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Manuel Valls à Matignon ou le quitte ou double de François Hollande

« Une équipe resserrée, cohérente et soudée », un « gouvernement de combat »… La cravate était droite et le ton inhabituellement présidentiel lors de l’allocution qu’a enregistrée François Hollande et qui a été diffusée à 20 heures sur les principales chaines de télévision. Le Président de la République entendait démontrer qu’il avait compris le message adressé par les Français lors des élections municipales – calamiteuses pour la gauche et les socialistes en premier lieu – et ouvrir un nouveau chapitre de son quinquennat.

Le départ de Jean-Marc Ayrault et son remplacement par Manuel Valls, favori des sondages, n’est pas à proprement parler une surprise mais elle est lourde de conséquences politiques. Ce nouveau chapitre, ce tournant du quinquennat est indéniablement un coup, un pari, un quitte ou double de la part du chef de l’Etat plus politique que jamais depuis son arrivée à l’Elysée. Avec la nomination du « premier flic de France », du plus droitier, du plus « social-libéral » aussi, des ministres socialistes, François Hollande est condamné à réussir, à obtenir – enfin – des résultats, selon les objectifs qu’il a fixés à ce « gouvernement de combat ». A défaut, c’est la crise politique assurée et une fin de quinquennat compromise.

Une pilule amère pour l’aile gauche du PS

François Hollande a pris trois engagements, fixé trois missions au Premier ministre Valls : redonner de la force à notre économie, renforcer la justice sociale à travers un « pacte de solidarité » venant compléter le « pacte de compétitivité » et, enfin, convaincre l’Europe de la nécessité de redonner la priorité à la croissance…

Ce lundi soir, sur les plateaux télévisés, les représentants de la gauche du PS faisaient contre mauvaise fortune bon cœur. A quelques exceptions près, ils prétendaient croire à un infléchissement de la politique gouvernementale, à une pression renouvelée sur l’Union européenne en vue d’un desserrement de la politique économique.

Les négociations vont bon train et le gouvernement pourrait faire la part belle aux amis d’Arnaud Montebourg, Benoit Hamon et sans doute aussi – à sa demande – Martine Aubry. Sur une ligne plus à gauche aussi, les écologistes – malgré les départs annoncés de Cécile Duflot et Pascal Canfin – pourraient sortir renforcés. A titre de compensation.

Pas d’état de grâce

Manuel Valls aura à cœur de démontrer qu’il est bien un Premier ministre de gauche, même si c’est plutôt la gauche de Clémenceau que celle de Jaurès. Mais, Manuel Valls aura peu de temps pour convaincre. Pas d’état de grâce en vue mais un sprint jusqu’aux élections européennes avec pour objectif supplémentaire de limiter les dégâts et d’obtenir dans les urnes, le 25 mai, un encouragement, aussi mince fût-il.

Certes, on peut parier que la majorité aura à cœur de déconnecter l’échéance européenne du calendrier d’action du gouvernement. Mais, que le Front National devienne le premier parti de France, que la gauche de la gauche figure bien, et que les candidats PS figurent en troisième ou quatrième position et l’expérience Valls aura du plomb dans l’aile. Ce que cherche François Hollande, c’est aussi un électro-choc et il passera nécessairement, pour partie, par les urnes.

Le scénario du pire

Au-delà des européennes, Manuel Valls a un an pour réussir. En mars prochain, les Français retourneront aux urnes pour des élections départementales et régionales qui s’annoncent particulièrement difficiles pour les socialistes aux manettes dans tant de collectivités territoriales.

Alors, c’est bien la politique de Manuel valls, ses performances à Matignon qui seront jugées. S’il a échoué, c’est une nouvelle Bérézina que connaitront les socialistes. Elle sera, à n’en pas douter, fatale à la majorité présidentielle.

Comment la gauche du Parti socialiste, comment les écologistes pourront-ils alors poursuivre leur soutien à François Hollande et à son Premier ministre ? Comment François Hollande pourra-t-il préserver sa majorité ?

La France s’enfoncera alors dans une crise politique sans précédent sous la Vème République et il n’aura d’autres alternatives que de dissoudre – et se résoudre à une « vraie » cohabitation – ou de se démettre.

Faut-il le souhaiter ? Ce n’est pas la question à l’heure où le nouveau gouvernement n’est pas encore formé. Mais, une chose est certaine, François Hollande aura démontré un entêtement sans faille à conduire la politique qu’il a choisie – même si, pour beaucoup, à gauche surtout, ce n’est pas la politique sur laquelle il s’est fait élire. C’est bien connu, les promesses n’engagent que ceux qui veulent bien y croire…

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