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Plongée dans l’univers secret des espionnes russes

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La star du cinéma muet Olga Tchekova, la danseuse étoile Maia Plissetskaia, ou encore l’espionne illégale du Kremlin Anna Chapman…: ces femmes de l’ombre ont eu une sorte de génie de la vie. Jetées dans la mêlée des évènements, elles furent soumises à des tragédies sans nom et à des pressions terribles, émanant de la machine à broyer les hommes mise en marche par le Kremlin hier comme aujourd’hui. Ces femmes n’étaient dépourvues ni d’intelligence, ni de lucidité, ni de conviction, ni de passion amoureuse.

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Extraits du « Le Roman des espionnes » de Vladimir Fédorovski ( Editions du Rocher)

Le roman noir de Trotski

Au début des années 1930, Staline, triomphant de ses adversaires politiques, s’était imposé comme l’homme fort du Kremlin, devenant le véritable dieu vivant du temple communiste.

L’emprise du dictateur sur la vie de la Russie était totale. Ni les institutions légales ni les statuts du parti ou des grandes organisations sociales n’avaient d’importance réelle. Leur seul rôle était d’approuver, de transmettre et d’appliquer les décisions du « guide suprême ». Mais dans le subconscient du pays, son rival et principal contradicteur, Trotski, fondateur de l’Armée rouge, restait une figure majeure du bolchevisme militant.

Staline, qui avait pourtant réussi à faire éliminer presque tous les « chefs historiques » de la Révolution, avait préféré l’exclure du parti avant de le contraindre à l’exil.

Les deux leaders avaient des vues diamétralement opposées, s’affrontant dans leur conception même du communisme: l’un appelait à la révolution mondiale, l’autre à la construction du socialisme dans un seul pays. Et si Staline l’emporta, il n’en demeure pas moins que trotskisme et stalinisme dominèrent pendant près d’un demi-siècle toute la pensée doctrinaire du socialisme. Pour autant, l’éloignement forcé de Trotski ne l’avait pas réduit au silence: il n’avait de cesse, depuis l’étranger, de lutter contre la politique du tsar rouge.

Staline décida donc de se débarrasser de cet activiste forcené par le moyen du réseau féminin d’un de ses maîtres espion: Leonid Eitingon.

Sévissant tantôt en Chine, tantôt aux Etats-Unis, souvent en Europe,Eitingon était apprécié de Beria, le chef de la police politique duKremlin. Aux yeux de Staline cependant, il avait trois défauts: ses origines juives, des parents à l’étranger et des missions trop fréquentes, accomplies dans un cadre luxueux.

Il s’était distingué en Espagne en 1936 pendant la guerre civile, d’abord sous le nom de « camarade Pablo », puis de « général Kotov », plusieurs fois mentionné par Hemingway dans ses relations du conflit.

De taille moyenne, la carrure trapue, de petits yeux perçants sous d’épais sourcils, il avait laissé pousser sa barbe pour cacher une cicatrice au menton.

Eitington avait un ascendant incontestable sur les femmes, il possédait aussi beaucoup d’argent: outre les centaines de milliers de dollars mis à se disposition par le Kremlin, la fortune de sa famille à l’étranger était considérable.

Son appartement était un haut lieu de rencontre Russes blanc mondains et raffinés, d’agents soviétiques sous couverture et de l’élite de la gauche européenne. Des écrivains y déclamaient leurs textes, on y parlait de littérature, des dernières toiles de Kandinsky, des découvertes de la psychanalyse et, bien entendu, de politique.

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Ancien diplomate russe et auteur de plusieurs ouvrages historiques, dont « Le Roman des espionnes », Vladimir Fédorovski est aujourd’hui l’écrivain d’origine russe le plus édité en France. Il a été choisi par le service des sports de France Télévisions pour commenter la cérémonie d’ouverture des JO de Sotchi, le vendredi 7 février entre 17h et 20h sur France 2.

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