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La communauté chinoise de France prête à repartir ?

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JOL Press : La communauté chinoise en France est-elle si importante ? Pour quelles raisons les Chinois viennent-ils s’installer dans l’Hexagone ?
 

Pierre Picquart : La diaspora chinoise, en général, est la plus importante du monde. Elle concerne tous les continents et – quasiment – tous les pays.

Pourquoi la France ? Au début du siècle dernier, des migrants chinois sont venus aider la France dans l’effort de guerre lors de la Première Guerre mondiale, et sont restés. Par la suite, des « boat-people » d’origine chinoise sont venus s’implanter dans les années 1980, accompagnés de leurs familles. La communauté chinoise est donc assez importante en France. On l’estime à environ 1 million de personnes, même si on ne peut en être sûr : les statistiques communautaires sont malheureusement interdites en France.

Les Chinois ne sont certainement pas attirés par le dynamisme de notre économie. Une grande partie d’entre eux veut d’ailleurs, aujourd’hui, repartir en Chine. Ils voient la France comme un pays romantique, la patrie des droits sociaux, où il fait bon vivre, mais sont déçus par le nombre de demandeurs d’emplois et la morosité économique. Ainsi – à l’instar de certains Français d’ailleurs – de plus en plus de Chinois souhaitent aller en Chine, où il y a de la croissance.

JOL Press : Le modèle d’intégration chinois est souvent mis en avant dans les débats sur l’immigration. En quoi consiste-t-il ?
 

Pierre Picquart : Restons mesurés sur le terme d’ « intégration », parce que les Chinois s’intègrent mais en apparence. Ils sont bien élevés, assez discrets, parfois même un peu trop timides, et comptent peu de délinquants ; ils étudient et travaillent beaucoup. Néanmoins, par leur caractère, beaucoup vivent un peu à l’écart de la société française. Certains vivent entre eux, dans des communautés assez fermées, regroupées dans certains quartiers de Paris tels que Belleville ou le 13ème arrondissement. Ils vivent parfois par famille ou ville d’origine.

En définitive, les Chinois sont appréciés en France parce qu’ils ne font pas de bruit, mais sont-ils pour autant bien intégrés ? On peut se poser la question…

JOL Press : Il existe bon nombre de clichés sur la communauté chinoise à Paris, sur le fait qu’ils travaillent tous dans la restauration ou la réparation électronique… Cette communauté offre-t-elle peu de choix à ses membres, notamment dans les choix professionnels ?
 

Pierre Picquart : Les jeunes ne le souhaitent pas, mais même ceux qui parlent bien français et ont étudié n’y échappent pas forcément.

Cependant, vous connaissez comme moi le taux de chômage en France… Ils essuient donc des refus catégoriques pour des postes qui pourraient tout à fait leur convenir. Ils sont alors forcés d’aller travailler dans ces boutiques ou restaurants chinois, où on leur propose de travailler entre 70 et 80 heures par semaine pour un salaire à peine supérieur au SMIC.

Le repli communautaire vers certaines corporations professionnelles s’effectue donc par manque de choix. D’où un désir – assez récent il faut l’admettre – de retourner en Chine, malgré une situation d’intégration (langue, logement…) satisfaisante.

JOL Press : Le Président chinois Xi Jinping est en visite à Paris ces mercredi et jeudi. La continuité d’une longue histoire de relations diplomatiques entre les deux pays. Sont-elles impactées par la présence de cette forte communauté chinoise en France ?
 

Pierre Picquart : Le lien politique – et sociologique – est forcément très fort. D’autant plus qu’on célèbre cette année, en 2014, le cinquantième anniversaire des relations franco-chinoises, initiées par le Général De Gaulle…

Propos recueillis par Romain de Lacoste pour JOL Press

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Pierre Picquart est docteur en Géopolitique de l’Université de Paris-VIII, spécialiste en Géographie humaine, expert international, et spécialiste de la Chine.

Il a rédigé notamment La Chine dans vingt ans et le reste du monde. Demain, tous chinois ? en 2011.

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