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Pour défendre un Français à l’étranger, la discrétion est parfois la meilleure arme

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A ce jour, plus de 2 000 Français sont détenus dans des prisons étrangères. (Crédit : Shutterstock)

JOL Press : Michel-Thierry Atangana vient d’être libéré au terme de 17 années de prison passées au Cameroun. Comme lui, plus de 2 000 ressortissants sont emprisonnés à l’étranger. Quelles difficultés rencontrent ces Français dans leurs démarches pour être défendus face à la justice d’un autre pays ?
 

Maître Richard Sedillot : L’accès à la défense est parfois plus compliqué, même si ces Français ont droit à la protection consulaire. Cette protection prévoit que le consul s’assure que le Français est détenu dans les conditions comparables aux ressortissants locaux, qu’il aura accès à un défenseur, que son état de santé ne justifie pas une hospitalisation ou l’administration de soins urgents. Le consul de France peut également demander au Français détenu s’il souhaite que sa famille soit prévenue.

En termes de difficultés, tout dépend notamment du pays concerné. Le cas d’un Français arrêté en Espagne ne sera pas le même que celui d’un Français arrêté en Indonésie ou dans un pays dans lequel le système juridique est très différent du nôtre.

Dans certains pays, par ailleurs, l’accès au droit est plus difficile, en raison d’un nombre très limité d’avocats. Parfois tous les avocats exercent dans la capitale et un Français arrêté en province aura encore plus de difficultés à joindre un défenseur.

JOL Press : Dans ce type de cas précisément, le consulat français peut-il mettre un avocat à la disposition du ressortissant ?
 

Maître Richard Sedillot : Eventuellement, le consul de France pourra communiquer au ressortissant une liste d’avocats mais en aucune façon les autorités françaises ne rémunèreront l’avocat. Le ressortissant français pourra bénéficier de l’assistance juridique si un tel système existe dans le pays concerné. Malheureusement, de nombreux pays ignorent tout accès à l’aide légale.

JOL Press : Vous êtes l’avocat de Serge Atlaoui, emprisonné en Indonésie depuis 2007. Quelles difficultés a rencontré votre client pour assurer sa défense ?
 

Maître Richard Sedillot : Dans le cas de mon client, ces démarches ont été très difficiles. Serge Atlaoui est détenu dans un pays très éloigné de son domicile, de sa famille, dans un pays dont il ne connaît pas la langue et où il n’a aucune relation.

Il lui est encore très difficile de communiquer avec sa femme en raison de cet éloignement. C’est une situation très compliquée. S’il avait été emprisonné dans un pays plus proche, sa femme aurait évidemment pu lui rendre visite beaucoup plus facilement, ne serait ce que pour des raisons financières. Elle a rendu visite plusieurs fois à son mari, mais un tel voyage représente un sacrifice financier très important.

JOL Press : Estimez-vous que la diplomatie française a un rôle à jouer pour soutenir ses ressortissants ?
 

Maître Richard Sedillot : Les autorités consulaires et les services diplomatiques ont bien entendu un rôle très important  à jouer, mais ce n’est pas le rôle de la diplomatie d’assurer la défense judiciaire des personnes arrêtées.

Il y a quelques affaires, très particulières, dans lesquelles les autorités françaises peuvent intervenir. Vous évoquez le cas de Florence Cassez. Une des juges mexicaines a été très courageuse et s’est rendue compte que la décision avait été prise dans des conditions tout à fait critiquables. Elle est probablement parvenue à convaincre ses collègues.

JOL Press : Dans le cas de Florence Cassez justement, l’affaire a été largement médiatisée. Pensez-vous que cette médiatisation soit nécessaire pour faire avancer certains dossiers ?
 

Maître Richard Sedillot : Florence Cassez et ses avocats avaient fait le choix de la-médiatisation. J’ai fait un tout autre choix s’agissant de Serge Atlaoui. Je parle très peu de lui.

La médiatisation est un choix qui n’est pas toujours le mien. Je défends actuellement plusieurs Français à l’étranger, je n’ai pour l’instant jamais fait le choix de la médiatisation, et les dossiers avancent cependant.

Je n’émets aucune critique sur cette démarche médiatique et peut-être qu’un jour je jugerai nécessaire de l’emprunter mais j’ai, jusqu’à présent, préféré la discrétion, que j’estime beaucoup plus utile.

Je crois qu’il faut être très prudent dans ce genre de dossiers et j’essaie de l’être, pour ne surtout pas heurter les autorités judiciaires locales.

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