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Pis que pendre d’Olivier Py !

C’est facile, je sais, un mauvais jeu de mots. Mais l’affaire n’est pas élégante non plus en dépit de l’initiateur de la controverse, Olivier Py, et du Festival d’Avignon qu’il dirige.

Il est vrai qu’on n’a pas idée d’offrir de telles opportunités au monde de la culture qui est à peu près, globalement entendu, celui de la culture du Monde : de l’abstraction et de l’élitisme avec des rêves constants de résistance comme si la France était naturellement en péril à chaque élection, même municipale.

Le FN comme bouc émissaire

Au lieu de résister dans le vide, sans savoir contre qui et contre quoi, les militants de la culture ont aujourd’hui le FN à se mettre sous l’esprit, sous la détestation. A les lire, à les entendre, même quand ils sont intelligents comme le cinéaste écrivant sur Forbach dans Libération, notre pays sent déjà la poudre et des barricades qui banalement restent conceptuelles doivent être dressées. Il y a toujours eu, dans le domaine des idées et de ceux qui par profession théorisent et dissertent, la tentation de se croire en état de siège pour justifier ou frôler une violence sans laquelle on ne serait rien de plus qu’un penseur en chambre.

Le paradoxe conduit à tirer des conclusions démesurées et apocalyptiques pour l’ensemble de la France de poussées fortes et circonscrites du FN dont il convient de répéter, comme l’a fait Henri Guaino qui n’a peur de rien, surtout pas des vérités qui dérangent, qu’il s’inscrit au moins dans le formalisme républicain, libre à chacun de vérifier si tous les partis, notamment les plus hostiles au FN, ont toujours été en parfaite conformité avec la triple exigence de notre devise nationale : liberté, égalité et fraternité.

La conséquence est qu’à force de considérer le FN dans les discours et les propos comme interdit au moment même où l’élection pourtant le promeut, on parle infiniment de lui, politiquement et médiatiquement, et on donne par exemple des épisodes d’Hénin-Beaumont ou de Forbach une image quasiment de bonapartisme triomphant. Ce qui assure au FN une double légitimité : celle du succès démocratique et celle d’un injustifiable opprobre.

Comment un Olivier Py aurait-il pu résister à une telle tentation, même entre les deux tours d’une élection municipale à Avignon où le candidat du FN, énarque, pour certains évidemment égaré, est arrivé légèrement en tête et où il a appelé, pour gagner, au rassemblement contre la gauche ?

Je n’ai connu les réactions d’Olivier Py, qui aurait mieux fait de se taire et d’accomplir sa mission citoyenne d’opposant dans les urnes le 30, qu’au cours de l’émission ONVPSM – que j’aime de plus en plus et Léa Salamé, qui l’anime, n’y est pas pour rien (i-Télé).

Olivier Py menaçait carrément de délocaliser le Festival d’Avignon si le FN l’emportait car à l’évidence il ne se voyait pas débattre avec ce nouveau maire qu’il présumait hermétique à la culture et avec lequel il allait forcément « se compromettre » (Le Monde).

Le lendemain, le responsable du Festival off proclamait au contraire sa volonté de rester mais n’était pas loin de présenter son maintien dans les lieux comme un acte de courage inouï (France Inter).

J’ai mis en cause la position d’Olivier Py ainsi que Geoffroy Didier qui était à mes côtés tandis que nos intéressants contradicteurs l’approuvaient parce qu’homme de conviction, il se situait sur le registre de la culture et avait le droit d’exprimer son opinion ainsi.

A cause de la lâcheté générale dès qu’il s’agit des controverses relatives au FN et de l’approbation molle de n’importe quoi pourvu que ce soit hostile à ce parti, je n’imaginais pas qu’un journaliste de talent comme Jérôme Béglé viendrait dire tout ce qui convenait à ce sujet, et sans épargner Olivier Py. Il y a des moments où on ne doute plus de la liberté de l’esprit (lepoint.fr).

Puisque je mets mes pas dans les siens, je ne voudrais pas aggraver mon sort avec cette double provocation.

Présomption d’inculture

La présomption d’inculture attachée à ce possible nouveau maire est-elle si fondée, son parcours ne le rendant pas apparemment étranger à ce qui passionne Olivier Py ? Il ne serait peut-être pas si inepte que cela ?

Les Chorégies d’Orange ont continué à se dérouler magnifiquement avec la municipalité de Jacques Bompard qui à l’origine avait été victime des mêmes suspicions. Vouloir supprimer des subventions inutiles pour l’univers culturel ne fait pas forcément de vous un adversaire de la culture. Quel que soit le futur maire d’Avignon, je serais heureux, s’il a un mot à dire sur la programmation du Festival, qu’il conseillât une mise au rancart de la nudité, de l’hermétisme et de la scatologie qui, selon certains critiques que j’apprécie, ont parfois dénaturé quelques spectacles.

Mais là n’est pas l’essentiel. Il se rapporte à l’incroyable bêtise partisane qui proférée dans le pire des moments sur le plan tactique va nécessairement renforcer, coaliser des Avignonnais peut-être indécis, incertains, mais qui vont se mobiliser devant ce qui n’est rien de moins qu’un chantage.

Au-delà du phénoménal impact commercial du Festival sur la vie et la prospérité de cette splendide cité, quelle étrange appropriation, par Olivier Py, de ce qui ne lui appartient pas, de ce Festival qui, avec Jean Vilar hier et le meilleur d’aujourd’hui, ennoblit la France et ne saurait être arraché par le décret d’un seul à son terreau devenu si naturel que le théâtre, Gérard Philipe, d’autres gloires sont indissociables d’Avignon !

Le conseil d’administration du Festival est présidé par Louis Schweitzer et même si je n’ai jamais surestimé l’audace de ce dernier, j’espère qu’un diktat aussi saugrenu n’aurait jamais droit de cité !

Parce qu’on est reconnu et célébré, a-t-on toutes les licences ?

Parce qu’on est en charge d’un Festival, pour le compte d’un pays qui en est fier quand il nous honore par ses représentations, a-t-on la liberté de déclarer n’importe quoi ?

Au prétexte que le FN est dans la course municipale, Olivier Py est-il fondé à croire que la culture va être étouffée et lui peut-être embastillé ?

Olivier Py, le Festival sous le bras, pourrait décider, par humeur politique ou état d’âme, de l’implanter où bon lui semble ?

Je ne doute pas que cette élucubration maladroite et fiévreuse sera approuvée par beaucoup qui détestent les guerres mais adorent les combats inutiles et fictifs.

Pourtant, je continue à penser pis que pendre d’Olivier Py !

Lire d’autres articles de Philippe Bilger sur son blog: Justice au singulier

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