Site icon La Revue Internationale

Union européenne: une politique environnementale ambitieuse mais inefficace

[image:1,l]

JOL Press : Comment qualifier la politique européenne de lutte contre le changement climatique ?

 

Christian Gollier : Elle est à la fois ambitieuse et inefficace. Signataire du Protocole de Kyoto, l’Europe des 15 s’était engagée à réduire de 8% entre 2008 et 2012 ses émissions de gaz à effet de serre (GES) par rapport au niveau de 1990. En cela, l’Union européenne a été précurseur. Avec une baisse de 18% depuis 1990, elle est même en voie de tenir ses engagements pour 2020 dans le cadre du paquet climat-énergie adopté en 2008. Les 27 s’étaient alors fixé pour objectif de diminuer de 20% leurs émissions de GES d’ici 2020. En parallèle, l’UE a mis en place d’autres mécanismes qui ne sont absolument pas efficaces.

JOL Press : Lesquels par exemple ?

 

Christian Gollier : Pour émettre du CO2, les industriels européens doivent acheter des permis, dont les prix ne sont guère dissuasifs (environ 5 euros la tonne de dioxyde de carbone). Pour que cette politique soit efficace, il faudrait que les prix s’établissent au moins à 25 euros la tonne. 

Autre exemple : la politique de soutien de Bruxelles à l’industrie photovoltaïque «made in Europe» a été un véritable fiasco : en 2011, la Chine a vendu pour 21 milliards d’euros de produits solaires à l’UE, inondant ainsi un marché européen déjà fragilisé par la crise.

L’intention est là mais, dans les faits, on est loin du compte. Si l’Europe atteint ses objectifs en matière de réduction de GES, ce sera en grande partie «grâce» à la crise économique, qui affecte la production et réduit par conséquent les émissions de CO2.

Plusieurs Etats membres ont mis en place, ou tenté de mettre en place, différents mécanismes (bonus-malus sur l’achat d’un véhicule, taxe carbone etc.). Tout cela s’est fait Etat par Etat, et non à l’échelle de l’UE. Aujourd’hui, il n’y a pas de politique européenne structurée et cohérente en matière de lutte contre le changement climatique.

JOL Press : Concrètement, que faudrait-il faire pour mettre en place une politique environnementale efficace ?

 

Christian Gollier : Il faudrait interdire l’allocation gratuite de quotas d’émission de CO2, réduire l’offre des permis pour en faire monter les prix, ou encore mettre fin au Mécanisme de développement propre, qui permet à des pays industrialisés de financer des projets qui réduisent les émissions de GES dans des pays en développement. Ces investissements sont récompensés par des crédits pouvant être utilisés pour atteindre leurs propres objectifs d’émission.

Tout cela demande une réelle motivation de la part de l’Europe, qui est confrontée à des lobbies industriels extrêmement puissants. Ces derniers affirment, à raison, qu’une politique plus volontaire de lutte contre le changement climatique nuirait à leur compétitivité sur la scène internationale. Par rapport aux Etats-Unis ou à l’Asie, l’UE est très loin devant. Et tant qu’elle sera seule à mener une politique environnementale, elle sera perdante sur le plan économique. 

————————

Christian Gollier est directeur de la Toulouse School of Economics – l’Ecole d’économie de Toulouse, et chercheur au Laboratoire d’économie des ressources naturelles (LERNA-TSE).

Quitter la version mobile