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Affaire Bygmalion: le «contre-feu» de Copé suffira-t-il à éteindre l’incendie?

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Il se dit l’objet d’une « vendetta », d’une « chasse à l’homme », condamné sans procès au « bûcher médiatique » et au « lynchage public ». Jean-François Copé a fait une « déclaration solennelle » ce lundi 3 mars en fin de matinée, pour répondre aux attaques, notamment celles du «Point», qui l’accuse d’avoir favorisé une société de communication fondée par deux de ses anciens très proches collaborateurs. Pour prouver sa bonne foi, il a promis que l’UMP mettrait « à disposition l’intégralité de sa comptabilité » et a annoncé qu’il allait déposer une proposition de loi exigeant la transparence financière de tous les partis et des médias. Une bonne stratégie ? Eléments de réponse avec Liliane Delwasse, auteure de Dr Fillon et Mr Sarkozy (Archipel, 2012). Entretien.

JOL Press : Sans rentrer dans les détails de l’affaire, peut-on, d’ores et déjà, penser que la légitimité de Jean-François Copé à la tête de l’UMP va être une nouvelle fois mise à mal ?

Liliane Delwasse : Sa légitimité a effectivement déjà été contestée après l’élection à la présidence de l’UMP et il est clair que cette affaire n’arrange rien. C’est pour cette raison que certaines mauvaises langues avancent que des fillonistes pourraient se réjouir de ce qui lui arrive. Si François Fillon est resté neutre, Laurent Wauquiez aussi, le député UMP, Lionel Tardy, a fait une déclaration d’une violence incroyable en assurant que « tout le monde savait », sous-entendu : Copé est un escroc et tout le monde le sait. Jean-François Copé ne va peut-être pas être atteint dans sa légitimité à court terme mais il est évident que ses adversaires vont se sentir confortés par cette affaire. Il est cependant président du parti et il va le rester.

JOL Press : Qu’est-ce que sa réaction à l’affaire révèle du « style Copé » ?

Liliane Delwasse : Lors de sa déclaration solennelle face à la presse, il a voulu montrer qu’il irait jusqu’au bout, que c’était un combattant mais il a aussi montré qu’il était un homme sensible, atteint, horrifié par ce qui lui arrive. Face aux attaques, il répond par une demande de transparence supplémentaire. Il a parlé d’un nouveau Clearstream, de cabale, d’acharnement… Il est clair qu’à quelques semaines des municipales, ces révélations n’arrangent pas ses affaires. De plus, quand viendra le jour des primaires à l’UMP, si primaire il y a, cette affaire sera utilisée par ses ennemis internes contre lui.

JOL Press : En interne, François Fillon avait tenté en vain, à l’été 2013, d’obtenir la transparence sur les comptes et le trésorier du parti, Dominique Dord, avait démissionné en dénonçant un « mélange des genres effarant ». Est-ce une spécificité de l’UMP ou tous les partis sont-ils concernés par cette opacité des comptes ?

Liliane Delwasse : Aucun parti politique n’est vraiment transparent. Ils ont toujours des comptabilités un peu opaques. Jean-François Copé veut donner un coup de pied dans la fourmilière en demandant la transparence de tous les partis mais le problème n’est pas là. On vient de demander aux militants de l’UMP 11 millions d’euros pour la campagne de Nicolas Sarkozy et on apprend via la presse que 8 millions seraient partis dans les poches de Bygmalion, la société de communication fondée par deux de ses anciens collaborateurs, Bastien Millot et Guy Alvès. C’est surtout cela qui choque. Si cette affaire est avérée, ce serait redoutable pour Jean-François Copé.

JOL Press : Se positionner en victime d’un complot, est-ce une bonne solution ?

Liliane Delwasse : Vu sa position, il n’a pas moyen de faire autrement. Que peut-il faire d’autre ? Personne ne sait ce qui s’est réellement passé puisqu’on n’a pas les chiffres mais je crois que, quel que soit le fin mot de cette histoire, il n’a pas d’autre choix. Si c’est vrai, tout avouer le tuerait politiquement ; si c’est faux, il a tout intérêt à se faire passer pour une victime.

JOL Press : En parlant de « Vendetta », d’ « inquisition », de « coup-monté », de la part des médias, ne va-t-il pas trop loin ?

Liliane Delwasse : Jean-François Copé n’aime pas les journalistes. Il s’en méfie. Les journalistes ne l’aiment pas beaucoup non plus et il faut avouer que la presse ne l’a pas épargné dans la bataille qui l’opposait à François Fillon pour la présidence de l’UMP. A-t-il un contentieux personnel avec Franz-Olivier Giesbert ? On n’en sait rien mais quand il parle de personnalités journalistiques bouffies d’ego, on a bien compris qui il visait. Il faut reconnaître que certains patrons de presse ou éditorialistes se prennent, de temps en temps, très au sérieux et font la morale aux hommes politiques. Ce qui rend leur relation un peu compliquée.

JOL Press : Faut-il voir dans cette affaire un nouveau chapitre de guerre interne à l’UMP ?

Liliane Delwasse : C’est évident. Jean-François Copé est un homme solitaire qui travaille en clan. Il a autour de lui, un peu comme Nicolas Sarkozy, des proches très dévoués, à l’instar de Jérôme Lavrilleux ou Christian Jacob, qui le soutiennent envers et contre tout. Et certains dans le clan Copé laissent entendre qu’un certain nombre d’informations auraient été donné par des fillonistes à la presse pour « tuer » Copé. Il est clair que les politiques et les journalistes se croisent et se voient et il serait très facile pour un proche de François Fillon d’aller déjeuner avec des journalistes du Point en leur disant d’aller regarder du côté de Bygmalion.

JOL Press : Vous dites que Jean-François Copé est apparu blessé. Est-ce parce qu’il soupçonne quelqu’un de sa famille politique ?

Liliane Delwasse : On l’accuse de concussion, ce n’est pas rien. Dire qu’il aurait favorisé une agence de communication tenue par des proches, cela laisse entendre que qu’ils se seraient partagé le « magot ». Cette affaire présente Jean-François Copé comme un homme malhonnête dans le parti qu’il dirige lui-même. C’est extrêmement violent et il n’est pas étonnant qu’il se sente profondément blessé par tout cela. Il a désormais l’image d’un homme qui triche aux élections et qui aime l’argent, ce n’est pas terrible quand on veut être président de la République.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Liliane Delwasse, journaliste politique, a collaboré au Monde, à L’Express, au Point, au Quotidien de Paris et au Canard enchaîné. On lui doit notamment Sylviane et Bernadette sont en campagne (avec Frédéric Delpech, Ramsay, 2001) et Quand les femmes prennent le pouvoir (Anne Carrière, 2006).

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