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«Ces jeunes qui partent, ambassadeurs de la France à l’étranger»

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JOL Press : Comment expliquer l’augmentation de la mobilité des jeunes français à l’étranger ?
 

Olivier Galland : Il est de plus en plus naturel pour les jeunes diplômés d’envisager de poursuivre une partie de leurs études à l’étranger ou de multiplier les expériences professionnelles à l’étranger qui valorisent le cursus. Il ne faut pas lire ce phénomène exclusivement comme une fuite du pays: nous sommes aujourd’hui dans un mouvement de mondialisation, d’internationalisation, y compris dans le domaine de l’éducation. 

JOL Press : Est-ce une spécificité française ?
 

Olivier Galland : Ce phénomène d’expatriation est plus répandu dans certains pays européens comme en Espagne, où l’on peut parler d’exil des jeunes espagnols qui rencontrent des difficultés incomparablement plus grandes qu’en France. La mondialisation dépasse les frontières de l’Europe : les jeunes vont au Canada, en Australie…Ce n’est  donc pas par attachement à une culture européenne que ces jeunes envisagent une mobilité.

JOL Press : Quelle vision les jeunes ont-ils de la France aujourd’hui ?
 

Olivier Galland : La France leur apparaît comme un pays fermé, relativement bloqué pour l’accès des jeunes à l’emploi. Il faut tout de même relativiser, puisque ceux qui partent à l’étranger aujourd’hui sont surtout des diplômés et même des super-diplômés, et ne sont donc pas ceux qui rencontrent le plus de difficultés pour trouver un emploi en France.

JOL Press : Ce phénomène est-il encouragé par le programme Erasmus et les cursus qui rendent obligatoire de plus en plus de stages à l’étranger ?
 

Olivier Galland : Le programme d’échange Erasmus a été un signal : il a officialisé et rendu possible pour beaucoup de jeunes cette idée de mobilité, même si sur l’ensemble des étudiants français, le nombre qui a bénéficié d’Erasmus reste une petite minorité. Au-delà d’Erasmus, de plus en plus de cursus aujourd’hui prévoient des mobilités à l’étranger dans le cours de la formation. Cette culture mondialisée a été renforcée avec Internet : les frontières s’abolissent de plus en plus.

JOL Press : Quelles sont les conséquences de ces départs ? Y’a-t-il des aspects positifs ?
 

Olivier Galland : Cela reste un phénomène relativement limité. Je ne pense pas que les conséquences soient extrêmement importantes pour la France. Ce n’est pas parce que ces jeunes sont à l’étranger qu’ils vont couper tout contact avec la France : ils peuvent aussi être des liens sur le plan économique, permettant de faire valoir les atouts de la France.

Dans une certaine mesure, ces jeunes qui partent sont en quelque sorte des ambassadeurs de la France à l’étranger : ils apportent avec eux un savoir-faire français, une culture française et des contacts avec leur pays d’origine. C’est important que des cadres formés en France puissent faire valoir leurs compétences dans d’autres pays. Les écoles de commerce françaises qui sont par exemple réputées sur le plan international, permettent ainsi de montrer à l’étranger que la France est capable de former des talents.

JOL Press: On parle souvent de la génération Y comme une génération qui ne veut pas s’engager. Les jeunes sont-ils encore confiants concernant leur avenir en France ?
 

Olivier Galland : Il y a beaucoup d’idées reçues sur la génération Y…L’idée de « jeunes Tanguy » irresponsables qui restent de plus en plus tard chez leurs parents est fausse. Les jeunes ont envie de réussir, de participer et de s’intégrer à la société. Ils veulent devenir autonomes et indépendants le plus rapidement possible mais il est vrai qu’ils rencontrent un certain nombre d’obstacles : d’abord celui de la crise économique et en France ainsi qu’un marché du travail extrêmement clivé qui réserve les emplois stables aux protégés aux adultes dans la force de l’âge et donc qui reporte la flexibilité de l’emploi sur les jeunes. C’est ce marché du travail dual qui explique qu’en France, plus qu’ailleurs, les jeunes ont le sentiment d’être dans une société peu accueillante. 

Propos recueillis par Louise Michel D. pour JOL Press

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