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Municipales 2014 à Strasbourg: le FN, arbitre de l’élection

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A Strasbourg, l’UMP veut sa revanche. Battue en 2008, la sénatrice Fabienne Keller aimerait battre le maire socialiste Roland Ries et retrouver le poste qui était le sien au début des années 2000. Mais le Front national pourrait bien faire échouer ses plans en se maintenant au 2nd tour. Décryptage.

JOL Press : Quels sont, selon vous, les principaux enjeux de la campagne ?

Dominique Duwig : L’un des principaux enjeux de cette campagne est l’emploi qui est une vraie préoccupation des Strasbourgeois. Le taux de chômage  à Strasbourg est de 10,5%, un taux bien plus que celui des pays voisins : le taux de chômage dans les cantons suisses voisins est autour des 4% et en Allemagne autour des 5 à 6%. Strasbourg a perdu beaucoup d’emplois depuis 2008 et même si ce n’est pas le rôle d’un maire de créer de l’emploi, ce thème est très important dans la campagne.

Vient ensuite le thème des transports, comme dans un certain nombre de villes. A Strasbourg, les habitants attendent depuis une trentaine d’années une autoroute qui viendrait contourner la ville ; le contournement ouest de la ville a été arrêté en juin 2012 mais rien n’a encore été fait. Actuellement l’autoroute passe en plein centre-ville et fait circuler environ 170 000 véhicules par jour. Le maire PS sortant, Roland Ries, est un peu embarrassé avec ce dossier car il est opposé au projet de contournement, à cause de son alliance avec les écologistes. Les questions du prolongement des lignes de tram et la présence des voitures en ville sont aussi au cœur des débats de cette campagne.

Le logement est, par ailleurs, un enjeu capital. En 2008, Roland Ries avait promis 3000 logements par an, dans toute la communauté urbaine, il semble avoir réussi son pari et veut continuer sur cette lancée s’il est élu. Il est contre l’étalement urbain, il veut faire la ville sur la ville, construire des tours et cette politique est très critiquée par sa rivale UMP, Fabienne Keller, qui considère qu’il vaut mieux privilégier le qualitatif au quantitatif.

JOL Press : Dans ce duel qui oppose Roland Ries à Fabienne Keller, quelles sont les probabilités que Strasbourg rebascule à droite ?

Dominique Duwig : Pour l’instant cinq sondages ont été publiés. Les quatre premiers donnaient toujours le maire sortant en avance au 1er tour et victorieux au 2nd tour mais selon le cinquième sondage – sondage CSA pour BFMTV, Le Figaro et Orange, réalisé du 3 au 4 mars 2014 – la liste UMP-MoDem conduite par Fabienne Keller arriverait en tête, créditée de 32% des intentions de vote exprimées. Elle devancerait de trois points la liste d’union PS-PRG-MRC conduite par Roland Ries (29%). Au 2nd tour, ils seraient au coude à coude.

Mais tout pourrait être bouleversé si le Front national arrivait à se maintenir au 2nd tour. Selon ce dernier sondage, la liste Rassemblement Bleu Marine, conduite par Jean-Luc Schaffhauser, arriverait en troisième position avec 11%, un score qui, s’il devait se vérifier, lui permettrait de provoquer une triangulaire au second tour. Dans ce cas-là, le maire sortant serait automatiquement réélu.

JOL Press : La tentation FN est-elle importante à Strasbourg ?

Dominique Duwig : Cette tentation est moins importante à Strasbourg qu’ailleurs en Alsace. La région vote assez facilement FN, en particulier dans les campagnes. En 2008, l’extrême-droite était divisée entre un parti régionaliste, appelé Strasbourg d’Abord, qui avait fait 2,17% et le FN qui avait obtenu 2,84% des voix ; à deux, ils parvenaient difficilement à 5%. Cette année, le candidat du FN est crédité de 7 à 11% des voix. C’est un score élevé.

JOL Press : Que rejettent les Strasbourgeois en priorité ?

Dominique Duwig : Les Strasbourgeois rejettent une forme de gouvernance. Le maire sortant avait déjà été maire sous le mandat de Catherine Trautmann, socialiste comme lui, qui avait été élue en 1989, réélue en 1995 et appelée au gouvernement de Lionel Jospin en 1997. Elle avait alors quitté la mairie pendant trois ans pour se consacrer au ministère de la Culture et, pendant ce temps, c’est son premier adjoint, Roland Ries, qui l’avait remplacée comme maire. Il a quitté la mairie en 2000 et Catherine Trautmann a repris son poste jusqu’en 2001. Le maire sortant a donc été maire huit ans. Il avait déclaré en 2008 qu’il ne ferait qu’un seul mandat, assurant qu’il ne voulait pas s’accrocher à son fauteuil de maire puisqu’il a 69 ans. Et, il y a quelques mois, il a expliqué qu’il retournait au combat. Ce changement d’avis lui est beaucoup reproché.

Les Strasbourgeois assistent aujourd’hui à un duel entre une ancienne maire qui a été battu de façon assez importante en 2008 (41,77%) et un maire sortant qui avait dit qu’il n’y retournerait pas. L’écologiste Alain Jund était lui aussi candidat en 2008, a gouverné pendant six ans avec Roland Ries et se représente à nouveau.

Cette campagne manque un peu de renouvellement politique. Un quatrième candidat, François Loos (UDI), qui a été ministre entre 2002 et 2007 dans les gouvernements Raffarin et Villepin, pensait pouvoir incarner ce renouveau, mais il plafonne, au grès des sondages entre 7 et 9% des intentions de vote.

JOL Press : Quelle est l’importance des enjeux nationaux dans cette campagne ?

Dominique Duwig : Je pense qu’une partie du corps électoral de gauche ne va pas vouloir se déplacer. La politique nationale aura certainement une influence sur le vote mais il ne faut pas oublier qu’il y a une exception alsacienne.  C’est la seule région qui vote à droite depuis 1986, un îlot rose au milieu d’une mer bleue.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press 

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