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«L’Espagne doit désormais gérer l’héritage de la crise»

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JOL Press : Des milliers de personnes ont manifesté samedi 22 mars à Madrid pour exhorter la fin de la politique d’austérité en Espagne. Alors que le gouvernement conservateur espagnol se targue d’avoir sorti le pays de la récession, peut-on dire que l’Espagne est-elle sur le chemin de la reprise ?
 

Jésus Castillo : Depuis décembre 2013, la croissance économique est à nouveau positive, la récession économique est finie. Mais l’Espagne n’est pas sortie de la crise pour autant. La croissance est revenue, mais l’Espagne doit désormais gérer tout l’héritage de la crise : notamment le fort taux de chômage à 26%, soit 5,8 millions de chômeurs. Il y a encore sur la péninsule ibérique tout l’héritage des dettes accumulé par les entreprises ou par les ménages lors  la période de la bulle immobilière, ainsi que l’héritage de la dette publique qui continue d’augmenter et qui avoisinera les 100% du PIB d’ici 2015. La crise n’est pas donc  finie en Espagne.

JOL Press : Quels sont les signes d’amélioration ?
 

Jésus Castillo : Lorsqu’on regarde les indicateurs financiers des taux d’intérêts des dettes souveraines, on s’aperçoit qu’ils ont énormément baissé par rapport à l’été 2012, lorsque tout le monde pensait que l’Espagne allait être obligée de demander l’aide internationale comme la Grèce ou le Portugal.  Aujourd’hui ce risque est complètement écarté. Lorsqu’on regarde les indicateurs macroéconomiques de l’économie réelle, il y a effectivement une amélioration de la croissance, un redémarrage de la production, de l’investissement productif, et une légère baisse du taux de chômage : une série d’indicateurs qui signalent que la reprise est en route.

JOL Press : « L’Espagne était le fardeau de l’Europe. Aujourd’hui, elle est perçue comme une partie du moteur » a déclaré Mariano Rajoy le 25 février. Le chef de l’Etat enjolive-t-il la situation ?
 

Jésus Castillo : C’est en effet un peu optimiste. Cela fait partie de la politique de Mariano Rajoy,  à la veille des élections européennes pour promouvoir un bilan. Le chef d’Etat est à peu près à mi-mandat : cela fait deux ans qu’il est au pouvoir et il a dû prendre des mesures très dures. Il attaque une deuxième phase de sa mandature avec en premier horizon les élections européennes, qui vont être un test pour le parti populaire,  puis les élections générales législatives en Espagne, qui se dérouleront en novembre 2015.

JOL Press : A deux mois des élections européennes, quelles sont les mesures de relance que le gouvernement conservateur va mettre en œuvre ?
 

Jésus Castillo : Le chef d’Etat espagnol a annoncé une vaste réforme du système fiscal espagnol avec la mise en œuvre des recommandations évoquées par les organisations et les institutions internationales : notamment un rééquilibrage de la fiscalité donc une baisse des impôts directs pour davantage impôts indirects et une baisse des cotisations sociales. Les mesures concrètes annoncées pendant le discours du 25 février comprenaient également la baisse des impôts sur le revenu à partir de 2015 et la création d’une cotisation sociale forfaitaire sur les cotisations patronales de sécurité sociale pour les nouvelles embauches, dans un but de réduction de coût du travail et de favorisation de l’emploi.

JOL Press : Quel est l’objectif de la dévaluation fiscale ?
 

Jésus Castillo : Le plan de dévaluation fiscale vise à réduire le coût du travail en Espagne, parce qu’il y a une pression trop forte sur la fiscalité sur le coût du travail. D’un côté, cela passe par une réduction des cotisations sociales des employeurs, et d’un autre, en compensant le manque à gagner qui viendra de cette baisse des cotisations sociales par davantage de taxations indirectes.

JOL Press : La crise a-t-elle accentué les inégalités en Espagne ? Les mesures annoncées permettront-elles de les réduire ?
 

Jésus Castillo : Face aux critiques qui sont faites sur les mesures de baisse des dépenses publiques, de réduction des dépenses dans l’éducation, dans la santé, le gouvernement affirme que la plus grande inégalité est celle qui repose entre les actifs qui ont un travail et ceux qui n’en n’ont pas. Il faut donc, selon le gouvernement, réduire cette inégalité fondamentale pour que tout le monde puisse vivre de son travail. Mais la question est de savoir si le gouvernement arrivera à relancer la machine via la réforme fiscale… C’est encore compliqué à dire. Il y a une volonté du gouvernement de favoriser l’emploi grâce à la réduction du coût de travail, mais est-ce uniquement cela le problème de l’Espagne aujourd’hui? Les coûts du travail ont déjà été largement réduits depuis le début de la crise.  Il y a certainement un problème de demande dans le pays. Le gouvernement aujourd’hui n’a pas les marges de manœuvre pour faire une politique de relance….Il y avait encore un déficit public de l’ordre de 7% fin 2013, l’Espagne est donc encore loin d’être dans une situation équilibrée.

Propos recueillis par Louise Michel D. pour JOL Press

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