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Pénurie de candidats aux municipales: que devient une commune sans maire?

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A quelques heures de la clôture du dépôt des candidatures, ce jeudi 6 mars, plusieurs dizaines de commues étaient encore sans aucun candidat (Crédits : shutterstock.com)

Les candidats aux municipales avaient jusqu’à jeudi 6 mars pour se faire connaître. Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, un électeur sur 49 est candidat aux municipales, soit 926 068 candidatures enregistrées au total par les préfectures jeudi à 18 heures à l’heure de clôture du dépôt des listes pour le premier tour, et 63 communes de moins de 1000 habitants n’ont aucun candidat pour le premier tour des municipales. Comment expliquer cette pénurie de candidats ? Que va-t-il se passer dans ces communes qui n’ont pas de prétendant au poste de maire ? Eléments de réponse avec François Trétarre, conseiller international en communication publique et électorale. Entretien.

JOL Press : Que se passe-t-il quand une commune se retrouve sans aucun prétendant au poste de maire ?

François Trétarre : Pour les élections municipales de mars 2014, il est obligatoire pour tous les candidats de déposer leur candidature avant l’élection, quelle que soit la taille de la commune. Ainsi, comme le précise le ministère de l’Intérieur, si aucun candidat ne se présente, l’élection municipale n’a pas lieu.

Si cette situation survient au sein d’une commune, le préfet est amené à prendre un arrêté sous huit jours afin d’instituer une « délégation spéciale » pour remplir les fonctions du conseil municipal. Cette délégation spéciale, composée de trois personnes pour les communes de moins de 35 000 habitants et pouvant être portée jusqu’à 7 personnes sinon, élira alors son président pour remplir les fonctions de maire (article L2121-35, 36 et 37 du code électoral).

Bien entendu, les pouvoirs de cette délégation spéciale sont limités. Il s’agit uniquement de traiter l’administration conservatoire et urgente (article L2121-38 du code électoral). Elle ne pourra, par exemple, pas modifier le personnel ou préparer le budget communal.

JOL Press : Que se passe-t-il ensuite ? Se peut-il, qu’à terme, une commune disparaisse ?

François Trétarre : Dans un délai maximal de trois mois, des élections partielles sont organisées afin de constituer un conseil municipal. Dès que ce conseil municipal est constitué, les fonctions de la délégation spéciale qui a été mise en place pour la période transitoire expirent alors de plein droit.

Cependant, il peut arriver qu’il n’y ait toujours pas de candidats au cours de ces nouvelles élections. Passé le délai, si aucun candidat ne s’est déclaré, le préfet pourra être amené à proposer la dissolution de la commune et son rattachement à une commune voisine.

Notons qu’en 2008, aucune des 36 000 communes n’a manqué de maire. Mais le contexte pour les élections de mars 2014 est différent sur plusieurs points et une insuffisance de candidats est envisagée.

JOL Press : A quoi est due cette pénurie de candidats ? Crise des vocations ou nouvelles règles plus contraignantes ?

François Trétarre : Comme le montrent de récents sondages, il existe bien un climat de défiance à l’égard de la classe politique, mais ce phénomène n’est pas non plus nouveau. Il ne peut donc pas, à lui seul, expliquer la situation rencontrée par de nombreuses préfectures qui, à quelques heures de la clôture des inscriptions pour les candidatures aux municipales de mars 2014, manquent de candidats pour certaines communes.

La principale explication vient plutôt des récentes réformes du code électoral qui ont rendu plus contraignante la constitution des listes par les candidats, en particulier pour les petites communes. Il en résulte donc une difficulté pour certains à constituer une liste.

Dorénavant, les électeurs de toutes les communes de plus de 1000 habitants éliront leurs conseillers municipaux selon le même mode scrutin. Ainsi, le dépôt de candidature est maintenant obligatoire dans les communes de moins de 1000 habitants, alors que ce n’était pas le cas avant. Pour les communes de 1000 à 3500 habitants, les candidats sont maintenant tenus, comme pour les communes plus importantes, de présenter des listes paritaires hommes/femmes. Et concernant les communes de 1000 à 2500 habitants, il s’agira dorénavant de présenter des listes complètes.

Cette harmonisation des modes de scrutin complexifie la constitution des listes pour les petites communes, qui étaient habituées jusque-là à des règles plus souples.

Il en résulte donc des difficultés pour certains candidats à trouver suffisamment de colistiers, et plus particulièrement de femmes, comme l’exige la parité. Il faut également savoir que le ministère de l’Intérieur va dorénavant aussi demander aux candidats des petites communes de communiquer leur nuance politique, ce qui peut gêner les nombreux candidats qui se veulent sans étiquettes.

JOL Press : Quels autres éléments peuvent expliquer les difficultés rencontrées ?

François Trétarre : Les contraintes pesant sur les maires et les difficultés inhérentes à leurs fonctions font qu’un certain nombre d’élus décident d’arrêter après un seul mandat. S’ajoute à cela pour certains maires le cumul de leur mandat avec une activité professionnelle, pouvant amener certains à des semaines de 70/80h…

La participation à une campagne électorale n’est par ailleurs pas neutre pour les candidats potentiels. Les prises de positions, les tensions avec les colistiers, les relations d’influence avec les prescripteurs d’opinion, le passage sur le devant de la scène et l’exposition aux critiques font que, quelle que soit la taille de la commune, l’entrée dans la sphère publique et politique ne convient pas à tous.

Notons tout de même que même si beaucoup de préfets n’ont pas enregistré un certain nombre de candidatures à quelques heures de la clôture des dépôts de dossiers, c’est que certains candidats attendent sciemment le dernier moment par pure stratégie politique. Il s’agit de surprendre pour minimiser une mobilisation adverse ou encore de pouvoir finaliser les négociations avec les colistiers. Il est en effet extrêmement courant, une fois la liste officialisée, qu’une démobilisation survienne chez les différents colistiers dont les attentes en termes de position sur la liste n’ont pas été respectées. Il est donc stratégique pour les candidats d’attendre le dernier moment afin de maintenir la motivation de ceux qui espèrent une place sur la liste, et si possible parmi les premières positions.

Mais attention tout de même. À chaque élection, des candidatures sont refusées car déposées trop tard. Un dossier qui arrive ne serait-ce que quelques minutes après l’heure de clôture est généralement refusé par les services. Les candidats qui s’y prennent au dernier moment, par stratégie ou simple problème d’organisation, prennent donc le risque de voir leur candidature refusée pour peu qu’ils aient un problème de transport ou qu’il leur manque un papier…

JOL Press : Comment encourager les citoyens à déposer leur candidature ?

François Trétarre : L’un des premiers acteurs ayant les moyens d’éviter qu’une commune ne se retrouve sans candidat est sans aucun doute le maire sortant. Certains maires qui n’entendent pas se représenter n’hésitent ainsi pas à organiser des réunions publiques afin d’informer et de motiver les candidats potentiels.

À une autre échelle, les préfets jouent également un rôle fort. C’est ainsi qu’ils ont récemment été mobilisés par le ministère de l’Intérieur afin de rappeler les obligations de dépôt de dossier à tous les candidats potentiels. Mais d’autres acteurs sont aussi concernés et souvent impliqués. Citons, par exemple, les différentes associations de maires qui peuvent mener des actions d’information. Certains partis politiques sont également en recherche active de candidats pour les représenter et n’hésitent pas à mobiliser.

Du côté des administrations, la Commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques (CNCCFP) propose régulièrement un Guide du candidat et du mandataire afin de mieux informer sur les contraintes entourant les comptes de campagne. Le Ministère de l’Intérieur publie quant à lui ses Mémentos à l’usage des candidats afin de mieux expliquer les modalités de candidature et de campagnes électorales. Autant de démarches qui ont pour but de mieux accompagner les candidats potentiels afin de favoriser les candidatures.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

François Trétarre est conseiller international en communication publique et électorale. Il est l’auteur de l’ouvrage de référence Campagnes Électorales : Principes et Pratiques de la Préparation et de la Conduite de Campagnes diffusé dans plusieurs pays ainsi que de deux guides pratiques étape par étape pour préparer et mener sa campagne électorale. Il est par ailleurs fondateur de campagnes-electorales.fr, première plateforme française d’accompagnement électoral.

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