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Colorado: la vente de cannabis rapporte gros à l’État

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JOL Press : L’exemple du Colorado est-il la preuve que la légalisation du cannabis est bonne pour l’économie ?

 

David Weinberger : A partir du moment où le cannabis est intégré dans l’économie légale, l’Etat prélève des taxes sur les transactions (15% sur la consommation et 2,9% sur les ventes dans le cas du Colorado). Cet argent tombe directement dans les caisses publiques. Mais toute la question est de savoir combien rapporte réellement cette industrie. Pour cela, il faudrait soustraire au montant rapporté (en l’occurence 3,5 millions de dollars) les éventuels effets négatifs de la légalisation.

Il y a par exemple des tensions entre les groupes criminels qui vendaient de la marijuana et les producteurs/revendeurs légaux. Il faudra attendre plusieurs mois pour évaluer les conséquences de la légalisation sur la criminalité, et le coût associé. On pourrait envisager une hausse de la violence qui nécessiterait davantage de policiers et de juges.

JOL Press : Quelles seraient les autres conséquences négatives à prendre en compte ?

 

David Weinberger : Je parlais de la sécurité et de la délinquance, mais il faudrait aussi prendre en compte l’impact de la légalisation du cannabis sur la santé publique. Une augmentation des pathologies liées à la consommation de marijuana aurait un coût non négligeable pour l’Etat.

Par ailleurs, dans le cas du Colorado, l’argent issu des taxes ne pourra pas être utilisé n’importe comment : une partie de la somme récoltée sera réinjectée dans le secteur de l’éducation et financera des campagnes de prévention contre la drogue.

JOL Press : L’expérience menée au Colorado pourrait-elle faire tâche d’huile et s’étendre à d’autres Etats ?

 

David Weinberger : Le Colorado a choisi de libéraliser l’économie du cannabis à des acteurs privé. Inversement, en Uruguay, le cannabis est vendu dans des officines ou des coffee shops gérés par l’Etat. Ce sont les deux modèles existant éventuellement exportables à l’étranger.

Aujourd’hui, nous vivons un changement radical dans l’histoire de la régularisation des drogues. L’Etat de Washington devrait suivre prochainement l’exemple du Colorado en permettant la consommation récréative de marijuana au cours de l’année 2014. Aux Etats-Unis, 21 Etats ont autorisé le cannabis à usage thérapeutique.

L’Allemagne a légalisé en 2008 les prescriptions médicales de marijuana. L’Espagne a assoupli sa loi au cours des années 2000 : la vente est interdite, contrairement à la consommation (à visée thérapeutique ou récréative). L’Italie et la Finlande importent le Bedrocan, le cannabis standardisé produit aux Pays-Bas et délivré sur ordonnance.

JOL Press : Quel bilan peut-on faire de la dépénalisation du cannabis dans les différents pays qui ont fait ce choix ?

 

David Weinberger : A ce jour, l’expérience qui a le mieux marché a été menée au Portugal, qui a décriminalisé en 2001 l’achat, la possession et l’usage de tous les stupéfiants pour une consommation individuelle. Or, cela n’a pas eu d’effet notable sur la criminalité et la consommation. Cet exemple est donc mis en avant par les personnes favorables à un changement de la législation en matière de marijuana.

JOL Press : Sait-on combien pèse le commerce du cannabis en France ?

 

David Weinberger : La vente de cannabis représente un chiffre annuel de 832 millions d’euros, selon les dernières estimations de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) qui datent de 2005. L’enjeu du débat n’est donc pas anodin d’un point de vue économique. Mais encore une fois, si ce trafic ne rapporte rien au fisc, il affecte les caisses de l’Etat du fait des dépenses de soins, de prévention ou encore de répression.

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Sociologue de formation, David Weinberger est chercheur à l’Institut des hautes études sur la sécurité et la jusitice (INHESJ). Il s’est spécialisé dans l’étude des trafics illicites de stupéfiants.

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