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Réforme constitutionnelle hongroise: un changement pragmatique?

Depuis son retour au pouvoir en 2010, Viktor Orban défraie la chronique. Souvent de manière positive, avec le retour de la croissance ou de la stabilité politique après un épisode désastreux duquel la gauche hongroise est sortie discréditée. Quelques fois négativement, principalement à l’étranger, où sa réforme électorale est mal passée. Des critiques que la réalité tend à infirmer et qui s’apparentent plus à des attaques dirigées contre un homme dont les méthodes et principes agacent et détonent en Europe : patriotisme, pragmatisme, volontarisme. 

La Hongrie de 2010 n’est pas dans une situation reluisante, aux prises avec un Parti au fonctionnement d’un autre temps. Ferenc Gyurcsany, Premier ministre de centre-gauche, a été contraint à la démission et la confiance de la population envers le Gouvernement est au plus bas.

En 2006, il a même reconnu avoir délibérément menti aux Hongrois pendant deux ans au sujet de l’état de l’économie du pays. « Nous avons merdé [sic] », a-t-il ainsi admis lors d’une réunion de son Parti. « Personne en Europe n’a fait de pareilles conneries, sauf nous. Nous avons tout fait pour garder secret en fin de campagne électorale ce dont le pays a vraiment besoin : nous le savions tous, après la victoire, il faut se mettre au travail », s’est-il répandu.

Réformer un système sclérosé 

Trois ans plus tard, acculé, Ferenc Gyuscsany démissionnait et, en 2010, le centre-gauche était logiquement balayé par la Fidesz, le parti de centre-droit dirigé par Viktor Orban. Ecœurés par l’absence quasi totale d’avancées politiques et économiques et par les mensonges éhontés de l’Exécutif, les électeurs se sont donc tournés vers la seule proposition crédible de changement. Et force est de constater que Viktor Orban n’a pas perdu de temps.

Outre le rebond spectaculaire de l’économie, avec la baisse du chômage et le retour de la croissance, le Premier ministre, de retour aux affaires après un premier mandat de 1998 à 2002, a lancé une vaste réforme constitutionnelle et électorale. Le système, datant de la chute du communisme en 1989, a été revu et corrigé.

Le Parlement hongrois passe ainsi de 386 à 199 députés (pour un pays de 10 millions d’habitants) et adopte un régime inspiré du modèle allemand. 106 sièges seront attribués selon le scrutin uninominal majoritaire à un tour, alors que les 93 restants sont désignés par compensation. Un système mixte permettant à la fois l’émergence d’une majorité stable et la représentation de « petits » partis encouragés à former des coalitions. A ces dispositions électorales, s’ajoute un encadrement renforcé du fonctionnement des partis politiques.

Désormais, les élus n’auront plus la possibilité d’exercer une activité annexe susceptible de créer des conflits d’intérêts ou d’occuper un autre mandat, même local. Une disposition qu’un pays comme la France peine à instaurer et qui donne des sueurs froides à bon nombre de parlementaires, comme François Rebsamen, poids lourd socialiste et chantre du cumul. En outre, les partis politiques ne pourront plus recevoir de donations que de la part des particuliers, celles provenant d’entreprises, d’associations ou de fondations étant maintenant interdites. Une réforme qui ne manquerait pas de chambouler le paysage politique d’un pays comme les Etats-Unis où lobbying et collusion des sphères publique et privée sont omniprésents.

Des critiques dirigées contre Viktor Orban, Européen iconoclaste

Au fond, les critiques émises par la communauté internationale sont davantage dirigées vers la figure de Viktor Orban que contre des réformes qui viennent simplifier et stabiliser le système politique hongrois, qui n’avait pas été amendé depuis 1989. De fait, son profil n’est plus habituel en Europe. Engagé, direct, patriote, volontariste, voire expéditif : il est donc vu comme un populiste autoritaire à l’étranger.

Rares sont ceux à dresser un portrait partagé de Viktor Orban et à mettre en balance ses succès, réels, avec les défauts qui accompagnent inévitablement une méthode politique tranchée. Yves-Michel Riols du Monde a été l’un des seuls à oser comparer le premier ministre hongrois avec le général de Gaulle. Tous deux arrivés à des moments charnières de l’histoire de leurs pays, ils se sont imposés en figures fortes et « ont incarné la volonté d’un changement radical ». Et, comme souvent, les réformes ambitieuses n’ont pas plu à tout le monde.

Sur la scène nationale, le centre-gauche, dans un état calamiteux, associé aux oligarques, durement visés par le Gouvernement, crie au scandale. Des gesticulations vaines, car même avec l’ancien système électoral en vigueur, la victoire ne pourrait échapper à la Fidesz en avril prochain. Alors qu’à l’international, la Hongrie donne davantage une impression de modération qu’une image de franc-tireur.

En proie à la dépendance énergétique vis-à-vis du gaz russe, le pays fait partie du groupe de Visegrad (du nom d’une petite ville située dans le nord du pays), aux côtés de la Pologne, de la République tchèque et de la Slovaquie. Les quatre pays membres de l’Union européenne ont ainsi demandé aux Etats-Unis de favoriser les exportations d’énergie vers l’Europe centrale.

Et, en février, Viktor Orban a également approuvé la participation de la Hongrie à l’effort militaire européen en Centrafrique. Parfaite, la réforme électorale menée par le Premier ministre hongrois ne l’est certainement pas. Le système aurait pu être encore davantage simplifié ; le choix aurait pu se porter sur un simple scrutin majoritaire. Mais, au sein de l’Union européenne, il existe autant de systèmes que d’Etats membres, qui sont tous le fruit d’un héritage historique, culturel et politique propre.

A cet égard, la Hongrie n’est pas différente du Royaume-Uni, où seuls deux partis gouvernent le pays, ou encore de l’Allemagne où la coalition, parfois très large, est la norme. Les critiques étrangères à l’encontre de la Hongrie sont donc assez mal venues et c’est au regard de l’histoire que l’on saura si Viktor Orban se situe plus près du général de Gaulle que de l’amiral Horthy. Si tel ne devait pas être cas, nul doute que les Hongrois sauront œuvrer pour leur intérêt, comme cela a toujours été le cas depuis l’arrivée de la démocratie en 1989.

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