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Baisse des aides aux collectivités locales: les maires ruraux inquiets

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Le gouvernement a promis 50 milliards d’économies de dépenses publiques d’ici à la fin du quinquennat et, selon Le Parisien, les communes, les départements et les régions pourraient se voir amputer près de 10% de leurs ressources d’ici à 2017. Un montant jugé excessif par la ministre de la Décentralisation, Marylise Lebranchu. « Je n’ai aucun arbitrage sur les chiffres », a assuré la ministre à Radio-Classique et LCI, mardi 4 février. « La répartition des économies n’est pas arrêtée. Les grandes lignes seront présentées dans le programme de stabilité au mois d’avril. A mon avis, on n’arrivera pas à 10 milliards. Mais moi je ne veux pas jouer aux chiffres. Je ne spécule pas, je me méfie, même si tous les chiffres sont sur la table ».

 Mais que va-t-il se passer dans les petites communes rurales ? Décryptage de la situation avec Cédric Szabo, directeur de l’association des maires ruraux de France. Entretien.

JOL Press : Le gouvernement s’apprêterait, selon Le Parisien, à réduire de 10 milliards les subventions versées par l’Etat aux mairies, aux départements et aux régions. Quelle est votre réaction ?

Cédric Szabo : Cela fait très longtemps que les communes rurales sont moins bien traitées que les communes urbaines par desiderata des gouvernements successifs qui privilégient le développement des métropoles au détriment des territoires ruraux. Que le gouvernement s’apprête à réduire fortement les subventions versées par l’Etat aux mairies n’est pas une surprise, on nous avait déjà annoncé 1,5 milliards d’économies pour 2014 sur les régions, les départements et les communes. 10 milliards correspond à 20% des 50 milliards d’économies de dépenses publiques promises d’ici à la fin du quinquennat. Ce qui importera pour nous ce sera l’échelonnement et l’attention portées aux discriminations dont sont victimes les communes rurales dans la répartition des dotations de l’Etat.

JOL Press : Craignez-vous que toutes les communes ne soient pas touchées de la même manière ?

Cédric Szabo : On attend, on ne sait pas encore sur quoi aboutiront les négociations, mais il est clair qu’on s’attend à une bataille féroce entre les différents niveaux de collectivités locales. Nous plaiderons le fait que nous sommes déjà extrêmement ciblés par les restrictions avant même que se pose la question de la contribution des collectivités locales à réduction des dépenses publiques. Les territoires ruraux sont toujours moins bien traités que les espaces urbains.

Notre enjeu sera très clairement de défendre les communes rurales, non pas en tant qu’institutions mais en tant que territoires où se délivrent des services et il arrive un moment où on ne peut plus descendre en dessous d’un certain niveau de service. Quand le gouvernement nous avait avertis de son intention de réduire les dotations à l’égard des collectivités locales, on avait demandé que les communes qui se trouvaient en dessous d’un certain nombre de dotations soient exonérées. L’action publique demande un minimum de moyen.

JOL Press : Avez-vous l’impression d’être entendu par le gouvernement ?

Cédric Szabo : Il faut bien comprendre que les décalages de dotations selon les communes touchent en premier lieu l’habitant des collectivités locales. Or le législateur aujourd’hui considère qu’un habitant urbain vaut deux ruraux en euros. Une proposition de loi au Sénat en septembre dernier avait mis ce sujet sur la table et Anne-Marie Escoffier, la ministre déléguée auprès de la ministre de la Réforme de l’Etat, de la Décentralisation et de la Fonction publique, chargée de la Décentralisation avait trouvé le sujet intéressant mais nous avait indiqué que ce n’était pas le bon moment pour y répondre dans un contexte de réduction de voilure de l’action publique.

Mais nous pensons au contraire qu’il est opportun d’aborder le sujet à l’heure où le gouvernement envisage de réduire les subventions versées par l’Etat aux mairies. De nombreuses communes rurales sont déjà en très grande difficulté. Supprimer les dotations là où il y en a déjà très ne servirait à rien. Si on veut rendre service au public il faut donner les moyens aux collectivités locales les plus pauvres et nous avons été suivi en cela par le Conseil économique, social et environnemental (CESE) qui a, dans l’un de ses derniers rapports sur l’égalité territoriale, repris l’idée selon laquelle il fallait un minimum de capacité financière pour pouvoir agir à l’échelon des collectivités locales.

On ne cible personne mais certaines communes aujourd’hui ont largement les moyens de faire ce qu’elles font et d’autres ne peuvent pas répondre à la demande de la population en matière de crèches, de services de déplacement, de services d’accueil des personnes à mobilité réduite ou des personnes âgées. Il faut faire la distinction entre ce qui relève  de la collectivité locale et ce qui relève de la solidarité nationale.

JOL Press : Vous avez déclaré qu’un habitant urbain valait deux ruraux en euros. Que voulez-vous dire par là ?

Cédric Szabo : Le mode de calcul de la dotation prévoit que la dotation de base est égale, pour chaque commune, au produit de sa population par un montant compris entre 64,46 euros et 128,93 euros, « en fonction croissante de la population de la commune, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État ». C’est-à-dire que les communes de moins de 10 000 habitants touchent 64 euros par habitant et les communes de plus de 100 000 habitants touchent 128 par habitant. Et ces dotations par habitant concernent un tiers des dotations de l’Etat à l’égard des communes, d’où la discrimination.

JOL Press : Quels seront les secteurs touchés en priorité si le gouvernement réduit les subventions versées par l’Etat aux mairies ?

Cédric Szabo : Il faudra, avant toute décision, faire un état des lieux de la situation. Le rapport de la Cour des Comptes d’octobre dernier sur les finances locales constate que les communes rurales sont très peu dépensières quand on évalue le montant des dépenses par le nombre d’habitants. Il faut mettre tous les sujets sur la table et on verra, par la suite, sur quels secteurs les collectivités pourront faire des économies. Ce sera, quoiqu’il arrive, désagréable pour tout le monde, même si ça l’est pour les communes rurales depuis bien longtemps.

JOL Press : Si le gouvernement réduit les subventions versées par l’Etat aux mairies, les impôts locaux vont-ils obligatoirement augmenter ?

Cédric Szabo : Il est évident que si les communes n’ont pas d’autres choix, elles augmenteront les impôts mais on ne peut pas dire aujourd’hui si les communes rurales augmenteront le feront ou pas. Pour nous ce n’est pas la solution puisqu’en moyenne la richesse fiscale n’est pas dans les communes rurales mais dans les villes.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

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