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Un BHL de premier esprit ou de seconde main ?

Je me donne le droit de prendre à nouveau Bernard-Henri Lévy comme centre de ce billet.

D’abord parce que l’actualité le constitue assez souvent comme un personnage détesté ou encensé mais présent, voire, pour certains, trop présent et que surtout lui-même, par ses positions, ses paroles et ses écrits, suscite l’intérêt et appelle assez souvent, à mon sens, la contradiction.

Mon souci n’est pas d’évoquer son entregent ukrainien et son aura élyséenne mais de le rejoindre là où il a décidé d’aller de manière un tantinet surprenante.

Le domaine de la justice lui est peu familier. Il s’y est aventuré rarement et généralement à ses risques et périls. Deux fois à Lyon, il y a quelques années, comme témoin, et récemment, sur son site, au sujet des écoutes dont Nicolas Sarkozy a été l’objet à partir du mois de septembre 2013.

C’est un article de Michel Deléan dans Mediapart qui a attiré mon attention sur cette dernière intervention.

Des sources facilement identifiables

Ce qui n’a pas manqué de m’étonner dans son analyse, de la part d’un esprit comme le sien, tient au mimétisme de l’argumentation avec la thèse un temps dominante, démagogique et corporatiste et à la correspondance totale entre son propos et celui d’un certain collectif d’avocats réunis par la défense intéressée de leur profession et la sympathie compréhensible pour Me Thierry Herzog dont je rappelle, pour ceux qui ne le sauraient pas ou auraient pu l’oublier, qu’il n’a pas été écouté.

Relevant que BHL est capable d’inventer sa pensée et de ne pas se contenter de reproduire mécaniquement, même avec talent, celle des autres, j’en conclus qu’il ne connaissait rien de l’affaire sur laquelle il a écrit mais qu’il a puisé à des sources dont j’ai la faiblesse de croire qu’elles sont facilement identifiables.

De la même manière qu’à la fin du premier procès de Youssouf Fofana et autres accusés, il m’avait consacré un bloc-notes virulent dans Le Point sans avoir la moindre lumière sur ce dossier et cette instance sinon celle que Me Szpiner lui avait prodiguée avec l’impartialité qu’on présume, je soupçonne qu’un processus identique a été mis en oeuvre pour sa contribution orientée sur les écoutes et sa défense d’une certaine défense.

Certes, un soir, l’ayant rencontré et ayant pu échanger avec lui durant deux à trois minutes, il m’avait rétorqué, alors que je lui faisais reproche de cette injustice du Point, qu’il ne connaissait pas Me Szpiner mais, pour être franc, il ne m’avait pas convaincu.

Un point de vue surprenant

Pour cette polémique sur les écoutes, dans laquelle, quel que soit son désir d’être sur tous les fronts, on ne l’imaginait pas s’impliquer, je me demande si à nouveau Me Szpiner, qualifié par Libération d’ami intime de Me Herzog – celui-ci s’est même fait remettre la Légion d’honneur par ce personnage, dans l’instant j’en suis resté ébahi! -, n’aurait pas servi de messager partisan auprès de BHL.

Ce qui expliquerait que ce dernier, contre toute l’alacrité intellectuelle dont il est capable, ait rejoint platement le camp des conservateurs et des corporatistes.

Quand je lis que BHL est allé jusqu’à s’étonner de la démarche des écoutes ordonnées par deux juges parce qu’elles concernaient un ancien président de la République et qu’elles porteraient atteinte à un principe de proportionnalité, je crois rêver ! Je suis persuadé qu’une allégation aussi pauvre et étriquée n’a pas pu germer dans sa tête sans y avoir été introduite par une influence trop peu questionnée.

En effet, dans la solitude et après réflexion, il se serait sans doute avisé du fait qu’en face de la pétition au service de laquelle on l’avait inféodé, il en existait une autre plus honorable assignant à l’avocat une place et un rôle à la fois judiciairement incontestables et démocratiquement acceptables. Non pas un auxiliaire de justice contre la justice mais à son service. Il me semble que sans la moindre emprise BHL aurait pris la mesure qui convenait, dans cette autre approche, de la participation notamment de Me Forster et de Me Mignard qui ne sont pas précisément des imbéciles ni des fossoyeurs du barreau.

Copieur plutôt que créateur

BHL, surtout, ignorait au moment où il a exprimé ce soutien incongru ce qu’allaient révéler les extraits des transcriptions d’écoutes entre Nicolas Sarkozy et son conseil : un comble de vulgarité, une atteinte grave à l’équité de la justice et la démocratie abaissée.

Je ne supporte pas qu’il ait été instrumentalisé de la sorte et qu’ainsi il se soit résigné à être un copieur plutôt qu’un créateur. On n’attendait pas de lui un suivisme intégral, mais s’il tenait à tout prix à se mêler de ces joutes qui exigent tout de même un peu de savoir et pas seulement du style, pour le moins une lucidité équilibrée.

Qu’un Eric Dupond-Moretti ose qualifier de « honteuse » l’attitude de ses adversaires avocats et prétende les rameuter, au nom de la gauche, dans son clan est outrancier, presque insultant mais peut lui être pardonné parce que pour lui tout ce qui est excessif est signifiant et qu’au moins on peut admettre que la problématique de la défense et de la justice ne lui est pas étrangère.

Mais que BHL, à l’avenir, nous fasse la grâce d’un premier esprit et pas d’une seconde main !

Lire d’autres articles de Philippe Bilger sur son blog, Justice au singulier

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