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5 ans après sa création, le Tea Party pèse-t-il sur la politique américaine?

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Le 28 février 2009 émergeait le Tea Party, melting-pot à la sauce américaine des opposants politiques à Barack Obama. Réunissant tant les néoconservateurs et les antiétatistes qu’une droite plus extrême, le mouvement réussit à glaner 70 sièges au Congrès en 2010. Cinq ans après sa création, où en est le Tea Party ?

JOL Press : Quelles circonstances ont favorisé l’émergence du Tea Party ?
 

Anne Deysine : En raison de la conjonction de facteurs, à savoir l’élection de Barack Obama, ainsi que la situation de crise dans laquelle se trouvaient les États-Unis. L’État fédéral, d’abord sous Georges Bush puis sous Barack Obama, avait lancé des plans de dépense considérables.

Pour nous Français, c’est difficile à comprendre, mais il y a toujours dans la culture politique américaine ce rejet d’un État fort. Ils se sont construits en résistant contre la tyrannie et les Anglais, et ne veulent donc pas d’un État fort. Or, à cause de la crise, l’État fédéral a dû devenir interventionniste. Le Tea Party s’est beaucoup appuyé là-dessus à sa naissance.

JOL Press : L’Obamacare (la réforme du système de santé), exemple de cet État interventionniste, a pourtant freiné le Tea Party, qui n’a pas réussi à bloquer la loi…
 

Anne Deysine : Ils se sont en effet battus pour que la loi ne soit pas adoptée, en vain. Ils ont donc porté le combat devant les tribunaux, qui ont fini par statuer, via la Cour suprême : celle-ci a validé la loi.

L’heure de gloire du Tea Party était plus en 2010, lors des élections de mi-mandat. Le Tea Party réussit à faire élire environ 70 de ses membres au Congrès. Le Tea Party est alors à l’apogée de sa puissance. Pour exemple, pas moins de 30 propositions de lois ont été adoptées à la chambre des Représentants, visant à abroger Obamacare.

Néanmoins, ils sont beaucoup moins puissants aujourd’hui. Faisant montre d’un obstructionnisme trop irréductible, ils sont lâchés par des républicains pourtant indulgents – quoique méfiants – à leurs débuts. Le Tea Party est aussi en perte de vitesse à l’approche des élections de mi-mandat de 2014. Ses députés sont vus comme un danger pour la crédibilité des États-Unis quand ils refusent d’augmenter le plafond de la dette.

JOL Press : Cependant, le désenchantement notable envers Barack Obama peut-il profiter, à l’approche des élections de mi-mandat, à un mouvement comme le Tea Party ?
 

Anne Deysine : Au vu de la conjoncture, on sait d’avance que ces élections seront un succès républicain. Mais des républicains modérés – et il y en a peu – ou du Tea Party, qui en profitera le plus ? C’est loin d’être évident en raison du découpage électoral. Certaines circonscriptions sont tellement à droite que même en admettant que les électeurs suivent les informations, lisent le journal et connaissent l’attitude du Tea Party à Washington, ils pourraient avoir envie de réélire leurs membres sur des valeurs anti-Obama, anti-État, anti-impôts, anti-tout…

Ces élections vont donc aussi dépendre des circonscriptions, et si le Parti Républicain décide de prendre les choses en main…

JOL Press : Le sénateur Mike Lee disait, aux 5 ans d’anniversaire du Tea Party, « Pour mériter la victoire, il nous faut plus que des tripes, il nous faut un programme ». Le Tea Party est-il uniquement un mouvement de protestation, sans solutions politiques à apporter ?
 

Anne Deysine : C’est uniquement un parti de contestation. Ce n’est d’ailleurs pas un parti, mais un regroupement de plusieurs obédiences qui se réunissent pour des raisons différentes : certains sont purement racistes, d’autres sont libertariens jusqu’à l’antiétatisme, d’autres encore sont néoconservateurs et sont simplement nostalgiques de la grande puissance, qui partirait en Syrie, en Libye…

JOL Press : Le Tea Party n’aurait donc aucune vocation à gouverner ?
 

Anne Deysine : C’est en effet impossible. Sa seule idéologie est de dire « non » à Barack Obama. Il s’est construit sur l’anti-Obama. Cependant, si dans deux ans Hillary Clinton est élue, elle reprendrait certaines thématiques de l’actuel Président, donc le Tea Party aurait toujours des raisons d’exister, du moins sur l’opposition à l’État fort et aux impôts.

En tous les cas, les républicains ont très peu de chances de remporter les prochaines présidentielles. Pour des raisons de carte électorale, mais aussi du fait de leur opposition à une réforme de l’immigration : ils continuent donc à perdre le vote hispanique.

Propos recueillis par Romain de Lacoste pour JOL Press

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Anne Deysine est juriste, professeure à l’Université Paris-Ouest Nanterre, et spécialiste des questions juridiques et politiques aux États-Unis. Elle a par ailleurs créé, et dirige, un Master 2 d’Affaires internationales et négociations intercutlurelles.

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