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Première élection des conseillers communautaires: ce qui va changer

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Pour la première fois, les conseillers communautaires vont être élus au suffrage universel direct (Crédits: shutterstock.com)

Lors des élections municipales des 23 et 30 mars prochains, les électeurs des communes de plus de 1000 habitants désigneront sur le même bulletin de vote les élus au conseil municipal et les élus aux structures intercommunales. L’élection se fera par « fléchage » : le bulletin de vote comprendra deux listes, une pour les candidats au conseil municipal, une pour les candidats aux sièges de conseillers communautaires. Dans les communes de moins de 1000 habitants, les conseillers communautaires seront désignés dans l’ordre du tableau, c’est-à-dire le maire puis les adjoints puis les conseillers municipaux ayant obtenu le plus de voix lors des élections municipales.

JOL Press : Dimanche 23 mars, les électeurs désigneront, à l’aide d’un seul bulletin de vote, leurs conseillers municipaux mais aussi les conseillers communautaires. Qui sont ces conseillers ?

François Trétarre : Les municipalités font face, chacune sur leur territoire, à des enjeux relativement similaires, par exemple pour la gestion de l’eau, des ordures, des transports… Afin de mutualiser leurs efforts sur certains sujets, un nombre de plus en plus croissant de communes se regroupent et créent une structure leur permettant d’agir en commun accord sur l’ensemble des territoires. Cette structure, appelée EPCI (pour « Établissement Public de Coopération Intercommunale »), peut se financer en prélevant elle-même un impôt, que ce soit à la place des communes ou sous la forme d’une fiscalité additionnelle. On parle alors d’EPCI à fiscalité propre. Ces dernières peuvent prendre diverses formes en fonction notamment du nombre d’habitants sur leurs territoires : communautés de communes, communautés d’agglomérations, communautés urbaines ou encore métropoles.

Certains conseillers municipaux sont élus pour représenter leur commune au sein de l’EPCI, il s’agit des conseillers communautaires.

JOL Press : Quel est leur rôle et plus largement celui des structures intercommunales?

François Trétarre : À l’image des conseillers municipaux qui siègent dans leur commune, les conseillers communautaires font partie de l’organe délibérant des structures intercommunales. Les EPCI ont en effet des organes administratifs indépendants, leur assemblée délibérante dispose d’un pouvoir de décision autonome. Elles disposent en outre d’un budget et d’un personnel administratif propres.

Leurs compétences, transférées par les communes, peuvent par exemple correspondre à l’eau, aux ordures, aux transports, au  développement économique, à l’aménagement, à l’urbanisme… Il est à noter que bien que certaines compétences soient obligatoirement transférées à la structure intercommunale à sa création, les autres sont optionnelles : charge aux communes qui se sont regroupées de décider des compétences qu’elles désirent mettre en commun.

JOL Press : Comment étaient désignés les conseillers communautaires jusqu’à cette loi du 17 mai 2013 ?

François Trétarre : Jusque-là, les conseillers communautaires étaient élus par les conseillers municipaux des communes. Il s’agissait donc d’un suffrage indirect. À présent, le mode des élections a évolué :

Dans les communes d’au moins 1 000 habitants, les conseillers communautaires sont élus au suffrage universel direct selon le même mode de scrutin que pour les élections municipales. Ils sont élus par un même vote et pour la même durée que les conseillers municipaux. Les candidats doivent à ce titre faire figurer sur leur bulletin de vote d’un côté la liste des conseillers municipaux et de l’autre la liste des conseillers communautaires. Bien entendu, les conseillers communautaires sont issus de la liste des conseillers municipaux : il ne peut pas y avoir de nouveaux noms. Les électeurs ne votent ainsi qu’une seule fois et les voix qu’obtient chaque liste servent à la fois au calcul de la répartition des sièges de conseillers municipaux mais également à celle des sièges de conseillers communautaires.

Par contre, dans les communes de moins de 1 000 habitants, les conseillers communautaires ne sont pas élus au suffrage universel direct. Ils sont désignés automatiquement au sein du conseil municipal élu, en fonction du nombre de siège à attribuer dans la structure intercommunale,  en suivant un ordre bien défini : le maire d’abord, puis les maires adjoints et au besoin les conseillers municipaux.

Le dernier cas concerne les EPCI sans fiscalité propre, qui regroupent notamment les syndicats intercommunaux. Les concernant, les élections demeurent au suffrage indirect par les conseils municipaux des communes membres.

JOL Press : En quoi leur élection au suffrage universel direct va changer leur mode d’action ?

François Trétarre : Ce nouveau mode d’élection des conseillers communautaires va essentiellement modifier la manière dont les communes sont représentées au sein des intercommunalités. En premier lieu, il va permettre de rétablir une parité homme/femme au sein des conseils communautaires car cette parité est obligatoire dans la composition des listes. Autre impact, ce nouveau mode d’élection va induire une plus grande diversité politique parmi les élus communautaires. En effet, les conseillers municipaux d’opposition pourront maintenant mécaniquement siéger au conseil communautaire en fonction des résultats de leur liste et du nombre de sièges attribués à chaque commune dans l’intercommunalité. Au final, même les listes réalisant de faibles scores électoraux, dès lors qu’elles ont au moins 5% des suffrages exprimés, seront susceptibles d’obtenir des sièges au sein de la structure intercommunale.

Par ailleurs, alors qu’avant les élus étaient libres de fixer le nombre des conseillers communautaires pour chaque commune, les sièges à pourvoir sont maintenant répartis entre les communes proportionnellement à leur nombre d’habitants (représentation proportionnelle à la plus forte moyenne – lois du 16 décembre 2010 et du 31 décembre 2012). Bien entendu des dérogations existent et certaines règles s’appliquent dans les calculs afin d’éviter par exemple que des communes ne soient pas représentées ou soient au contraire surreprésentées.

Les conseils communautaires devront donc tenir compte non seulement de la modification de leurs effectifs mais également de la meilleure représentation des élus d’opposition.

JOL Press : Pour quelle raison la loi du 17 mai 2013 est apparue comme nécessaire ?

François Trétarre : Alors que l’influence des structures intercommunales était grandissante, leur notoriété et l’intérêt qu’elles suscitaient auprès du public restait souvent limité. Ce phénomène était notamment dû au fait que les conseillers communautaires étaient élus au suffrage indirect, ce qui les éloignaient de la population.

Ce nouveau système d’élections directes va permettre de renforcer la légitimité des élus et de les rapprocher des habitants. Il devrait également permettre de médiatiser les structures intercommunales et de les placer au cœur du débat public, ce qui devrait entrainer une meilleure visibilité de leurs actions.

In fine, ce nouveau système d’élection des conseillers communautaires au suffrage universel direct représente une avancée sur le plan démocratique.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

François Trétarre est conseiller international en communication publique et électorale. Il est l’auteur de l’ouvrage de référence Campagnes Électorales : Principes et Pratiques de la Préparation et de la Conduite de Campagnes diffusé dans plusieurs pays ainsi que de deux guides pratiques étape par étape pour préparer et mener sa campagne électorale. Il est par ailleurs fondateur de campagnes-electorales.fr, première plateforme française d’accompagnement électoral.

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