Site icon La Revue Internationale

Possible fusion Bouygues – SFR, les noces cruelles?

Les appels du pied de Bouygues à SFR se font de plus en plus insistants. En fin de semaine dernière, Martin Bouygues parvenait à décrocher un entretien avec François Hollande, de passage à l’Elysée entre deux avions pour l’Afrique. Flanqué de François Pinault, à l’origine de la rencontre, Bouygues expose au président son projet de rachat de SFR, mis en vente par Vivendi. Une entrevue confidentielle, mais dont on peut deviner les lignes de force… et de faiblesse. Principales failles du dossier porté par Bouygues : l’emploi et l’innovation.
 
Au centre de toutes les attentions, l’opérateur au carré rouge, dont le chiffre d’affaires a dévissé de 9,6 % en 2013, se cherche un repreneur. Bouygues Telecom aimerait profiter de l’occasion pour sortir le chéquier et consolider son offre mobile. Pour convaincre, le leader mondial du BTP a décidé de sortir un argument massue : deux fois plus de synergies de coût que si SFR cédait à l’autre candidat au rachat en lice : Numericable.
 
Et pour cause, la où Numericable, leader de la fibre optique en France, a toujours pris le contrepied de la bande des quatre (Orange, Bouygues Telecom, SFR et Free) en se focalisant sur le déploiement de l’Internet fixe par câble, Bouygues et SFR semblent, dès le début, avoir calqué leurs stratégies commerciales. Réseaux nationaux 2G, puis 3 et 4G, ADSL, fourniture de services mobiles, de services fixes Triple Play et réseau national de boutiques constituent leur ADN commun, gravé en lettres de feu.
 
D’où une remarque, lâchée comme une vérité de La Palice : n’est-il pas plus simple de conjuguer deux opérateurs que tout tend déjà, substantiellement, à rapprocher ? Sans doute oui. Quant à savoir si cette union s’avèrerait fructueuse, rien n’est moins sûr, puisque SFR, possesseur d’environ 2 millions de prises THD (c’est à dire permettant un raccordement à la fibre optique) sur le territoire, n’en glanerait que quelques dizaines de milliers de plus au change, Bouygues n’ayant jamais investi massivement dans cette technologie.
 
Faible sur le plan de l’innovation – les deux opérateurs n’étant pas complémentaires – un mariage Bouygues – SFR  laisserait aussi à désirer pour l’Autorité de la concurrence et l’Arcep, qui ne voient pas d’un bon oeil une telle concentration du marché, mais privilégient un schéma à quatre.
 
On pose ici le doigt sur le noeud du problème. Un rapprochement Bouygues – SFR s’assimilerait davantage à une fusion, voire à une confusion, qu’à une association de compétences à même de s’additionner les unes aux autres. Une option qui ne manqueraient pas de créer un sacré chambardement dans le paradigme des Télécoms actuel. Fleur Pellerin, ministre en charge de l’Economie, s’en inquiétait au mois de janvier : « Nous avons aujourd’hui un marché à quatre acteurs, nous souhaitons qu’il fonctionne avec ces quatre acteurs dans des conditions qui soient favorables à l’investissement et à l’emploi. »
 
Car c’est bien de cela dont il s’agit. L’emploi. C’est pour ça, principalement, que Martin Bouygues s’est entretenu avec François Hollande, mais aussi Fleur Pellerin et Arnaud Montebourg. Pour rassurer l’exécutif sur ses intentions, en affirmant qu’aucun emploi ne serait supprimé. Une annonce qui laisse sceptique observateurs et gouvernement, à commencer par Fleur Pellerin : « une consolidation entre deux acteurs (parmi les quatre opérateurs que sont Bouygues, SFR, Orange et Free) serait nécessairement synonyme d’un certain nombre de doublons. Qui dit doublon dit casse sociale et ça n’est pas une perspective qui enchanterait le gouvernement « .
 
On l’a dit, les activités de Bouygues et de SFR sont peu ou prou les mêmes. Concrètement, elles sont réalisées par à peu près 9 000 salariés chez chacun d’eux, sans compter les dizaines de milliers d’emplois générés chez les prestataires (maintenance des réseaux fixes et mobiles, constructeurs et prestataires IT…). Mécaniquement, une fusion des deux opérateurs entraînerait la fermeture de 3 réseaux mobiles nationaux (2G, 3G, 4G), d’un réseau ADSL, ainsi que de plusieurs centaines de boutiques en France. De la même façon, il deviendrait inutile de conserver deux directions techniques, deux directions des systèmes d’information, deux directions commerciales et marketing…
 
9 000 emplois ne seraient peut-être pas supprimés en interne, mais on voit mal comment ils pourraient tous être épargnés… Sans compter toutes les suppressions de postes qui ne manqueraient pas d’intervenir chez les prestataires techniques. Un paramètre en forme de gros hic, alors que les derniers chiffres du chômage ne sont pas bons, et que le secteur IT, jusqu’à présent, était un des seuls à conserver une réelle capacité d’embauche. Vous avez dit cruel ?
Quitter la version mobile