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Municipales à Paris: la campagne révèle deux femmes talentueuses

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Anne Hidalgo a remporté la victoire, dimanche soir 30 mars à Paris, avec un peu plus de 53 % des voix. La campagne de Paris a été le théâtre d’un redoutable affrontement entre deux femmes que tout opposait : Anne Hidalgo, la discrète, élevée dans une cité HLM par des parents immigrés espagnols, face à la médiatique Nathalie Kosciusko-Morizet, polytechnicienne, fille, petite-fille et arrière-petite-fille de responsables politiques.

Bertrand Gréco et Gaspard Dhellemmes ont suivi toutes les étapes de cette élection capitale et ont mené de nombreux entretiens pour reconstituer ce passionnant House of cards version française. Ils dévoilent les réunions secrètes, les velléités de putsch contre la chef de file UMP, les phrases assassines des acteurs clés de cette bataille, dans une Histoire secrète d’une élection capitale (Editions du Moment – 4 avril 2014). Entretien avec l’un des auteurs.

JOL Press : Comment Anne Hidalgo a-t-elle évolué au cours de la campagne ? Comment est-elle passée de la femme discrète à la femme qui démontre qu’elle a les épaules pour prendre les rênes de la capitale ?

Bertrand Gréco : Anne Hidalgo a dû, tout d’abord, se démarquer de la tutelle de Bertrand Delanoë qui est une personnalité très forte et très appréciée des Parisiens. Elle a été présentée comme son héritière, elle a dû donc prendre son indépendance. Elle avait, par ailleurs, l’image d’une femme discrète, sur la réserve. Quand il a été élu maire de Paris en 2001, on disait de Bertrand Delanoë qu’il manquait de charisme et, au fil de ses deux mandats, il a révélé sa vraie personnalité. Anne Hidalgo avait, elle aussi, cette image peu charismatique, cette image de femme effacée mais elle a imposé sa personnalité au fil de campagne.

[image:2,s]Anne Hidalgo n’est pas dans le coup d’éclat, elle est posée, prudente. Elle a construit les choses patiemment et, au fur et à mesure, elle a réussi à s’imposer, en douceur.

JOL Press : Nathalie Kosciusko-Morizet a fait plus ou moins comprendre qu’elle ne souhaitait pas en rester là après sa défaite. Quels sont, selon vous, ses prochains combats ?

Bertrand Gréco : C’est difficile à dire. Elle va peut-être chercher à se hisser à la présidence du groupe UMP au Conseil de Paris mais elle risque d’être contestée par les barons de la droite. Les règlements de compte ne vont d’ailleurs pas tarder à  arriver au sein de la droite parisienne. Prendra-t-elle la tête de l’opposition parisienne ? Il est encore trop tôt pour le dire. Il est aussi possible qu’elle envisage la présidence du Grand Paris.

Pour faire face à sa défaite, Nathalie Kosciusko-Morizet va faire valoir que, certes, elle a essuyé une défaite mais qu’elle a fait mieux que Françoise de Panafieu en 2008, ce qui n’était pas très difficile, qu’elle a gagné le IXe arrondissement et qu’elle n’a pas perdu le Ve qui était très menacé. Elle va faire un peu comme Ségolène Royal en 2007 en trouvant une victoire dans sa défaite.

JOL Press : Si on pouvait mettre en avant deux atouts et deux faiblesses chez ces deux candidates, que diriez-vous ?

Bertrand Gréco : Nathalie Kosciusko-Morizet est extrêmement combative, pugnace et battante. Anne Hidalgo est posée, travailleuse et elle connaît très bien les dossiers parisiens. Si on se place du côté des faiblesses, NKM peut apparaître comme une femme un peu superficielle dans sa gestion des dossiers et une candidate qui a beaucoup misé sur la communication. La candidate socialiste a pu paraître un peu ennuyeuse parce que tout a été très bordé et qu’elle ne laisse aucune place à l’improvisation  et à la fantaisie. Ce qui les distingue c’est le mot « risque » : Anne Hidalgo ne prend pas de risque alors que Nathalie Kosciusko-Morizet est dans la prise de risque permanente.

JOL Press : D’un point de vue politique, cette campagne aura-t-elle servi ces deux femmes ?

Bertrand Gréco : Anne Hidalgo a tout gagné dans cette campagne et NKM saura forcément tirer quelques avantages de cette expérience. Elle a bénéficié d’une couverture médiatique incroyable et, même si elle a perdu, elle n’a que 40 ans et elle va donc rebondir. A coup sûr, ses ambitions, qui sont très grandes, vont s’exprimer dans les années qui viennent.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Bertrand Gréco, 41 ans, est journaliste au Journal du dimanche depuis 1997, en charge du suivi de la politique parisienne depuis 1999. Il a publié Municipales 2008 : la bataille de Paris. Il est aussi l’auteur de Passion Pierre (2009), un livre consacré au patrimoine et à l’architecture.

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