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Municipales 2014: Bastia, futur bastion des nationalistes?

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JOL Press : D’après un sondage OpinionWay publié ce vendredi, le scrutin municipal à Bastia devrait propulser Gilles Simeoni à la mairie. En quoi consiste le « nationalisme modéré » dont il se revendique, par rapport aux mouvements indépendantistes ?
 

Robert Colonna d’Istria : Ils divergent sur plusieurs points, dont l’objectif. Contrairement aux indépendantistes, les nationalistes modérés souhaitent une autonomie au sein de la République française, avec simplement un statut particulier au sein des régions françaises.

La seconde différence réside dans les moyens d’actions. Quand les indépendantistes militent pour des actions violentes, les modérés souhaitent utiliser les voies démocratiques.

Il ne faut pas non plus accorder à ce vote nationaliste une trop grande importance. Il est avant tout le fruit de circonstances particulières. Comme la plupart des élections locales.

JOL Press : Le nationalisme est-il un enjeu quotidien pour la population corse ?
 

Robert Colonna d’Istria : Pas plus que Marine Le Pen ne l’est sur le continent. Le sujet est présent, sans être obsédant. Le courant politique emporte à la fois un vote d’adhésion et un refuge d’opposition aux autres. Il est comparable à l’élection présidentielle de 2012 : François Hollande a-t-il été élu, ou est-ce Nicolas Sarkozy qui a été rejeté ? En Corse, comme ailleurs, il existe ainsi ce rejet de formations politiques « traditionnelles » à bout de souffle. Mais il y a aussi une adhésion à ce projet autonomiste, qui veut valoriser l’identité et la culture corses…

JOL Press : Les Corses sont-ils, plus que sur le continent, attirés par une politique de proximité, centrée sur leurs enjeux régionaux et quotidiens ?
 

Robert Colonna d’Istria : Pour ces municipales, les facteurs locaux – et donc personnels- comptent peut-être un peu plus qu’ailleurs. La lecture des élections en Corse sous un prisme droite/gauche/nationalisme/autonomisme serait très imparfaite. Sont ici en question des personnes.

A Bastia, le contexte est plus spécial. La famille d’Émile Zuccarrelli, maire actuel dont le fils et candidat à sa succession, dirige la ville depuis 1870 ! Depuis 140 ans, quasiment sans discontinuer, la mairie de Bastia reste dans leur escarcelle, ils se la « passent » de père en fils, de fils en gendre, et ainsi de suite. Zuccarrelli voulait absolument placer son fils cette année, ce qui pose génère des sécessions, comme la liste dissidente de François Tatti.

Cela dit, ce contexte fonctionnement  féodal n’est pas propre à la Corse : les Mitterrand, les Le Pen ont aussi une tradition politique quasi-patrimoniale.

JOL Press : A Ajaccio aussi le contexte est particulier, puisque jusqu’en 1994, le maire était issu du Comité central bonapartiste…
 

Robert Colonna d’Istria : Pas vraiment. Le CCB n’était qu’un petit parti local de la droite modérée, oscillant entre le RPR et l’UDF. Il n’avait rien à voir avec la conception commune du bonapartisme et l’imaginaire auquel elle renvoie.

JOL Press : La chute de la popularité de François Hollande et la désaffection envers sa politique, que l’on constate dans la France entière, est-elle palpable en Corse ? Peut-elle, comme on l’annonce sur le continent, transformer ce scrutin local en un vote de sanction nationale envers le PS ?
 

Robert Colonna d’Istria : Les facteurs locaux sont tellement importants que ces considérations sont plus modestes. Aux dernières municipales, le maire d’Ajaccio, à nouveau candidat et soutenu par François Hollande, l’avait emporté largement, avec plus de 60 % des voix. Pourtant, à la présidentielle de 2012, Ajaccio a voté à plus de 65 % pour Nicolas Sarkozy. La distinction entre enjeux locaux et nationaux existe bien. L’exemple d’Orange avec Jacques Bompard, maire proche du Front National, en est une autre illustration.

JOL Press : Le Front National est-il entendu en Corse ?
 

Robert Colonna d’Istria : Aux élections présidentielles, le FN fait un carton. Il s’appuie à ce moment-là, il s’appuie sur le socle d’électeurs nationalistes, en grande partie. Mais il n’a pas vraiment d’ancrage sur le terrain, ce qui le place en mauvaise posture aux municipales. D’ailleurs, le FN n’a pas réussi à présenter de liste à Bastia en 2014.

Propos recueillis par Romain de Lacoste pour JOL Press

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Familier des rivages de la Méditerranée, Robert Colonna d’Istria, historien et écrivain, a publié de nombreux livres, récits de voyage ou reportages. La Corse demeure un de ses sujets de prédilection avec une quinzaine d’ouvrages, dont Ils sont fous ces Corses ! (Éditions du Moment, 2013).

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