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Fukushima: Naoto Matsumura, symbole de la lutte contre le nucléaire

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On le surnomme « le dernier homme de Fukushima ». Au lendemain de la catastrophe nucléaire de Fukushima, survenue en mars 2011, Naoto Matsumura, un fermier de 53 ans, a refusé de suivre l’ordre d’évacuation du gouvernement japonais dans la « zone interdite », un espace de vingt kilomètres tracé autour de la centrale nucléaire accidentée.

Le dernier homme de Fukushima

A Tomioka, son village situé à 12 kilomètres de la centrale Daii Ichi, Naoto Matsumura est le seul habitant a avoir fait le choix de rester pour nourrir ses animaux. « Après la catastrophe, beaucoup d’animaux ont été abandonnés. J’ai commencé à les nourrir et maintenant je ne peux plus arrêter » explique l’homme qui pratique la religion shintoïste basée sur le caractère sacré de la nature, et selon laquelle aucune espèce n’est supérieure à une autre.  « Au lendemain de l’accident, la seule chose à laquelle j’ai pensé a été de sauver des animaux » poursuit-il.

Dans sa ferme, où vivait sa famille depuis au moins cinq générations, il passe ses journées à nourrir des centaines de vaches, cochons, ainsi que des chats et des chiens. S’il assure que « rien ne lui  manque de sa vie d’avant », il avoue tout de même, qu’après le coucher du soleil, une fois avoir mangé les plats préparés que lui ont envoyé les bénévoles et ONG, un sentiment de solitude l’envahissait parfois.

Dernier lien vers l’extérieur, sa page Facebook lui permet d’interagir avec les internautes en postant des informations sur ses activités. Longtemps ignoré par les médias, il reçoit aujourd’hui la visite de journalistes curieux de voir comment vit ce mystérieux « ermite de Fukushima ».

Les irradiés de Fukushima : les parias du Japon

Après l’explosion des quatre réacteurs de la centrale, Naoto Matsumura a bien essayé de se réfugier chez sa tante paternelle, qui vit dans un village plus au sud de Tomioka. Mais cette dernière a refusé de le recevoir : « Nous sommes des irradiés, nous avons des particules radioactives.  Aujourd’hui tous les gens de Fukushima sont considérés comme des parias » déplore-t-il. Consicent des risques que ce choix implique pour sa santé, Naoto Matsumura paraît confiant:  « Pour l’instant je n’ai rien. Peut-être que dans trois ou cinq ans, je verrai les conséquences de la catastrophe sur ma santé.  Personne ne sait, nous verrons ! ».

Lorsqu’il a annoncé à sa famille qu’il restait à Tomioka, ses parents n’ont pas dit un mot. Un mois après l’accident, ses frères sont venus le voir après avoir lu son nom dans la colonne « portés disparus » d’un journal local : « Quand ils sont venus me rendre visite, ils portaient la tenue antiradiation ainsi que le masque » se souvient-il.  

Symbole de la résistance

Devenu le symbole de la résistance face au gouvernement japonais pro-nucléaire et Tepco, le géant de l’industrie nucléaire, Naoto Matsumura se bat aujourd’hui pour alerter les médias et l’opinion sur l’ampleur de la catastrophe et les mensonges à répétition des autorités : « Tepco et ce gouvernement sont de gros menteurs ! » lance-t-il, avant d’ajouter: « Pour Tepco, les travailleurs à la centrale ne sont pas des humains ».  

« Aujourd’hui,  il faut révéler ce qui se passe vraiment à Fukushima, dire aux chaînes de télévision qu’on ne peut plus gérer les problèmes à Fukushima Daii chi. Le gouvernement assure que la situation est maîtrisée, mais c’est loin d’être le cas ».

Juste après l’accident nucléaire, le gouvernement a largement minimisé la catastrophe, expliquant aux gens qu’ils pouvaient rester chez eux : « c’est le message qu’on a entendu sur la chaîne de télévision publique NHK » raconte Naoto Matsumura, outré. « Mais aujourd’hui, la réalité c’est que Tepco ne sait pas comment gérer, ni maîtriser l’accident de Fukushima ».

Il y a 15 jours, quelque 100 mètres cubes d’eaux radioactives se sont échappées de la centrale accidentée. Des fautes humaines commises car il n’y a plus de spécialistes sur place : au bout de trois mois, les ingénieurs doivent en effet quitter leur travail et ne peuvent plus travailler pendant un an à la centrale.

Ordre d’évacuation

Trois ans après la catastrophe, le gouvernement japonais a levé l’ordre d’exlusion dans la ville de Tamura, située à une vingtaine de kilomètres de la centrale de Fukushima Daiichi. A partir du 1er avril prochain, 300 personnes pourront retourner chez elles, et d’ici deux ans, 30 000 Japonais seront autorisés à retrouver les foyers qu’ils avaient abandonnés après l’accident nucléaire, et ce malgré des taux de radioactivité toujours élevés.

« Si on pénètre à côté de la centrale, le taux de radioactivité dépasse 100 microsievert/heure. C’est absolument énorme. Si on reste plus de dix minutes, on risque sa vie. Plus personne ne va là-bas » explique l’agriculteur.

En visite à Fessenheim

En visite en France pour alerter sur le danger du nucléaire, Naoto Matsumura a manifesté, dimanche 9 mars, – compteur Geiger à la main  – à Fessenheim en compagnie de militants anti-nucléaires. « Vous les Français, vous pensez  que vos centrales nucléaires sont sûres parce que vos techniques sont meilleures ? » interroge-t-il. « Mais ici, beaucoup de vieilles centrales nucléaire sont encore en activité, tout comme au Japon. Les vieux réacteurs posent des problèmes. Au bout de 30 ans il faut les démanteler, mais rien n’est fait… C’est ainsi que les quatre réacteurs de Fukushima ont explosé en 2011» poursuit-il. Et de conclure, sûr de lui: « Même en France, le gouvernement dissimule de petits incidents nucléaires. Chez vous, chez nous… c’est pareil ».

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Naoto Matsumura a fait l’objet d’un livre écrit par le photoreporter Antonio Pagnotta  « Le dernier homme de Fukushima », paru en 2013 aux Editions Don Quichotte. 

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