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La reconversion en politique réussie de l’ex-guerillero Sanchez Ceren

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JOL Press: L’écart minime entre le score de Sanchez Ceren et de Norman Quijano à l’élection présidentielle laisse-t-il craindre des tensions  ?
 

Jean-Jacques Kourliansky : Il va falloir que le nouveau président réussisse à calmer l’opposition et faire admettre la validité du résultat. L’élection s’est jouée à 0,2% de voix. Le candidat de l’opposition a considéré qu’il y avait eu fraude et a lancé un appel à l’armée, une réaction assez insolite dans l’Amérique latine d’aujourd’hui. Il s’est ensuite lancé dans une série de critiques de nature idéologiques, assimilant le vainqueur au régime vénézuélien, présenté comme le successeur des régimes communistes avant la guerre froide. Le président doit donc trouver la voix d’un compromis institutionnel avec l’opposition, pour être en mesure de gouvernement sans avoir à gérer une contestation permanente qui pourrait être déstabilisatrice pour un pays qui a le passé du Salvador.

JOL Press : Quels sont les autres défis qui attendent le nouveau président ?
 

Jean-Jacques Kourliansky : Il y a d’abord un problème d’ordre économique. La population ne trouve pas d’emplois en nombre suffisant dans le pays, et environ 20% de la population se trouve aux Etats-Unis. Il faut donc essayer d’une part de créer des emplois sur place pour essayer de retenir une partie de cette population, et maintenir un lien avec ces émigrés et une bonne relation avec les Etats-Unis, puisqu’environ 18% du revenu national du Salvador est constitué par l’argent qu’envoient les travailleurs salvadoriens aux Etats-Unis à leurs familles restées au Salvador. Autre grand défi : celui de la sécurité. Ce problème ne date pas d’hier. La fin de la guerre civile en 1992 a laissé dans la nature de nombreuses armes, des combattants sans affectation précise, sans oublier que ce pays est situé entre la Colombie et le Mexique et donc affecté par le passage de trafiquants de stupéfiants. L’une des priorités du nouveau président sera donc de faire baisser le taux d’homicide.

JOL Press : Doit-on voir un symbole dans l’élection de Sanchez Ceren pour montrer que la reconversion en politique d’un ex-guérillero est possible ?
 

Jean-Jacques Kourliansky : Effectivement, depuis la signature des accords de paix en 1992, le FMLN, en tant qu’institution, s’était engagé dans l’action politique. Il a  abandonné la voie des armes, et accepte depuis plus de 20 ans la règle du jeu de la démocratie et participe aux élections. Le FMLN n’avait pas réussi a gagné les élections jusqu’à la présentation du journaliste Mauricio Funes – bien connu pour ses émissions de télévision au Salvador – à l’élection présidentielle de 2009. Il a donné au FMLN une image nouvelle et plus séduisante.   

JOL Press : Y-a-t-il d’autres exemples en Amérique latine de reconversions réussies d’ex-guérilleros en politique ?
 

Jean-Jacques Kourliansky : Il y a plusieurs exemples. On peut par exemple citer celui d’Antonio Navarro Wolff, qui vient d’être réélu sénateur en Colombie, et qui était l’un des dirigeants de la guérilla M-19 (Movimiento 19). Il a abandonné la guérilla en Colombie deux avant le FMLN : il a été ministre, député, maire, gouverneur, sénateur… et il est possible qu’il se présente aux élections présidentielles d’ici quatre ans. Il a failli le payer de sa vie, en étant la cible de groupes d’extrême droite. Autre exemple: celui du maire Gustavo Petro, lui aussi un ancien guérillero du M19.

Propos recueillis par Louise Michel D. pour JOL Press

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