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Affaire Kerviel: un arrêt de la Cour de cassation à l’impact juridique et financier considérable

Par arrêt en date du 19 mars 2014_ la chambre criminelle de la Cour de Cassation, qui était réunie dans sa formation plénière, a rejeté le pourvoi formé par M. Jérôme Kerviel concernant les dispositions pénales de l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 24 octobre 2012.

Cen ce qui concerne le pourvoi n’avait pas critiqué les dispositions concernant l’abus de confiance qui retenaient la culpabilité du « trader » en affirmant qu’il avait pris des positions spéculatives « en utilisant , au mépris de son mandat et au-delà de la limite autorisée, les moyens techniques qui lui étaient confiés ». Le fait que le lien de subordination excluait l’existence d’un mandat et que les moyens techniques n’étaient pas confiés au trader qui ne faisaient que les utiliser pour son employeur n’avait pas été soulevé.

La Cour de Cassation a écarté l’argumentation selon laquelle la banque avait connaissance des activités des activités de son salarié ou aurait du en connaitre l’existence en se réfugiant derrière l’appréciation souveraine des juges du fond quant aux éléments de preuve qui leur étaient soumis . En ce qui concerne le délit d’introduction frauduleuse de données dans un système de traitement automatisé la Cour de Cassation a rejeté le moyen de la non-conformité de l’article 323-3 du code pénal à la Convention européenne des droits de l’homme.

La décision de la Cour de cassation a un impact financier qui dépasse le montant d’une condamnation impayable

Le pourvoi avait soutenu que ce texte n’était pas conforme au principe de légalité des délits et des peines mais la Cour de cassation a jugé qu’il était rédigé en termes suffisamment clairs et précis pour permettre que son interprétation se fasse sans risque d’arbitraire, et a donc écarté ce grief. Le pourvoi n’ayant pas mis en question l’applicabilité du texte, alors que l’introduction de données concernant des opérations qualifiées de fictives faites par un salarié dans le cadre de son travail ne peut être considéré comme une intrusion dans le système informatique, la Cour de Cassation n’a bien entendu pas statué sur cette question.

La Cour de cassation a inversement cassé les dispositions condamnant M. Jérôme Kerviel a payer la somme de 4.900.000.000 euros correspondant au préjudice que la Société Générale prétend avoir subi. Cette condamnation qui correspond en fait à une condamnation à une mort civile, avait été justifiée par l’argument qu’elle s’imposerait du fait du principe de la réparation intégrale du préjudice. C’était oublier la jurisprudence concernant la réparation du préjudice lorsque celui-ci résulte du concours de plusieurs fautes, principe qui est applicable quelle que soit la nature des infractions commises.

La Cour d’appel ayant relevé l’existence de fautes commises par la Société Générale ayant concouru au développement de la fraude et à ses conséquences financiers, elle aurait du tenir compte de ces fautes pour évaluer la réparation du dommage mise à la charge du prévenu. La chambre criminelle renvoie donc à la Cour d’appel de Versailles désignée comme cour de renvoi pour statuer dans les limites de la cassation, c’est-à-dire sur la réparation du préjudice.

Le fait que la Cour de cassation relève les constatations de la Cour d’appel sur les fautes commises par la Société Générale ayant concouru au développement de la fraude et à ses conséquences financières est aussi susceptible de remettre en cause la déductibilité fiscale des pertes que la Société Générale affirme avoir subies. En effet les pertes ne sont pas déductibles lorsqu’elles sont dues à une faute de gestion. La décision de la Cour de cassation a donc un impact financier qui dépasse le montant d’une condamnation qui en tout état de cause ne pouvait manifestement pas être payée.

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