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Maire d’un village sans habitants, il aborde «sereinement» les municipales

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JOL Press : Vous êtes maire d’une commune qui ne compte plus d’habitant depuis 1938. Comment est-ce possible ?
 

Jean-Pierre Laparra : Une loi de 1919 a amené la création de commissions municipales pour les communes n’ayant plus d’habitants au sortir de la Première Guerre mondiale. Elles étaient à l’époque plus de 5000 ! Ces communes devaient néanmoins assumer la gestion du patrimoine qui subsistait, ainsi que la charge de gérer les dommages de guerre, et le retour d’éventuels villageois.

Au fur et à mesure, les habitants sont revenus dans la plupart de ces villages, progressivement assainis et réhabilités. Mais d’autres – particulièrement dans la Meuse – sont restées désertes et détruites. Il reste aujourd’hui six villes désertes, dont celle que je dirige, Fleury-devant-Douaumont. La commission municipale y est nommée par le préfet, en accord avec le Conseil général. Tous deux choisissent, parmi ceux qui se sont déclarés, trois personnes, dont l’une d’elles devient le maire de la commune.

JOL Press : En l’absence d’habitants, que reste-t-il à Fleury-devant-Douaumont ? Quelle y est l’activité ?
 

Jean-Pierre Laparra : Les derniers habitants, en 1937-1938, ne résidaient pas vraiment là. Ils y travaillaient, dans l’entretien des forêts ou le déminage.

Nous n’avons peut-être pas d’habitants, mais nous avons un patrimoine à gérer : forêts, chapelle, monument aux morts. Il existait auparavant un tourisme de pèlerinage,  aujourd’hui remplacé par un tourisme de mémoire et d’Histoire. C’est à cette fin que nous entretenons le lieu.

En dehors de ces quelques éléments, il n’y a plus rien du tout à Fleury-devant Douaumont. A la fin de la guerre, le paysage y était lunaire, sans aucun pan de mur debout. Le village a été pris et repris sept fois durant la Grande Guerre, le sol a été ravagé. On dit souvent qu’il est tombé, à Fleury, un obus au centimètre carré.

Mon prédécesseur avait fait reserpenter le tracé d’une rue, à l’identique de celle de l’avant-guerre, accompagnée de repères signalant les anciennes maisons. C’est la seule représentation que l’on peut avoir du village tel qu’il était avant.

JOL Press : Comment se passe une mandature de maire dans un village sans habitants ?
 

Jean-Pierre Laparra : J’ai été élu en 2008, après avoir fait partie de la commission municipale depuis 2000. Je suis, logiquement, un maire sans étiquette politique. Ma fonction première et la surveillance du terrain, à savoir contrôler simplement l’état général du site.

Mon « projet » municipal est d’améliorer la visibilité du village, à des fins exclusivement touristiques, comme vous vous en doutez. Pour exemple, en ce moment a lieu la reconstruction du mémorial. Je m’occupe donc des permis de construire, de la bonne marche des travaux. Le déminage est également essentiel, et là encore je dois, en tant que maire, organiser cette tâche avec les entreprises spécialisées.

Mon travail n’est pas ardu, mais il à temps plein : c’est une présence permanente sur le terrain. Je suis gestionnaire de parc, en quelque sorte.

JOL Press : Pourquoi conserver une commune qui ne compte plus d’habitants ?
 

Jean-Pierre Laparra : Nous sommes les garants de l’Histoire. Conserver cette commune et lui attribuer un maire permet de raconter ce qui s’y est déroulé, comment les gens y vivaient. Je suis conservateur de patrimoine mémoriel. Je peux raconter la vie du village en détails, jusqu’aux petites anecdotes de ses anciens habitants.

Fleury-devant-Douaumont pourrait être rattaché à un autre village. Mais les communes à qui c’est arrivé ont perdu cette image et cette mémoire des faits et des paysages.

JOL Press : Vous êtes sans doute le seul candidat aux municipales qui aborde donc ce scrutin sans aucune pression ou attente…
 

Jean-Pierre Laparra : En effet ! Je n’ai pas d’appréhension. Notre commission a joué correctement son rôle durant la dernière mandature, le préfet n’a donc aucune raison de la changer. Malgré tout, nous restons tributaires d’un choix, mais je vous confirme que nous l’abordons très sereinement…

Propos recueillis par Romain de Lacoste pour JOL Press

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