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Basculement à droite: après les mairies, le Sénat?

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« D’après nos calculs, le Sénat devrait repasser à droite en septembre, vu le nombre de villes de plus de 9000 habitants, pourvoyeuses de grandes électeurs, qui ont basculé dans notre camp », a affirmé Jérôme Lavrilleux, directeur de cabinet du président de l’UMP Jean-François Copé, au lendemain du 2nd tour des élections municipales. L’opposition a-t-elle raison d’être si confiante ? Eléments de réponse avec Jean-Louis Prévost, journaliste à l’AFP, spécialiste du Sénat.

JOL Press : Comment le Sénat était-il passé à gauche en 2011 ?

Jean-Louis Prévost : Le basculement du Sénat à gauche s’était passé en deux temps parce que les sénateurs sont renouvelables par moitié tous les trois ans. La Haute assemblée avait changé de majorité à la suite des municipales de 2008 qui avait vu la gauche prendre la tête de nouvelles mairies de grandes villes, à l’instar de Toulouse, Strasbourg, Saint-Etienne, Reims, Amiens, Blois, Metz, Périgueux, Angoulême, Évreux ou encore Valence.

Dans un premier temps, il y a eu un renouvellement en septembre 2008 avec une poussée de la gauche assez importante.  La gauche n’était alors pas loin d’obtenir la majorité mais il a fallu attendre le deuxième renouvellement de l’autre moitié des sénateurs, en septembre 2011, sur la base à nouveau du collège électoral élu en 2008, pour que la gauche devienne majoritaire au Sénat.

JOL Press : Comment se déroulent les sénatoriales et quelle est l’importance des municipales pour ce scrutin ?

Jean-Louis Prévost : Les sénateurs sont élus au suffrage universel indirect par un collège d’électeurs ou de représentants des communes. Les communes représentent environ 95% de ce collège mais sont aussi présents des conseillers régionaux, généraux et des députés. Ce sont donc bien les communes qui décident de l’élection. Les communes ont un certain nombre de représentants en fonction de leur taille : de 1 à 15 délégués dans les communes de moins de 9 000 habitants ; tout le conseil municipal (de 29 à 69 délégués) dans les communes de 9 000 à 30 000 habitants ; des délégués supplémentaires dans les communes de plus de 30 000 habitants, à raison d’un délégué par tranche de 1 000 habitants au-dessus de 30 000. Mais force est de constater que les plus petites communes sont plus privilégiées que les grandes.

JOL Press : « Le Sénat devrait repasser à droite en septembre », a indiqué l’UMP dans la soirée de dimanche 30 mars. Peut-on en être certain ?

Jean-Louis Prévost : Le Sénat est en effet quasiment assuré de passer à droite. Je ne vois pas bien comment cela pourrait se passer autrement. Si on reprend les chiffres du ministère de l’Intérieur, la gauche a perdu 155 villes de plus de 9000 habitants, ce qui fait énormément d’électeurs de droite pour les sénatoriales. Prenons l’exemple de la Haute-Garonne où Toulouse est passé à droite : actuellement sur les cinq sénateurs de Haute-Garonne, quatre sont de gauche. Avec la bascule de Toulouse, le rapport pourrait s’inverser et le département pourrait avoir en septembre quatre sénateurs de droite et un de gauche.

La gauche dispose d’une très faible majorité actuellement au Sénat, avec 178 sièges sur 348. L’opposition doit gagner 7 sièges pour faire basculer la majorité à la Haute-Assemblée. Le basculement paraît donc inévitable.

JOL Press : Quelles vont-être les conséquences pour la majorité ?

Jean-Louis Prévost : Concrètement ce basculement n’empêchera pas le gouvernement de faire adopter la plupart de ses textes. On peut dire qu’aujourd’hui le gouvernement n’a pas de majorité absolue : sur les 178 sénateurs de gauche, on retrouve le Parti socialiste mais aussi les écologistes, les radicaux de gauche et les communistes. On se souvient que le Sénat avait rejeté le projet de loi de finances 2014 à deux reprises, le soutien du Sénat au gouvernement était donc déjà fragile. Mais la mécanique parlementaire est telle que c’est l’Assemblée nationale qui a le dernier mot et, au terme d’une procédure un peu longue, les projets de loi finiront par passer.

Si le Sénat passe à droite, l’action gouvernementale va devenir plus compliquée, les processus seront plus longs, mais cela n’empêchera pas l’exécutif de faire passer des projets de loi qu’il souhaitera faire passer.

En revanche, au sein du Sénat, un certain nombre de changement devront être opérés. Actuellement le Bureau du Sénat, composé du président, des vice-présidents, des questeurs et des secrétaires, est majoritairement à gauche et la plupart des présidents de commissions sont de gauche. Toutes ces personnes vont devoir quitter leur poste et seront remplacées par des élus de droite.

JOL Press : Quels pourraient être, dans ce cas, les candidats à la présidence du Sénat ?

Jean-Louis Prévost : Si l’actuel président du Sénat, Jean-Pierre Bel, a déjà annoncé qu’il abandonnerait son fauteuil à l’occasion des prochaines élections sénatoriales, on ne sait pas encore qui sera le candidat de la gauche. Si la droite l’emporte, l’ancien président, Gérard Larcher, sera candidat mais il pourrait ne pas être le seul, Jean-Pierre Raffarin pourrait à nouveau se présenter.

JOL Press : Y a-t-il déjà eu des sénateurs FN et ce peut-il qu’un sénateur FN soit élu en septembre ?

Jean-Louis Prévost : Il n’y a jamais eu de sénateurs Front national. Certes, avec 1546 conseillers municipaux, le FN va pouvoir participer aux élections sénatoriales mais de là à assister à l’élection d’un sénateur FN en septembre prochain ou dans trois ans, rien n’est moins sûr. La vague bleue-marine n’a pas été suffisante pour envisager une telle élection. Si candidats FN il y a, l’opposition à droite et à gauche sera contre eux et leur barrera la route.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

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