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Les bons conseils de BHL

On demande à Bernard-Henri Lévy ce qu’il fait pour entretenir son capital jeunesse. Il répond : « Vous voulez la vérité ? Rien. A part travailler comme un boeuf. Faire des choses qui m’intéressent. Et éviter de voir les gens qui m’ennuient ».

J’approuve totalement cette conception de la vie, surtout le dernier point qui est fondamental pour la salubrité personnelle.

Mais tout de même je n’attendais pas cette omniprésente personnalité en vedette dans une double page consacrée à cette affirmation : Oui, on peut rajeunir, avec les « dix conseils du docteur Saldmann » qui est « le toubib et ami » de BHL (Le Parisien).

Âge biologique et politique

Alors qu’on a encore constaté récemment que François Hollande et Nicolas Sarkozy ont ce nouveau dénominateur commun – la fréquentation et peut-être l’influence de BHL en politique internationale, puisque le président a reçu le futur candidat ukrainien à l’élection présidentielle accompagné par BHL -, on ne pouvait pas imaginer que celui-ci, même s’il n’est pas détaché du souci de soi, vanterait un procédé destiné à vérifier son âge biologique par rapport au chronologique et qu’on l’entendrait déclarer avec une satisfaction qu’on comprend : « J’ai une quinzaine d’années de moins ».

Si j’exclus l’opération amicale et promotionnelle qui ne serait pas digne de ce quotidien qui est une mine pour mon blog, je questionne cette envie non pas de rajeunir mais d’attacher suffisamment de soi à cet exercice pour le théoriser, s’impliquer dans une contemplation de sa personne afin de la transformer et, en définitive, même sur le plan esthétique, se considérer avec constance et rigueur comme le centre de son univers.

Sans tomber dans le misérabilisme, il est évident que ce qui nous est agité comme une solution pleine d’espoir et qu’on voudrait voir traiter comme une banalité constitue une démarche de luxe. Je vois mal, en effet, les personnes, les citoyens qui n’ont pas le confort ni le somptuaire décider de pratiquer une prise de sang à 500 euros pour apprendre une bonne ou une mauvaise nouvelle sur leur âge réel d’autant plus que dans tous les cas ils n’auraient pas les moyens de conforter ou de ralentir le processus.

Narcisse et déception

Mais j’entends bien qu’on a le droit, quand l’existence vous a privilégié, de profiter des aubaines et opportunités qu’elle offre sans avoir une mauvaise conscience permanente à l’idée de se permettre ce à quoi le commun des mortels ne songerait même pas, tant, pour beaucoup, le destin, ses limites, ses contraintes renvoie au « dur métier de vivre » plutôt qu’à une surenchère délicieuse dans la métamorphose de soi.

Cela implique aussi qu’on se soit regardé, qu’on se regarde au propre et au figuré dans une glace et à tort ou à raison, j’éprouve comme une légère déception en relevant ce passage de l’intellectuel à l’hédoniste, de l’écrivain et du combattant des idées et des valeurs au narcissique heureux de l’être et de pouvoir physiquement concrétiser cette passion de soi.

J’admets la totale subjectivité de mon point de vue, la gêne sans doute exagérée que j’éprouve.

Mais elle est du même type que celle que je ressens devant ces magazines sur papier glacé provoquant le peuple avec des rêves et des aspirations inconcevables pour lui ou, sur un plan infiniment plus profond, en ayant appris qu’Alain Finkielkraut allait se présenter à l’Académie française qu’il mérite cent fois mais dont, je ne sais pourquoi, j’aurais aimé qu’il demeurât éloigné.

Il y a des êtres qui oublient qu’on tient à une image d’eux. Et qu’un rien nous donne l’impression qu’ils la trahissent. Mais, après tout, c’est trop facile : le pur esprit, c’est toujours une exigence pour les autres, jamais pour soi !

Lire d’autres articles de Philippe Bilger sur son blog: Justice au singulier.

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