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Paris occupe depuis des siècles une position inégalée dans l’histoire nationale. En 1977, la renaissance municipale de la mairie de Paris conforte cette place d’exception. La capitale retrouve un maire et avec lui une place de choix sur la scène internationale. Malgré cela, force est de constater que le rayonnement international de la Ville lumière n’a pas été au cœur des débats des candidats à la mairie de Paris. Paris n’est-elle plus cette cité ouverte sur le monde et chanté par les poètes et les peintres ? Eléments de réponse avec Yvan Combeau, auteur de Quel maire pour Paris? Chronique des batailles électorales (Les Editions de Paris-Max Chaleil – janvier 2014). Entretien.
JOL Press : Toute visite officielle d’un chef d’Etat étranger dans la capitale inclut une réception à l’Hôtel de Ville. Quel est le rôle du maire Paris lors de ces visites ?
Yvan Combeau : Avec la renaissance du maire de Paris (1977), Jacques Chirac a donné à la fonction une dimension internationale toute particulière. Le maire de Paris devient plus que le symbole d’une ville-monde, il représente une cité chargée de la force de ses représentations historiques. Le maire de Paris est porteur de ces potentialités parisiennes, représentant de la France. En dix-huit années, Jacques Chirac avait transformé l’Hôtel de Ville en une maison internationale. Il a multiplié les rencontres avec les dirigeants nationaux, les voyages aux allures présidentielles avec de fortes délégations. Et en 1994, première dans la vie municipale, il organise un débat sur la politique étrangère de la capitale.
JOL Press : Quel rôle joue le maire de Paris sur la scène internationale ?
Yvan Combeau : Un des traits caractéristiques des années du « Paris-Chirac » de 1977 à 1995 c’est d’avoir donné à la capitale une politique internationale. Le projet consistait bien évidemment à faire de la ville un tremplin personnel dans la relation avec les dirigeants internationaux, mais cette politique riche de déplacements, de cérémonies protocolaires a installé Paris comme un acteur international avec une parole et des gestes relayés par la presse mondiale. Dans la continuité de cette position, Bertrand Delanoë dans son discours de réélection (mars 2008), donne une place particulière à cette voix parisienne.
A titre d’exemple, il conclut cette intervention au début de son second mandat en exprimant la colère de Paris devant la détention d’Ingrid Betancourt et en insistant sur la solidarité parisienne pour le peuple tibétain. N’oublions pas les initiatives des maires de Paris en faveur de la francophonie. Inversement, chacun a le souvenir de l’échec international (Singapour, 2005) avec la candidature de Paris face à Londres pour les Jeux Olympiques de 2012.
JOL Press : De très nombreux poètes, écrivains, musiciens du monde entier ont vécu et travaillé à Paris, ou s’en sont inspiré dans leurs œuvres. Paris est-elle encore une capitale de la culture ?
Yvan Combeau : Oui, indéniablement ! La capitale exerce un tropisme à l’échelle de la planète. L’histoire de la capitale ce sont les écrivains, les peintres venus du monde entier pour découvrir et re-découvrir une capitale exceptionnelle. Leurs œuvres se nourrissent et ils sont dans le même mouvement les ambassadeurs de la cité. Comme l’écrivait Pierre Harel-Darc : « Quelle autre ville que Paris ? Quelle autre ville au monde en pourrait dire autant ? »
[image:2,s]JOL Press : En quoi peut-on dire que Paris est une cité ouverte sur le monde ?
Yvan Combeau : La lecture d’un plan de la ville signe cette cité ouverte avec ses instituts ou ses musées. La longue liste des centres culturels dans l’espace parisien traduit cette richesse. La politique municipale à travers les différentes majorités marque aussi une constante aide à la création artistique parisienne à l’étranger. De même, Paris a su développer des relations culturelles dans le cadre d’un partenariat et d’un réseau avec des autres capitales. La formule de Victor Hugo reste une référence constante : « Qui adresse la parole à Paris, s’adresse au monde entier ». Cependant, il faut savoir aussi distinguer l’émergence de métropoles (Lyon, Marseille, Lille…) qui, sur le territoire national, ont établi des relations à l’international et ambitionnent d’incarner des dynamiques culturelles.
JOL Press : La ville de Paris a longtemps incarné, sur toute la planète, les droits de l’Homme, les libertés individuelles et la liberté de la presse. Est-ce encore le cas aujourd’hui ?
Yvan Combeau : Paris c’est une idée, une scène-capitale, un avant-poste qui exerce une constante fascination par sa puissance. La capitale a toujours représenté la France qui parle au monde. La parole de et sur Paris se nourrit de son histoire avec des références à la figure d’Etienne Marcel, aux Lumières, à la Révolution française, à La Libération… La phrase de Goethe reste attachée à la ville : « Imaginez-vous cette ville universelle, où chaque pas sur un pont, sur une place, rappelle un grand passé, où à chaque coin de rue s’est déroulé un fragment d’Histoire ». Ce sont ces références à une voie internationale qui constituent de vivre dans les discours du présent.
JOL Press : Les enjeux internationaux ont-ils été, selon vous, bien pris en compte par les différents candidats à la mairie de Paris ?
Yvan Combeau : Ces enjeux sont placés dans les programmes, se retrouvent en quelques lignes dans le cadre des professions de foi, mais ils ne viennent pas dans la phase de la campagne électorale comme des points centraux. Ils n’alimentent pas les échanges lors des confrontations médiatisées. D’autres thématiques dominent cette élection de 2014, et pourtant les dimensions internationales ne peuvent être distinctes du devenir de Paris-métropole, et plus largement du projet du Grand Paris. Par-delà l’échéance municipale dans les vingt arrondissements, il faut bien avoir à l’esprit que Paris ne peut contourner les interrogations sur son devenir dans une compétition internationale.
Nous l’avons bien vu lors des récentes polémiques (janvier) concernant la ville la plus touristique au monde. Londres proclamait alors sa première place et prétendait « détrôner » Paris. Depuis, les maires respectifs des deux cités ont calmé le jeu, reste que Paris ne peut vivre sur les dynamiques de son seul passé. La capitale doit aussi ré-inventer son discours au monde pour consolider son rayonnement mondial.
Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press
Yvan Combeau est professeur des universités en histoire contemporaine. Historien du politique, spécialiste de l’histoire de Paris, il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur la vie politique dans la capitale dont Histoire de Paris dans la collection « Que sais-je ? ».