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«Les relations économiques entre la France et la Chine sont asymétriques»

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JOL Press : Cinquante ans après l’établissement des relations diplomatiques entre la France et la Chine, comment peut-on caractériser leurs relations d’un point de vue économique ?
 

Françoise Nicolas : La relation entre la France et la Chine est déséquilibrée, asymétrique. Qu’il y ait un déficit français vis-à-vis de la Chine n’est pas nécessairement le plus grave. Ce qui est à mon avis un peu plus ennuyeux, c’est que l’intensité des échanges entre les deux pays est bien en-deçà de ce qu’elle pourrait être. Si l’on compare l’intensité des échanges entre la Chine et l’Allemagne, les échanges entre la Chine et la France sont bien inférieurs. Et si l’on rapporte cela au PIB français, on constate que les échanges avec la Chine sont assez faibles, compte tenu du poids de l’économie française.

JOL Press : Le constructeur automobile chinois Dongfeng fait son entrée dans le capital du groupe français PSA – Peugeot Citroën. Que représente cette entrée pour la France ?
 

Françoise Nicolas : Symboliquement, c’est important. Pour la France, cette entrée de capitaux est aussi forcément intéressante. Mais il faudra voir à l’usage si cela fonctionne. Cela montre aussi un rapprochement entre les deux pays, ce qui est positif. Pour l’instant, je resterais relativement prudente sur le sort qui va être fait de ce rapprochement. Nous n’avons en effet absolument pas entendu le partenaire chinois dans cette affaire, alors que l’on a beaucoup entendu les partenaires français, à la fois privés et publics. Il y a déjà eu plusieurs participations chinoises dans des entreprises françaises, plus ou moins importantes (il y a notamment eu le rachat de la division exploration de GDF). Ce qui est nouveau, c’est le montant et le secteur dans lequel la Chine fait son entrée, à savoir le secteur automobile français.

JOL Press : Pourquoi le territoire français n’est-il pas aussi attractif que d’autres pays européens, comme l’Allemagne, pour les investisseurs chinois ?
 

Françoise Nicolas : La relation est complètement asymétrique entre la France et la Chine, d’une part parce que les échanges entre les deux pays ne sont pas ce qu’ils devraient être, et d’autre part parce qu’il y a assez peu d’investissements chinois en France. Cela participe évidemment de la faiblesse des relations entre les deux pays. Sur les deux plans, la France est moins bien placée que l’Allemagne, elle attire moins et est perçue comme moins attrayante pour les investisseurs chinois. L’image de la France auprès de la Chine est en effet toujours celle d’un pays « romantique », qui a plus d’avantages comparatifs en matière de douceur de vivre qu’en matière industrielle… Ce qui peut aussi expliquer la faible attractivité de la France est la lourdeur de la bureaucratie française et de la règlementation sociale. Ce sont les obstacles évoqués par les investisseurs chinois. Mais de manière globale, les investissements chinois sont assez faibles en Europe, ils n’ont rien à voir avec les investissements européens sur le territoire chinois.

JOL Press : Sur quoi la France peut-elle compter pour « séduire » les investisseurs chinois ?
 

Françoise Nicolas : Il faudrait que la France fasse comprendre qu’elle n’est plus seulement ce pays « romantique », qu’elle possède aussi des atouts technologiques et des domaines d’excellence. De ce point de vue-là, la visite de Xi Jinping dans la région Rhône-Alpes est bien vue, c’est une région dynamique, où l’industrie est bien développée, avec des secteurs d’excellence comme la chimie. Il faut redorer l’image de la France du point de vue industriel. Car la France n’est pas nécessairement perçue comme une puissance industrielle, contrairement à l’Allemagne.

JOL Press : Quel intérêt les entreprises françaises ont-elles à mieux connaître leurs homologues chinoises ?
 

Françoise Nicolas : Connaître le marché chinois peut permettre aux entreprises françaises de mieux le maîtriser et le pénétrer. Le problème qui se pose dans l’asymétrie des relations entre la France et la Chine n’est pas tellement que la France importe trop en provenance de la Chine, mais n’exporte pas assez vers la Chine. Pour être en mesure de mieux appréhender le marché chinois, ce qui peut faciliter les choses, ce sont justement des accords entre entreprises et des rapprochements. Il est beaucoup plus facile pour une entreprise française de pénétrer le marché chinois s’il y a un accord ou un partenariat avec une entreprise chinoise.

Propos recueillis par Anaïs Lefébure pour JOL Press

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Françoise Nicolas est chercheur à l’Institut français des relations internationales (Ifri), directrice du Centre Asie. Elle est également maître de conférences associé à l’Université de Paris-Est (Marne-la-Vallée), où elle enseigne l’économie internationale et les relations internationales. Elle enseigne également à Langues’O, à Sciences Po Paris et à Sciences Po Lyon.

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