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Avion disparu: crise passagère entre la Chine et la Malaisie

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JOL Press : Cette défiance et cette irritation de Pékin envers Kuala Lumpur sont-elles révélatrices des relations sino-malaisiennes ?
 

Emmanuel Lincot : Cette mauvaise humeur est épisodique. Sur le long terme, les relations entre la Chine et la Malaisie sont plutôt bonnes. Les autorités pékinoises pointent simplement du doigt ce qu’ils considèrent comme de l’incompétence de la part des autorités malaisiennes dans la gestion de cette crise. L’Etat chinois, qui doit rendre des comptes à ses concitoyens et aux familles des passagers, est en droit de s’impatienter. De fait, dans cette affaire de Boeing disparu, les informations contradictoires se succèdent.

Les relations sino-malaisiennes sont au beau fixe depuis la reconnaissance de la République populaire de Chine par la Malaisie en 1974. Le président chinois Xi Jinping et le Premier ministre malaisien Najib Razak ont même décidé, en octobre, d’élever leur relation bilatérale au rang de partenariat stratégique global.

En outre, la Chine est le premier partenaire commercial de la Malaisie depuis 4 ans, et la Malaisie est le plus important partenaire commercial de l’Empire du Milieu parmi les 10 membres de l’ASEAN (Association des nations de l’Asie du Sud-Est, ndlr) depuis 5 ans. En 2012, les échanges commerciaux bilatéraux entre les deux pays se sont élevés à près de 95 milliards de dollars.

JOL Press : Cette crise ne risque donc pas d’assombrir les relations entre la Chine et la Malaisie.
 

Emmanuel Lincot : Effectivement. Par ailleurs, il est intéressant de souligner que la Chine a redéployé 10 de ses satellites dans l’espoir d’arriver à localiser l’appareil. Or, je pense que cette volonté d’appuyer les secours va, à terme, servir les intérêts de Pékin, qui pourra exercer un droit de regard accru sur la région. Assez cyniquement, je dirais donc que ce drame est aussi une opportunité pour les autorités chinoises.

JOL Press : Ces relations sino-malaisiennes sont-elles uniquement commerciales ?
 

Emmanuel Lincot : Non, elles vont bien au-delà pour des raisons stratégiques évidentes. Le détroit de Malacca, situé entre la péninsule Malaise et Sumatra, est une voie de navigation qui cristallise de nombreux enjeux géopolitiques : 20% du trafic maritime mondial et un tiers du transport pétrolier transitent par ce détroit. De plus, le monde indo-malais est une porte d’entrée vers l’Afrique. Dès lors, on comprend pourquoi les Chinois sont présents dans cette zone depuis le Moyen Age.

La coopération entre la Chine et la Malaisie s’étend à de nombreux domaines, notamment celui de la sécurité pour lutter contre la piraterie, qui gangrène les eaux de la région depuis des décennies. Les deux parties ont tout intérêt à s’entendre. Dans les années 1960, cette zone est devenue un des grands enjeux de la Guerre froide. Les communautés chinoises qui y habitaient étaient alors considérées comme des espions manipulés par la Chine (souvent à raison), ce qui a donné lieu à des pogroms. Mais Pékin n’a jamais cherché à instrumentaliser cette mémoire douloureuse.

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Emmanuel Lincot est directeur de la Chaire des études chinoises contemporaines à l’Institut catholique de Paris.

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