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FIGRA: «Un festival qui offre un panorama des reportages de l’année»

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JOL Press : Qu’est-ce qu’un bon reportage selon vous ?
 

Elodie Pakosz : Un bon reportage c’est avant tout une bonne histoire et de bons personnages. C’est ensuite au reporter de mettre en valeur l’histoire et les personnages du sujet. En télévision, c’est un travail d’équipe : il faut qu’il y ait de bonnes images mais aussi un bon travail de montage.

JOL Press : Quelles sont les principales difficultés auxquelles vous êtes confrontée dans votre métier ?
 

Elodie Pakosz : Il y en a plusieurs, tout dépend du terrain sur lequel on travaille, mais l’un des principaux obstacles reste le manque temps. C’est une tendance générale qui touche tous les journalistes : nous devons être efficaces. Il y a des terrains sur lesquels il est plus difficile de travailler comme les terrains de guerre ou bien les situations où personne ne souhaite communiquer. Cela nous est  arrivé, lors de nos derniers reportages sur le Mali, en Syrie, au Japon à Fukushima, où l’on est face à un blocus total de la part autorités.  

JOL Press : Quel doit être le rôle du grand reporter selon vous ?
 

Elodie Pakosz : C’est un titre qu’on acquiert après un certain nombre d’années de métier. Dans la terminologie française, nous avons tendance à associer le grand-reportage à « l’étranger ». C’est souvent la définition standard du grand-reporter, mais il ne faut pas oublier qu’il y a de très bons reportages en France. Quand on fait du grand reportage à l’étranger, le but est d’arriver à concerner et toucher ou indigner les Français sur un sujet avec des histoires qui sont loin d’eux.

JOL Press : Face aux risques que comporte votre métier, vous est-il déjà arrivé d’avoir des doutes et de vouloir renoncer ?
 

Elodie Pakosz : J’ai eu des doutes, mais jamais au point d’abandonner. Il ne faut pas oublier que n’avons pas uniquement la responsabilité de notre propre vie mais aussi de celles et ceux qui travaillent avec nous : les fixeurs, les traducteurs…Tous ces personnages avec qui l’on travaille et qui prennent les mêmes risques que nous. En Asie, par exemple, où j’ai beaucoup travaillé, les journalistes qui rencontrent des difficultés avec les autorités  risquent d’être expulsés, c’est tout.  Alors que les autres peuvent prendre des risques beaucoup plus importants. Je pense par exemple à ce dessinateur en Lybie que nous avions suivi plusieurs jours, à qui l’on s’était attaché, et qui s’est fait tuer par un sniper pro-Kadhafi en rentrant chez lui, juste après le reportage…

JOL Press : De plus en plus de journalistes en freelance partent en Syrie : sont-ils beaucoup plus vulnérables que les reporters appartenant une rédaction ?
 

Elodie Pakosz : Le gros débat de ces dernières années au sein des rédactions portent en effet sur la Syrie…Mais le but pour une rédaction n’est jamais d’envoyer un reporter se faire tuer en mission. Sur certaines situations cependant, il y a une part de risques que l’on ne peut pas éviter : c’est une part intégrante du métier. Les jeunes reporters qui partent en freelance aujourd’hui pour couvrir le conflit syrien sont beaucoup plus vulnérables : parmi ceux qui partent, beaucoup sont de jeunes reporters sans expériences, sans moyens, qui veulent se faire un nom, et se faire légitimement remarquer dans un secteur très concurrentiel. Ils sont prêts à prendre tous les risques. Mais si l’on fait le bilan de la Syrie, comme pour la Libye, parmi les reporters qui ont été tués dans l’exercice de leur métier, il y avait aussi bien des gens qui appartenaient à de grandes rédactions que des jeunes photojournalistes. Sur ces terrains-là, on ne sait jamais quand le danger va frapper.

 

JOL Press : Vous êtes sélectionnée cette année au FIGRA en compétition internationale, dans la catégorie moins de 40 minutes, pour votre reportage « Le Royaume des femmes ». Que représente pour vous ce festival  ?
 

Elodie Pakosz : C’est un beau festival, très éclectique. Lorsqu’on se penche sur la programmation, on constate qu’il s’agit d’un beau panorama de ce qui se fait dans l’année en matière de reportage sur des thèmes très variés. C’est également un moyen de rencontrer le public et de créer une interactivité que nous n’avons pas forcément d’habitude. L’année dernière, nous présentions un film sur les enfants esclaves d’Haïti justement le jour ouvert aux écoles. Nous avons reçu beaucoup de réactions très enrichissantes. C’est non seulement un rendez-vous précieux avec le public mais également avec la profession : c’est effectivement l’occasion de rencontrer les gens de la profession et de faire un point sur les envies et les reportages du moment.

JOL Press : Comment avez-vous eu l’idée de faire un reportage sur l’ethnie chinoise des Mosuos qui vivent dans l’une des dernières sociétés matriarcales de la planète  ?
 

Elodie Pakosz : Je voulais traiter ce sujet depuis longtemps, mais je n’en avais pas encore eu l’occasion, car ce n’est pas une région très accessible : il faut faire de nombreuses heures de vol depuis Pékin, puis prendre la voiture…Le projet a donc mis du temps à se mettre en place. Nous sommes d’abord arrivés dans un premier endroit où les traditions n’étaient plus vraiment respectées. Il a donc fallu chercher des villages plus reculés, difficilement accessibles par la route, où il n’y avait pas l’électricité…Cela a été folklorique en termes de logistique ! Mais nous avons pu ainsi accéder à des zones assez uniques, où les traditions ancestrales sont transmises, peut-être plus pour très longtemps d’ailleurs….c’est ce que nous essayons de montrer dans le reportage.

JOL Press : Qu’est-ce qui vous a le plus marqué chez les Mosuos pendant le tournage ?
 

Elodie Pakosz : A la fois, la joie de vivre assez atypique de ces personnes qui ont système difficile à comprendre pour nous.  L’autre chose,  plus triste, qui m’a marquée en faisant ce reportage sur l’une des  dernières sociétés c’est cette impression d’un monde qui s’uniformise. Nous avons donc été témoins du fonctionnement d’une des dernières sociétés originales qui est amenée à disparaitre car les Mosuos s’ouvrent au tourisme, aux économies de marché.

Propos recueillis par Louise Michel D. pour JOL Press

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