Alors que 150 migrants subsahariens ont réussi, lundi 17 février, à franchir la frontière de l’enclave espagnole de Melilla, au nord du Maroc, l’Espagne redoute plus que jamais la forte pression migratoire en provenance du continent africain. Selon le quotidien espagnol « El Pais », 30 000 personnes venues d’Afrique subsaharienne seraient installées au Maroc dans l’attente d’entrer en Europe.
[image:1,l]
La semaine dernière, deux nouveaux corps ont été retrouvés dans les eaux de Ceuta, une des deux enclaves espagnoles au Maroc, après la tentative de passage de plusieurs migrants subsahariens, portant à quinze le nombre de morts depuis le drame survenu le 6 février.
30 000 migrants en attente de franchir la frontière
Parce que la police espagnole a fait usage de « matériel antiémeute, des balles en caoutchouc lancées en parabole par-dessus une barrière de 6 mètres de haut », le drame a provoqué une vive polémique et suscité la colère d’ONG locales, qui ont accusé la garde civile espagnole d’avoir visé directement les migrants. La police, elle, assure que les balles n’ont pas été utilisées directement contre les migrants qui tentaient de rejoindre le territoire espagnol puis ont fui par la mer.
Les villes côtières de Ceuta et Melilla, au nord du Maroc, constituent les seules portes d’entrée terrestres vers l’Europe sur le continent africain. Dans un rapport de la police espagnole repris par le quotidien El País, ils seraient ainsi 30 000 migrants subsahariens à attendre au Maroc dans l’espoir de réussir à franchir les kilomètres de barbelés installés à la frontière des deux enclaves.
Des « organisations criminelles bien structurées »
Cette forte pression migratoire inquiète l’Espagne, qui déplore la constitution d’« organisations criminelles bien structurées » au Maroc, qui s’occupent du transport et de l’envoi des ces milliers de migrants qui fuient leur pays. « Les Subsahariens ayant un peu de moyens choisissent les services de réseaux mafieux pour atteindre l’Europe dans des barques à moteur ou se cachent dans les voitures à double fond, afin de contourner les contrôles aux frontières », indique El País.
« Cependant, un grand nombre de migrants a peu d’argent pour survivre et encore moins pour payer les honoraires des mafias. Sauter par-dessus les clôtures de Ceuta et de Melilla est donc la seule option pour aller du Maroc vers le territoire espagnol, car cela ne coûte rien et peut être fait à tout moment », indique encore le quotidien espagnol, citant des sources sécuritaires.
Par la terre plutôt que par la mer
Certains de ces migrants, qui pour la plupart arrivent du Cameroun, de Mauritanie ou du Nigeria, « arrivent au Maroc où ils se cachent dans les forêts proches de la mer, se rassemblent par convois de huit personnes environ, et se cotisent pour acheter un petit bateau de piscine qu’ils mettent eux-mêmes à la mer », expliquait à JOL Press Jonathan Millet, co-réalisateur du documentaire « Ceuta, douce prison ».
Mais quand ils ne partent pas en bateau vers l’Espagne, c’est pour risquer de passer les clôtures barbelées, parfois avec l’aide de « fixeurs », qui sont souvent des migrants eux-mêmes installés dans des campements à proximité de la frontière. « Les services de renseignement espagnols savent que la plupart des réseaux de l’immigration clandestine n’ont pas les moyens d’envoyer leur « cargaison humaine » en bateau jusqu’aux îles Canaries », explique également El País.
La coopération entre les autorités marocaines et espagnoles a aussi été renforcée depuis les récents drames survenus en Méditerranée, de même que les mesures de contrôle et de surveillance. Les réseaux de passeurs ont ainsi mis l’accent sur le transfert de leurs « clients » par la terre, à Ceuta et Melilla, indique le quotidien.
L’Espagne attend l’aide de l’Europe
Dans un autre article publié mardi 18 février par El País, le quotidien indique que le ministère de l’Intérieur espagnol va demander le soutien de l’Union européenne afin « d’atténuer cette pression migratoire en provenance de l’Afrique », ajoutant que cela fait deux ans que l’Espagne insiste sur le fait que cette lutte contre l’immigration clandestine devrait être une lutte et une responsabilité partagées au sein des pays de l’UE.
Interrogée par JOL Press en octobre dernier, Catherine Wihtol de Wenden, spécialiste des migrations internationales, indiquait néanmoins que, s’il y avait effectivement un « défaut de solidarité considérable » aujourd’hui entre les pays européens, le « partage du fardeau » ne pouvait pas forcément changer grand-chose, dans un contexte de montée des politiques sécuritaires dans toute l’Europe.