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Pourquoi la Bosnie s’embrase…

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D’où viennent les émeutes ?

A l’origine de cette mobilisation extraordinaire, la ville de Tuzla. Située au nord-est du pays, Tuzla était dans le passé la ville industrielle la plus importante du pays. Or aujourd’hui, et à la suite de l’échec de la vague de privatisations des usines, les chômeurs se sont multipliés.

Ils sont aujourd’hui des milliers et leur colère s’est rapidement propagée à la capitale, Sarajevo mais également à d’autres villes comme Mostar, au sud du pays et Zenica, au centre.

Bien que cette mobilisation soit avant tout populaire, le cœur de la révolte semble musulman. En effet, les villes dans lesquelles les manifestations ont été les plus violentes sont à majorité musulmane tandis que les agglomérations peuplées principalement de Serbes et de Croates ont observé un plus grand calme.

Quelles sont les revendications des manifestants ?

« Le principal message que cette violence a envoyé est que les citoyens en ont assez de la classe politique », explique l’analyste politique Srecko Latal, dans des propos retranscrits par Libération.

Dans un pays d’une extrême pauvreté, où 44% de la population est touchée par le chômage, la population témoigne de son exaspération face à un pouvoir politique qui n’est pas parvenu à redresser la barre économique de la Bosnie depuis la fin de la guerre.

A cette incompétence attribuée aux politiques qui dirigent la Bosnie-Herzégovine s’ajoute également un large sentiment d’avoir été floué face à un pouvoir gangréné par la corruption.

Peut-on déjà parler de Printemps des Balkans ?

Dans les rues, les manifestants appellent clairement à la révolution. Alors qu’une vingtaine de villes sont désormais touchées, le message est toujours le même : le gouvernement doit tomber.

« Ils nous volent depuis vingt-cinq ans et ruinent notre avenir. Nous voulons qu’ils s’en aillent », a ainsi déclaré Aldin Siranovic, un des leaders des manifestants, dans des propos retranscrits par France TV Info.

« C’est la réponse du peuple. C’est la révolution ! », clame encore un autre représentant, Skib Kopic. « Il ne s’agit pas de sauvages qui protestent. Ce sont beaucoup de jeunes qui n’ont aucun espoir d’avoir un travail à la sortie des universités », indique-t-il.

« Nous réclamons le changement du pouvoir à tous les niveaux. Nous avons faim, ça suffit ! Le peuple n’a rien à manger. C’est une honte. Nous sommes une bombe qui va exploser ! », a annoncé quant à elle une manifestante, selon des propos retranscrits par BFM TV.

Comment a réagi le pouvoir politique ?

La première vague de violences a conduit à la démission des Premiers ministres des cantons de Tuzla et de Zenica et de leurs gouvernements et la fuite du ministre de l’Intérieur du canton de Bihac.

Dans la journée de dimanche 9 février, des dirigeants et partis politiques, qui ne s’étaient pas montrés depuis le début de la révolte en raison de la colère qu’ils suscitent chez les manifestants, ont appelé à l’organisation d’élections anticipées. Ces élections pourraient être programmées dans le courant du mois d’octobre prochain.

« Il est impératif d’arrêter les violences, de rétablir la sécurité pour les citoyens et d’organiser rapidement des élections anticipées », a ainsi déclaré le Parti social-démocrate (SDP), un parti de la coalition au pouvoir, dans un communiqué.

Bakir Izetbegovic, leader du principal parti politique musulman (SDA), a également appelé à la tenue d’élections anticipées. « Le peuple veut un changement du pouvoir », a-t-il déclaré. « Je pense qu’il faudrait avoir les élections dans trois mois pour offrir aux gens la possibilité d’élire ceux auxquels ils font confiance ».

Le fonctionnement politique de la Bosnie-Herzégovine est-il également en cause ?

La Bosnie-Herzégovine fonctionne selon un cadre institutionnel complexe, établi par l’accord de paix de Dayton signé le 14 décembre 1995. Selon ce schéma politique, musulmans, Serbes et Croates se partagent le pouvoir et chaque décision doit recueillir l’aval des trois communautés pour être appliquée.

Au sein de ce gouvernement fédéral, le pays est partagé entre dix cantons, eux-mêmes dirigés par un gouvernement.

« Les institutions héritées des accords de Dayton en 1995 ne marchent pas », indique un diplomate européen interrogé par le JDD.

« L’empilement de compétences administratives et politiques, à l’échelle des cantons chapeautés par une fédération à présidence tournante, a été conçu pour mettre fin à une guerre multiethnique et non pas pour fonctionner en tant que modèle démocratique », estime quant à elle Gaëlle Pério Valero, spécialiste des Balkans pour l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris). « Si l’on ajoute à cette impasse politique les privatisations massives du début des années 2000 et la croyance générale que toute la classe politique est corrompue, on comprend mieux cette volonté de sortir la tête de l’eau », explique-t-elle encore au JDD.

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