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Affaire Copé: comment l’UMP se désolidarise de son président

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Après l’opération contre-attaque menée en solitaire par le président de l’UMP, lundi 3 mars, lors d’une « déclaration solennelle » au siège parisien du parti, peu de voix se sont levées pour soutenir Jean-François Copé.

« Je constate qu’il existe des lois sur la transparence, appliquons-les dans toute leur rigueur, dans leur clarté. Et puis s’il faut les compléter, on verra », a déclaré Alain Juppé, en jugeant « injuste » de « mettre en cause l’ensemble des médias ». Brice Hortefeux a pris acte de « propositions personnelles » et Laurent Wauquiez a demandé à Jean-François Copé de « lever les doutes tout de suite » sur les comptes du parti pour éviter que les candidats aux élections municipales soient « pollués » par cette affaire. Comment expliquer ce manque de solidarité au sein de l’UMP ? Eléments de réponses avec Hubert Huertas, auteur de La guerre des deux droites (Archipel – 2013). Entretien.

JOL Press : L’UMP se trouve une nouvelle fois confrontée à une importante crise interne : Jean-François Copé est de plus en plus contesté et nombreux sont ceux qui lui reprochent sa réponse aux accusations du Point. Quels vont-être les éléments de langage du parti d’ici les municipales ?

Hubert Huertas : Je ne crois pas que des éléments de langage vont être repris à l’UMP, on va préférer le silence et tenter de minimiser l’affaire, de la relativiser. C’est d’ailleurs ce que l’on a pu constater à l’occasion des premières réactions d’Alain Juppé ou de Brice Hortefeux. Les cadres de l’UMP ne peuvent pas ouvertement dire que Jean-François Copé n’aurait pas dû faire ce type de déclaration, ils préfèrent déclarer que ses propos lui appartiennent : ce ne serait pas le président de l’UMP qui se serait exprimé mais un homme à qui on concède d’être injustement accusé qui se serait défendu.

Les élus de l’UMP qui sont actuellement en campagne municipale vont très certainement éviter de parler de cette affaire considérant qu’il est certaines affaires qu’il vaut mieux ignorer pour éviter de leur donner trop d’importance. La plupart de ces élus auraient par ailleurs préféré que Jean-François Copé se défende autrement que dans le cadre de cette communication officielle ultra médiatisée, car selon eux cette affaire n’en valait pas la peine.

JOL Press : En règle générale, comment communique l’UMP en période de crise ?

Hubert Huertas : Ce qui est intéressant c’est que l’UMP n’a pas du tout réagi comme à son habitude. En règle générale, l’UMP répond aux attaques par un rouleau-compresseur de communication : on convoque l’ensemble des attachés de presse du parti et on envoie sur la même thématique une dizaine de communiqués. Or on constate que cette opération de communication n’a pas eu lieu. L’UMP n’a que très peu réagi, seule la garde très rapprochée de Jean-François Copé a cru bon de prendre sa défense devant les médias.

JOL Press : A travers cette affaire, la guerre Fillon-Copé est-elle à nouveau déclarée ?

Hubert Huertas : On n’entrera pas publiquement en guerre dans les prochains jours à l’UMP, personne ne pourrait y trouver un intérêt, à quelques jours des municipales qui devraient normalement bien se passer vu l’impopularité du pouvoir actuel. Cela dit, il est évident que cette affaire va réveiller les anciennes querelles entre fillonistes et copéistes dans la mesure où la légitimité de Jean-François Copé est à nouveau mise à mal. Les soutiens de François Fillon ont reproché à Jean-François Copé d’avoir volé sa victoire, sa légitimité était donc contestée depuis son élection par une grande partie des membres de l’UMP.

S’il avait ouvert les comptes pour prouver qu’il était un innocent injustement persécuté, le problème ne se poserait pas de la même manière mais en réagissant comme il l’a fait lundi, Jean-François Copé a ajouté à sa réputation de tricheur, une réputation de voleur. Pour éviter tout soupçon, il aurait dû être transparent sans exiger que le monde entier le soit.

JOL Press : Jusqu’à quand l’UMP va-t-elle être obligée de jouer la carte de l’unité alors même que le parti se fissure de toutes parts ?

Hubert Huertas : Les échéances électorales obligent à une certaine discrétion. Sauf si les copéistes voulaient se venger d’avoir été torpillés en mouillant les autres, on imagine mal qui à l’UMP aurait intérêt à jouer autre chose que la carte de l’unité. Par la suite, l’unité dépendra du retour de Nicolas Sarkozy. Va-t-il revenir au sein de l’UMP ou va-t-il choisir de torpiller le parti en créant son propre courant ? La question de la division pourrait être évitée, comme dans l’histoire de la droite bonapartiste, si l’UMP se trouvait un candidat pour 2017 que personne ne contesterait. Si Nicolas Sarkozy ne revenait pas, la guerre des chefs serait alors inévitable.

JOL Press : Un putsch de certains barons de l’UMP pour renverser Jean-François Copé est-il envisageable ?

Hubert Huertas : Ce putsch est envisageable et il est en train d’avoir lieu. Mais c’est un putsch silencieux, on le débranche : quand le patron de l’UMP lance sa grande contre-offensive, avec tambours et trompettes, on assure qu’il ne s’agit pas là d’une position du parti mais de celle de Jean-François Copé. Faire de la parole du président de l’UMP une parole personnelle, c’est déjà considérer que ce président n’en est plus un. Le putsch a déjà eu lieu, Jean-François Copé n’est pas reconnu par les siens comme un chef rassembleur et représentatif de leurs idées.

Si le putsch devait se faire de façon violente et publique, beaucoup trop de cadres du parti y laisseraient des plumes et la place de chef incontestée serait définitivement laissée à Nicolas Sarkozy. Trop de barons à l’UMP ne souhaitent pas voir un tel scénario se réaliser. Le potentiel retour de Nicolas Sarkozy relativise tout à l’UMP.

JOL Press : Malgré toutes ces divisions, l’UMP peut-elle espérer sortir gagnante des municipales ?

Hubert Huertas : Il n’est pas certain que ces affaires aient une grande influence sur le vote des électeurs. Jusqu’à nouvel ordre, dans l’histoire de la Ve République, chaque fois qu’un parti de gouvernement est en grande difficulté, c’est le principal parti d’opposition qui en profite. Alors même si le principal parti d’opposition n’est pas flambant, il risque de sortir vainqueur des élections. Il reste une inconnue cependant : l’importance du vote Front national. Mais je suis convaincu que l’UMP va prendre le dessus car nous sommes dans une Ve république totalement bloquée : les deux grands partis ont beau être décrédibilisés, ce seront toujours eux qui seront au pouvoir jusqu’au jour où le système vacillera.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Hubert Huertas, ancien grand reporter pour France Inter et France Info, dirige le service politique de France Culture et collabore à Médiapart. Il est l’auteur d’un essai sur le Front national (FN made in France, éditions Autres Temps). 

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