Site icon La Revue Internationale

Californie: comment les États-Unis se préparent-ils au «Big One»?

[image:1,l]

JOL Press : Qu’est-ce que le «Big One» ?

 

Jean-Paul Montagner : Rappelons d’abord qu’entre le séisme qui a frappé le Japon le 11 mars 2011, d’une magnitude de 8,9, et celui qui a secoué la Californie, d’une magnitude de 6,9, la différence est considérable puisque l’énergie dégagée croît de manière exponentielle : ainsi, le premier était 1 000 fois plus puissant que le second.

Le tremblement de terre survénu dimanche 9 mars aux Etats-Unis n’était pas un «méga-séisme», généralement supérieur à 8 sur l’échelle de Richter. Cela ne veut pas dire qu’un séisme d’une telle ampleur ne puisse pas être extrêmement destructeur : celui qui a touché Haïti le 12 janvier 2010, d’une magnitude de 7, a fait plus de 220 000 morts et 300 000 blessés.

Le «Big One» est le nom donné à un tremblement de terre ravageur qui devrait se produire sur la côte ouest des Etats-Unis. Les géologues estiment en général à 70% la probabilité qu’il survienne au cours des 30 prochaines années. Le dernier méga-séisme dans cette région – celui de Fort Tejon, d’une magnitude de 7,8 – remonte à 1857.

Le danger vient de la célèbre faille de San Andreas. Longue de 1 300 kilomètres, elle se situe à la jonction des plaques tectoniques du Pacifique et de l’Amérique, et traverse la Californie du nord au sud. Le dernier séisme dévastateur à s’être produit sur cette faille est celui de San Francisco, en 1906, qui a détruit la ville et fait environ 3 000 morts.

JOL Press : Quelles conséquences pourrait avoir ce fameux «Big One» ?

 

Jean-Paul Montagner : De nombreuses simulations ont été réalisées car, si on ne peut pas empêcher qu’un séisme arrive, on sait que toutes les méthodes qui permettent d’avertir la population le plus vite possible sont susceptibles de sauver des vies.

Les conséquences d’un «Big One» seraient considérables, mais je ne peux pas avancer de chiffres : le bilan humain dépendrait en grande partie du bon fonctionnement des systèmes d’alerte. Malgré cela et malgré des constructions parasismiques, les dégâts pourraient être très importants. Le séisme de Loma Prieta, en 1989, a causé l’effondrement partiel du Bay Bridge (reliant San Francisco et Oakland), pourtant construit selon les normes parasismiques.

Dans un pays développé comme les Etats-Unis, il est certain que le nombre de victimes serait bien inférieur au nombre de pertes liées au séisme qui a ravagé l’Inde en 2001 (plus de 20 000 morts). Par ailleurs, il faut aussi prendre en compte les conséquences d’un tremblement de terre : au Japon, le séisme et le tsunami qui a suivi ont fait 20 000 morts, sans parler de la catastrophe nucléaire dont on ignore le nombre de victimes à long terme.

JOL Press : Comme la Californie se prépare-t-elle à ce «méga-séisme» ?

 

Jean-Paul Montagner : Réduire l’impact d’un tremblement de terre est un travail de longue haleine. Comme je l’indiquais plus tôt, cela induit notamment la construction de bâtiments aux normes parasismiques. Et cela fonctionne assez bien. En 2011, le tremblement de terre a fait violemment tanguer les buildings de Tokyo. Les matériaux de ces immeubles s’allongent, se tordent, mais se brisent très difficilement.

Dès qu’un séisme se produit, il faut que l’ensemble de la population soit prévenue le plus vite possible afin de se mettre à l’abri. Il est primordial de l’éduquer pour qu’elle adopte les bons réflexes. Il faut aussi pouvoir mettre à l’arrêt très rapidement tout ce qui peut brûler, exploser ou provoquer des fuites. Concrètement, cela signifie couper le gaz, l’électricité, l’eau, fermer les ponts etc.

Enfin, la mise en place de secours est déterminante. Les conséquences d’un tremblement de terre peuvent tuer autant, voire plus, que le tremblement de terre lui-même. Je pense par exemple aux incendies, aux maladies, à une pénurie d’eau potable ou au manque de nourriture.

——————————-

Jean-Paul Montagner est sismologue à l’Institut de Physique du Globe à Paris (IPGP).

Quitter la version mobile