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«Le gouvernement normalise la situation à Fukushima»

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JOL Press : Au Japon, le gouvernement nippon va lever un ordre d’exclusion à Tamura, une ville proche de la centrale nucléaire. A partir du 1er avril,  300 personnes pourront retourner dans leurs maisons et d’ici 2016, jusqu’à 30 000 personnes y seront autorisées. Les niveaux de radioactivité sont donc redevenus tolérables ?
 

Jan Vande Putte : Non, les niveaux de radioactivité ne sont toujours pas tolérables. Les autorités ont lancé une grande opération de décontamination autour de Tamura. Quelque 1200 personnes ont participé à cette opération pendant plusieurs mois : ils ont décontaminé les zones autour des routes et des maisons dans un périmètre de 10 mètres. Mais tout le reste du territoire n’est pas décontaminé. Ces gens vontdonc retourner dans des zones contaminées.

JOL Press: En quoi consiste le processus de décontamination ? 
 

Jan Vande Putte Avec des grues, les travailleurs enlèvent 5 centimètres de terre, car c’est dans cette couche de 5 cm que le césium se trouve. La terre est ensuite mise dans des sacs. Les toits et les murs des maisons  fortement contaminées sont également nettoyés. Les feuilles sur les arbres sont arrachées. Tout ces déchets radioactifs sont collectés dans des milliers de sacs qui s’entreposent dans des zones près des maisons. Des centres de stockage ont été construits, de façon temporaire.

JOL Press : Si les taux de radioactivité sont encore élevés, pourquoi le gouvernement veut-il  lever « l’ordre d’évacuation » : pour ne plus verser la compensation financière aux évacués ?
 

Jan Vande Putte : Ce n’est pas vraiment une question financière. Ils ont choisi une région symbolique, située dans la zone interdite, un peu à l’abri de la contamination, pour lever l’ordre d’évacuation,. Mais les taux de radioactivité sont encore trop élevés pour forcer les gens de retourner dans les maisons qu’ils avaient évacués trois ans plus tôt. C’est encore beaucoup trop dangereux. A terme, le gouvernement va cesser de verser la compensation financière aux personnes évacuées qui se verront dans l’obligation de revenir sur ces terres irradiées, pour ceux qui n’ont pas les moyens de s’acheter ou de louer une maison ailleurs.  Les gens doivent avoir le choix  d’y retourner ou pas.

JOL Press : Au japon, le gouvernement minimise-t-il l’ampleur de l’accident nucléaire ?
 

Jan Vande Putte : Le gouvernement pro-nucléaire essaie de normaliser la situation à Fukushima. C’est message politique national  mais aussi au niveau international, alors qu’en réalité la situation n’est pas du tout stable, ni normale.  Le gouvernement fait tout pour montrer que la situation est sous contrôle.

JOL Press : Lorsqu’on regarde les cartes officielles japonaises, seule la zone de Fukushima Daiichi est contaminée : le nuage radioactif s’est-il vraiment arrêté à cette zone interdite?
 

Jan Vande Putte : La contamination ne s’est pas du tout arrêtée à cette zone. La zone interdite de 20 kilomètres ne veut absolument rien dire, car les radiations ne se sont pas répandues de façon circulaire.

JOL Press : Quelle est la limite légale de radioactivité imposée par le gouvernement japonais ?
 

Jan Vande Putte : La question de la limite légale est un peu floue en ce moment. Selon les standards internationaux, la limite se situe à 1 μSv (microsievert) par an, dans des circonstances non-accidentelles. En cas de catastrophe nucléaire, il est impossible de respecter cette limite. Le gouvernement japonais a décidé d’augmenter ce niveau à 20 μSv (microsievert) par an, la limite maximale après un accident nucléaire, c’est tout à fait inacceptable.

JOL Press : A partir de quel niveau, une exposition à la radioactivité est-elle dangereuse pour la santé ?
 

Jan Vande Putte : Il n’y a pas de niveau minimal. Même une petite dose est dangereuse pour la santé. Le risque augmente de façon linéaire avec la dose. Un niveau de radiation plus élevé sera donc plus dangereux.

JOL Press : Quelle est l’efficacité des dosimètres que le gouvernement a mis en place ?
 

Jan Vande Putte : Une centaine d’appareils de mesure automatique ont en effet été installés dans la zone. Le problème, c’est que la majorité d’entre eux ne sont pas représentatifs des taux réels de radioactivité. Pour installer ces points de mesure, les autorités enlèvent une couche de terre, qui contient le plus de césium pour baisser les taux réels.

JOL Press : Les Japonais sont-ils conscients de l’ampleur de la catastrophe  ?
 

Jan Vande Putte : Les jeunes sont beaucoup plus informés, grâce à aux canaux d’information non officiels : ils n’acceptent donc pas automatiquement les informations véhiculées par les autorités. Le gouvernement a clairement désinformé la population. Les gens sont conscients de cette désinformation. Lorsque le gouvernement a annoncé au mois d’octobre qu’il allait lever « l’ordre d’évacuation », la population s’est mobilisée et a protestée contre cette décision, et les autorités ont finalement décidé de repousser la mise en place de ce plan.  La population de la région s’organise de manière remarquable : des fermiers ont ainsi acheté des équipements assez performants pour tester leurs produits agricoles avant de les vendre. Le problème c’est que ces gens sont abandonnés pour le gouvernement.

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