Site icon La Revue Internationale

Mort de Ghislaine Dupont: une association brise le silence

[image:1,l]

JOL Press : L’Association « Les Amis de Ghislaine Dupont » vient de voir le jour. Quel est son but ? Qui sont les personnes rassemblées au sein de cette association ?
 

Pierre-Yves Schneider : L’association, présidée par la mère de Ghislaine, a été créé le 21 mars par 30 amis de Ghislaine Dupont, de la famille, des collègues journalistes, des gens qui la connaissent depuis plusieurs décennies. L’objectif principal urgent et actuel est d’essayer d’avoir des éléments qui nous rapprochent de la vérité concernant sur ce qui s’est passé ce 2 novembre 2013. Nous voulons en savoir plus sur les circonstances et le contexte de la mort de Ghislaine Dupont et Claude Verlon, cinq mois après le drame de Kidal.

JOL Press : Aujourd’hui, que réclamez-vous ?
 

Pierre-Yves Schneider : Nous voulons rompre le silence des médias, de la justice, de l’exécutif – aussi bien de l’Elysée, que du ministère de la défense ou du service des renseignements – sur la mort de Ghislaine Dupont.  Il ne faut pas oublier que ce sont deux journalistes: ils n’ont pas été victimes d’un accident, mais ont été assassinés.

JOL Press : Cinq mois après, où en est l’enquête ?  
 

Pierre-Yves Schneider : Non seulement l’enquête n’a pas avancé, mais on peut même dire qu’elle a reculé. Il y a avait trois suspects identifiés, aujourd’hui il n’y en a plus qu’un seul,  Baye ag Bakabo. Mais nous n’avons aujourd’hui aucune information qui puisse nous satisfaire. Une enquête a été diligentée par le Parquet de Paris : une enquête préalable qui a été faite par la DCRI et des policiers antiterroristes qui se sont rendus sur place. Nous avons eu éléments d’informations sur cette enquête, par l’intermédiaire de l’avocat de la mère de Ghislaine et avons pu constater qu’il n’y avait pas grand-chose dans ce dossier. De nombreuses zones d’ombres demeurent… L’enquête consiste essentiellement en des interrogatoires de journalistes de RFI : comme enquête on a déjà vu mieux !

JOL Press : Il est donc impossible de savoir avec précision ce qui s’est vraiment passé ce 2 novembre 2013 ?
 

Pierre-Yves Schneider : Nous connaissons la réalité de cet assassinat à travers le récit qui nous en a été fait. Il s’agit d’une tentative d’enlèvements qui a mal tourné, avec un véhicule qui tombe en panne et des preneurs d’otages qui paniquent et qui tuent les otages. C’est ce qui nous a été dit. Je ne dis pas que c’est faux, mais il ne s’agit encore que d’une hypothèse. Il y a d’autres faits troublants…Nous devons désormais connaître le mobile exact du double meurtre.

JOL Press : Les nombreuses zones d’ombres qui demeurent sur les circonstances et la cause de la mort de Ghislaine Dupont et de Claude Verlon sont-elles liées au contexte politique tendu au Mali ?
 

Pierre-Yves Schneider : Le contexte est évidemment extrêmement compliqué au Mali. Kidal est une ville où s’exerçait au mois de novembre la « légitimité » de l’armée malienne, de la force française de l’opération Serval, de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali  (Minusma) et du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), ainsi que de tous les mouvements djihadistes présents camouflés. Une situation très complexe donc, quelques mois après la libération du Nord Mali par les forces françaises, sans oublier le contexte électoral, puisque les élections devaient avoir lieu 10 jours après.  

 JOL Press : Savaient-ils à quel point la zone était dangereuse ?
 

Pierre-Yves Schneider : Ghislaine Dupont et Claude Vernon se sont rendus sur place pour faire une édition spéciale sur RFI, avec toutes les mesures de sécurité qui s’imposaient dans cette zone. Connaissant très bien Ghislaine, je sais qu’elle était consciente des conditions très difficiles qui l’attendaient. En revanche, je me pose en encore quelques questions…Les 4 otages français d’Arlit ont été libérés le jour même où Ghislaine Dupont et Claude Verlon sont arrivés au Mali. D’après nos informations, la libération va transiter par Kidal ; en fonction de cette nouvelle donne : est-ce que la Minusma, la MNLA, Serval, n’auraient pas pu prévenir éventuellement des risques qu’ils encouraient et protéger ces Français qui ne sont pas n’importe qui. Cela fait partie des nombreuses questions que l’on se pose.

JOL Press : La création de l’association va-t-elle  permettre de faire avancer l’enquête ?
 

Pierre-Yves Schneider : Après le communiqué du 26 mars, le Procureur a annoncé qu’il recevrait les familles la semaine prochaine, le 4 avril, c’est donc un premier résultat par rapport à notre demande. A cette occasion, nous demandons au Procureur de donner aux familles les autres éléments contenus dans le dossier. Mais le Parquet donne les pièces au compte-gouttes : c’est le procureur qui décide de donner tel ou tel document. Alors que lorsqu’il y a un juge d’instruction, si la famille entreprend une action civile, elle a le droit à toutes les clés du dossier. 

Quitter la version mobile