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Municipales à Marseille: «Un certain fatalisme s’installe dans la population»

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Alors que la campagne piétine à Marseille, Bernard Tapie a annoncé ce lundi 10 mars, dans les colonnes de son journal La Provence, qu’il dînerait avec les cinq candidats aux municipales dans la cité phocéenne pour les besoins d’une émission intitulée « Tapie se met à table ». Patrick Mennucci (PS), Stéphane Ravier (FN), Jean-Claude Gaudin (UMP), Pape Diouf (SE) et Jean-Marc Coppola (Front de Gauche) seront tour à tour reçus par Bernard Tapie pour un dîner au Cercle des nageurs. Le « talk-show » sera diffusé sur LaProvence-tv.com à 20h45, à partir de ce mercredi.

D’ici là, comment envisager cette campagne des municipales à 15 jours du scrutin ? Eléments de réponse avec Xavier Monnier, auteur de Marseille, ma ville : Portrait non autorisé (Les Arènes – mars 2013). Entretien.

JOL Press : Quels sont, selon vous, les principaux enjeux de la campagne des municipales à Marseille ?

Xavier Monnier : Les enjeux à Marseille sont les mêmes depuis 30 ans : la propreté, les transports et la réduction des inégalités entre le nord et le sud. Ces inégalités ont été mises en lumière par les médias, ces dernières années, à cause de l’augmentation des règlements de comptes à la kalachnikov un peu partout dans Marseille, et du développement de l’économie souterraine, qui ont montré que la pauvreté et l’abandon de certaines zones, que ce soit dans les quartiers nord ou les quartiers sud, pouvaient provoquer beaucoup de violence. Le problème c’est que la campagne s’intéresse moins à des questions de projets qu’à des questions de personnes et est très violente dans les mots entre Patrick Mennucci et Jean-Claude Gaudin.

Par ailleurs, lors de la dernière mandature, les affaires judiciaires se sont multipliées : je pense en particulier à la condamnation à un an de prison ferme de la députée PS de Marseille Sylvie Andrieux, dans une affaire de corruption, à la mise en examen, notamment pour corruption passive et participation à une association de malfaiteurs, de Jean-Noël Guérini, le sénateur et président du conseil général des Bouches-du-Rhône, ou encore à l’ouverture d’une information judiciaire après la découverte de dysfonctionnements au sein de l’office HLM de la ville.

On a eu l’impression ces derniers temps que le vieux système clientéliste qui perdure depuis des années à Marseille était en train de se fissurer alors même que les élus, eux, ne se renouvelaient pas. Un certain fatalisme s’installe dans la population et ce fatalisme peut expliquer ce peu d’intérêt que suscite la campagne des municipales à Marseille.

JOL Press : Quel serait le secteur à développer en priorité à Marseille, selon vous ?

Xavier Monnier : Je pense que les transports sont la priorité absolue. Marseille est la ville la plus étendue de France et elle ne possède que deux lignes de métro et deux lignes de tramway. Pour aller dans les quartiers sud on n’a pas d’autre choix que de prendre le bus ou sa voiture. Or on sait que l’un des principaux moteurs pour le développement c’est le maillage du territoire.

JOL Press : Que rejettent les Marseillais en priorité et qu’attendent-ils de leurs élus ?

Xavier Monnier : Ce que les Marseillais rejettent en premier c’est l’image que renvoie la ville, ils aiment leur ville, ils n’ignorent pas les problèmes qui existent en matière de sécurité mais ils ne sont pas angoissés pour autant d’habiter Marseille. L’image la plus souvent relayée par les médias est celle d’une ville aux élites corrompues et cette image les gêne et les chagrine. Ils sont tout à fait conscients des dysfonctionnements de Marseille et ils ne voient pas de changements à l’horizon, à cause d’un système en place qui cultive le clientélisme dans tous les secteurs, que ce soit pour trouver un logement, une crèche ou des services publics compétents tout simplement.

Les Marseillais attendent des services publics compétents et efficaces. Prenons un exemple très simple : les éboueurs et la propreté à Marseille. On nous explique souvent que le problème des éboueurs c’est le « fini-parti » qui permet aux éboueurs de quitter leur travail dès que leur tournée de ramassage des ordures est achevée mais ce n’est pas pour cette raison que la ville est sale. Il existe une mainmise du syndicat Force ouvrière sur les éboueurs qui décide de recrutements qui ne sont pas toujours dans l’intérêt des services publics.

JOL Press : La tentation du FN est-elle importante, selon vous, à Marseille ?

Xavier Monnier : Le Front national va être haut à Marseille mais c’est un phénomène qu’il faut relativiser parce que paradoxalement le FN disparaît peu à peu de la ville. Je dirais que pas plus de 10% des électeurs qui votent FN le font par conviction ; le vote FN, à Marseille, est un vote contestataire de rejet du système en place. Quand on voit les têtes de liste FN, on constate que la cité phocéenne n’est pas au cœur des préoccupations des cadres du parti.

JOL Press : Quelle est l’importance des enjeux nationaux dans cette campagne ?

Xavier Monnier : Les Marseillais se rendent bien compte que leur ville est un enjeu national et cela flatte leur ego. Après est-ce que la politique nationale va avoir une influence sur le scrutin local ? Je ne le crois pas parce que les Marseillais savent faire la part des choses. La campagne a eu du mal à démarrer et on sent, à travers les sondages, les électeurs très indécis. A Marseille, il ne s’agit pas d’une élection mais de huit élections, tout va dépendre du basculement de tel ou tel secteur.  

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Cofondateur et rédacteur en chef du site Bakchich, Xavier Monnier est né et a grandi à Marseille.

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