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Un siècle et demi après : la loi Falloux revient au centre de l’éducation

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15 mars 1850. La France est gouvernée par Louis-Napoléon Bonaparte, dit Napoléon III. Pas encore Empereur, déjà Président. Après la – timide – Restauration de la Monarchie de Juillet, le « Prince-Président » dirige une République résolument conservatrice.

Falloux, le réformateur conservateur

Il a nommé à la tête du Ministère de l’enseignement et des cultes le Comte Alfred de Falloux, connu pour son catholicisme ancré mais libéral. Avant d’être débarqué de son cabinet, ce dernier fait passer une loi – qui prend son nom – sur l’enseignement.

La Loi Falloux vient compléter la Loi Guizot de 1833 relative à l’enseignement obligatoire. Ce développement est l’une des avancées de ce texte.

Néanmoins, le but véritable de Falloux est ailleurs. Il s’agit pour lui de consacrer la liberté d’enseignement. Dans une république aux accents conservateurs et à l’obédience catholique, cette liberté accorde – assez logiquement – une large place aux ministres du culte. Essentiellement catholiques.

La Loi Falloux institue donc la doublette école publique (administrée par l’État et les collectivités) et école privée (régie, dans la majorité, par les religieux et religieuses).

Une loi contestée

Le texte législatif fait immédiatement bondir les adversaires de Falloux, qu’ils soient des républicains plus « socialistes » ou même…des catholiques ! Pourtant soutenu par Armand de Melun – à tendance catholique sociale – le Comte de Falloux est vigoureusement critiqué par les catholiques intransigeants, menés par Louis Veuillot. La loi fera d’ailleurs dire à ce dernier, avec sa verve sans concessions, le célèbre mot « Falloux fallax » (du latin : traître).

Quant aux radicaux, ils dénoncent une mainmise de la religion dans la sphère publique et annoncent, avant l’heure, les prémices de la laïcité d’État, consacrée en 1905.

Le long chemin de l’abrogation

Le texte ne survit pas longtemps, du moins dans l’arsenal juridique. Dès 1880, une batterie de lois votées sous la IIIème République vient abroger implicitement la plupart des dispositions instaurées par Falloux. Initiées par Jules Ferry, elles laïcisent l’enseignement en primaire et secondaire.

Mais c’est en 1904 que l’essence même du texte est remis en cause : Emile Combes fait interdire l’enseignement aux congrégations religieuses, démocratisant par la même occasion l’école privée laïque. La suite des événements, jusqu’à nos jours, n’est qu’une succession de réformes limitant la Loi Falloux, sans jamais l’abroger pour autant.

Ce n’est qu’en 2000 que sa disparition des normes législatives est véritablement actée.

Une question qui se pose à nouveau

Repris, intrinsèquement, dans le Code de l’éducation, l’esprit de la loi Falloux semble retrouver une certaine actualité aujourd’hui. Avec Luc Chatel, puis aujourd’hui Vincent Peillon, l’analphabétisme croissant, l’inquiétant degré d’instruction constaté et les bouleversements des programmes scolaires déchaînent les passions. L’éducation s’est replacée au centre du débat politique.

Sur cette incompréhension envers certaines pédagogies se sont créées de nombreuses écoles hors-contrat. Écoles coraniques, catholiques ou même laïques sont vues par certains parents comme une réponse à une faillite de l’Éducation nationale qu’ils sont nombreux à dénoncer.

Plus de dix ans après l’abrogation de la Loi Falloux, les problématiques qui se posaient à l’époque refont surface.  La République, laïque et indivisible, ne peut ignorer ces désirs, même minoritaires de libéraliser – à nouveau – l’enseignement. Ils sont le signe que la loi Debré mérite une nouvelle lecture. Celle-ci instaurait, en 1959, le contrat entre l’État et les écoles privées. La multiplication actuelle des écoles hors-contrat peut être vue comme un appel à remettre en cause l’existence même de ce contrat. Un appel que le Ministère de l’Éducation nationale doit écouter.

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