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Retour sur un feuilleton médiatique: Nicolas Sarkozy va-t-il revenir?

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Le retour éventuel de Nicola Sarkozy suscite l’emballement fiévreux des médias. (Crédit: Shutterstock.com)

Voici, de Napoléon à Sarkozy, en passant par de Gaulle, Mitteranrand, Balkany, Juppé, Rocard, Aubry et quelques autres, un tableau de ces personnalités qui, alors qu’elles semblaient « finies », reviennent sur le devant de la scène. Du départ honteux en solitaire au retour glorieux du « rassembleur », le come-back en politique présente autant d’étapes stratégiques à ne pas manquer que de pièges à éviter.

Ce livre, manuel indispensable à toute traversée du désert, en dresse un inventaire des plus éclairants et se révélera tout aussi précieux à ceux qui piaffent de retrouver l’arène qu’à ceux, mi-amusés, mi-inquiets, qui souhaitent en décrypter les lois.

Extraits de Come back ! : ou L’art de revenir en politique de Christian Delporte (Flammarion 2014)

« Va-t-il revenir ? » « Il », c’est bien sûr Nicolas Sarkozy. Son retour éventuel, qui suscite l’emballement fiévreux des médias, s’écrit comme le feuilleton politique du quinquennat, dont personne ne peut prévoir ni le nombre d’épisodes ni l’issue, heureuse ou malheureuse, pour lui. Ce ne serait pas son premier comeback, comme nous l’avons vu. Mais celui-ci aurait la résonance de la performance historique. Nul président de la République, sous la Ve au plus haut sommet de l’État après une défaite. Il faut dire qu’en la matière les références sont plutôt rares, puisque seul Valéry Giscard d’Estaing a échoué dans la conquête d’un second mandat.

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Il y a plus d’un point commun entre Giscard d’Estaing et Sarkozy : deux présidents jeunes marquant la « rupture » dans leur propre camp, deux présidents modernes, deux grands communicants, deux chefs de l’État confrontés à l’obstacle de la crise économique, deux vaincus qui échouent finalement de peu face à leur adversaire socialiste. Leur score est même quasiment similaire : 48,24 % pour Giscard d’Estaing en 1981, 48,36 % pour Sarkozy en 2012. Nicolas Sarkozy est hanté par l’itinéraire de Valéry Giscard d’Estaing. Il sait qu’il ne peut éviter la comparaison, mais s’applique à se distinguer de son prédécesseur en cherchant à ne pas renouveler ce qu’il considère comme ses erreurs.

Se souvenant de l’assourdissant silence de Giscard le soir de son échec, qui n’alla même pas saluer ses supporters, et son adieu pitoyable aux Français, à la télévision, quelques jours plus tard, Nicolas Sarkozy soigne sa sortie, le 6 mai 2012, et prend le total contrepied de l’attitude du vaincu de 1981. Dès 20 h 15, ému mais souriant, il monte à la tribune de la salle de la Mutualité où sont réunis ses partisans et prononce un discours dont toute la presse et même ses adversaires soulignent la dignité. « Je porte toute la responsabilité de cette défaite », dit-il. Précisant qu’il vient d’avoir François Hollande au téléphone, il affirme : « Je veux lui souhaiter bonne chance au milieu des épreuves. » Il parle de ses trente-cinq ans de vie politique, prononce un hymne vibrant à la France et, ovationné, dit au revoir aux militants, avant que ne retentisse La Marseillaise.

Mais la question qui, ce soir-là, taraude les journalistes est celle de son avenir. À 57 ans, va-t-il suivre l’exemple de l’ancien Premier ministre espagnol José María Aznar qui, battu aux législatives de 2004, a décidé d’abandonner la politique et d’entamer à 51 ans une seconde vie profession- nelle, en entrant dans le privé pour conseiller des entre- prises multinationales ? Ou, au contraire, va-t-il, à l’instar de Giscard d’Estaing, revenir vite dans le jeu politique, dès la période du deuil achevée ? À la Mutualité, Sarkozy déclare : « Une autre époque s’ouvre. Vous pourrez compter sur moi pour défendre ces convictions, mais ma place ne pourra plus être la même. »

La phrase, mystérieuse, est éclairée en coulisses par des ministres qui gardent l’anonymat. Sarkozy leur a dit, assurent-ils, qu’il arrêtait la politique et que, si d’une manière ou d’une autre, il réapparaissait dans la vie publique, ce ne serait pas pour briguer les mêmes fonctions. Certes, mais si l’on en croit Eric Mandonnet et Ludovic Vigogne, auteurs de Ça m’emmerde, ce truc, son discours originel comportait un engagement plus ferme : « Je ne ferai plus de politique », phrase coupée sur les conseils d’Alain Juppé et de Patrick Buisson, pour une fois d’accord. A-t-il été tenté de tout arrêter, le 6 mai ? C’est possible, et ce ne serait pas la première fois. En 1999, sous le choc de son échec, il semblait prêt à tout abandonner. Mais, l’apaisement revenu, la tentation de Venise s’était éloignée.

Ne jamais dire jamais… En mai 2012, Sarkozy ne commet pas le même faux pas que Lionel Jospin dix ans plus tôt. Il réussit sa sortie et ménage l’avenir. Ses amis suggèrent même que si la campagne avait duré une semaine de plus, le mouvement ascendant des intentions de vote en sa faveur aurait garanti sa réélection, nourrissant, chez ses partisans, le mythe de la victoire volée par Hollande. Sarkozy perd avec les honneurs. Il n’est pas carbonisé. Sur ce, Hollande s’installe à l’Élysée, les socialistes remportent les législatives et les Français prennent leurs congés d’été. Tous n’ont pas encore remisé leur maillot bain et leur crème à bronzer quand l’Association des Amis de Nicolas Sarkozy, présidée par Brice Hortefeux, se réunit le 24 août à Nice. La presse s’y bouscule. Le 5 septembre, L’Express titre : « Et si Sarkozy avait raison ? » La vague médiatique gonfle.

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Christian Delporte est professeur d’histoire contemporaine à l’université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines. Spécialiste de l’histoire des médias et de la communication politique, il a publié, entre autres, une Histoire de la langue de bois (désormais en Champs-Flammarion).

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