvent, les candidats vont plus loin et sortent de l’aspect rationnel pour jouer sur l’émotionnel. Ils cherchent à parler au « cœur » des électeurs.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

François Trétarre est conseiller international en communication publique et électorale. Il est l’auteur de l’ouvrage de référence Campagnes Électorales : Principes et Pratiques de la Préparation et de la Conduite de Campagnes diffusé dans plusieurs pays ainsi que de deux guides pratiques étape par étape pour préparer et mener sa campagne électorale. Il est par ailleurs fondateur de campagnes-electorales.fr, première plateforme française d’accompagnement électoral.

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