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La politique est une drogue dure

Hier j’ai terminé le livre de Cécile Amar « Jusqu’ici tout va mal », consacré à l’exercice du pouvoir par le président Hollande et aux réflexions que lui inspire celui-ci.

« Flanby » ?

Dire qu’il y a des imbéciles qui continuent de le traiter de « Flanby » comme s’il était mou, velléitaire et indécis. Alors qu’on est surpris, au contraire, par la dureté du personnage, l’acerbe des propos et le caractère dénué d’indulgence de certains de ses jugements sur des collaborateurs proches. Sa lucidité est totale et il ne se fait aucune illusion sur les épreuves qui l’attendent. Il a une claire conscience des devoirs de sa charge, ce qui le conduit à ne pas surestimer les oppositions multiples qui ne cessent de se manifester au sein de son propre camp contre sa vision social-démocrate.

La perception qui résulte de cet ouvrage remet à sa juste place – quoi qu’on pense par ailleurs de sa politique – le côté complaisamment colporté par certains d’un « Petit Chose » qui serait confronté, sans l’ombre d’une réaction et avec une acceptation quasiment victimaire, aux coups de boutoir de ses adversaires.

François Hollande est à l’évidence tout l’inverse et ceux qui se réjouissent trop vite pour 2017 risquent de déchanter.

Il ne faut pas confondre les effervescences superficielles médiatiques, politiques ou judiciaires, par exemple la lettre aux Français d’un ancien président de la République, avec les mouvements profonds qui structurent la société française et ne déplacent jamais substantiellement les blocs de droite ou de gauche.

François Hollande peut nous surprendre

Parce que François Hollande n’est pas un maladroit et que sa roublardise, cultivée longtemps au PS, ne lui fait pas défaut à l’Elysée, on peut s’attendre à des joutes qui ne rendront pas triste l’avenir.

Le premier tour des municipales demain et le 30 mars, cette interrogation qui trouvera sa réponse : Alain Juppé qui dénonce à juste titre, contre Yves Jego, le Front républicain parce que ce serait tomber dans le piège du FN sera-t-il suivi ou non par la droite classique qui se qualifie si volontiers de républicaine ? J’ajoute : n’est-il pas paradoxal d’avoir trop souvent des manifestations d’opposition simplistes à l’encontre du pouvoir pour se ruer, dès la première élection venue, dans le camp de celui-ci et de ceux qui le soutiennent ? Le socialisme serait toujours une catastrophe sauf en face du FN ?

Les élections municipales, certes, ne changeront pas le visage de la France et leur enjeu local ne sera pas oublié lors du vote mais tout de même, je suis persuadé que dans l’esprit de chaque citoyen il y a l’espoir ténu ou affiché que quelque chose se produira qui influencera la gouvernance, touchera la droite ou la gauche, modifiera les tactiques et les stratégies. Que la politique sera au rendez-vous et que toutes les surprises sont possibles.

On saura aussi très vite ce qui est en train de germer dans la pensée du chef de l’Etat et se rapportera au remaniement dans le courant du mois d’avril ou plus tard. Le Premier ministre sera-t-il vraiment reconduit pour servir encore davantage de punching-ball ? Ségolène Royal sera-t-elle enfin au gouvernement et à quel poste ? André Vallini sera-t-il garde des Sceaux sans être victime de la tradition française qui veut que les promesses d’un président alliées à la compétence de l’intéressé seraient plutôt un handicap qu’une chance ? Bercy sera-t-il resserré ? La parité absurde sera-t-elle mise au rancart ? Christiane Taubira aura-t-elle enfin l’opportunité de pouvoir citer à bon escient des poètes dans chacune de ses phrases en étant en charge de la Culture ?

Tant de questions sans doute dérisoires par rapport à l’état du monde, à la France empêtrée et au destin de notre pays. Quelle vision pour demain, quel chemin emprunter pour nous sortir de l’ornière décourageante d’aujourd’hui ?

La politique est une drogue dure. Pour le futile comme pour l’essentiel. Pour les concepts comme pour les personnalités. Pour les adhésions, les craintes, les peurs, les partialités comme pour les élans et les espérances.

Il ne faut surtout pas se désintoxiquer. Il serait navrant de ne pas exploiter ce magnifique outil pour le changement qu’est la démocratie au quotidien.

Lire d’autres articles de Philippe Bilger sur son blog, Justice au singulier

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