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Bradley Manning condamné, la presse célébrée

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JOL Press : Ces deux décisions ne sont-elles pas contradictoires ?
 

Sébastien Mort : De ce côté-ci de l’Atlantique, cela peut effectivement paraître paradoxal. Mais il faut bien voir qu’il y a deux systèmes différents : d’un côté l’exécutif américain, et de l’autre une industrie du secteur privé. L’indépendance des médias américains par rapport aux politiques est bien plus forte qu’en France, où nous avons un modèle de presse partisane.

Il faut vraiment comprendre que ce sont deux institutions qui fonctionnent avec leurs propres codes.

JOL Press : Donc dans un sens, l’armée américaine n’avait pas le choix avec Bradley Manning ?
 

Sébastien Mort : J’ai envie de dire que chacun défend son intérêt. Pour l’armée américaine, c’est de montrer qu’elle est intransigeante envers toute remise en cause de sa légitimité ou d’attaque qu’elle pourrait subir.

Elle agit donc selon ses propres codes, et son dispositif interne exige dans ce cas-là que le soldat soit condamné à un certain nombre d’années de prison.

De son côté, la presse ne voit que son intérêt qui est d’informer le public. D’ailleurs, si vous regardez, le prix Pulitzer qui a été décerné est le Pulitzer Price for Public Service qui est le plus prestigieux de tous. Il faut donc vraiment analyser les choses de manière séparée, et ne pas voir entre les deux l’existence d’un lien ou d’une connivence.

JOL Press : Les médias américains n’auraient-ils pas dû soutenir Manning ?
 

Sébastien Mort : Les médias américains sont censés fonctionner selon une norme de l’objectivité. Cela aurait été surprenant de la part de journaux comme le Washington Post ou le New York Times de venir à la rescousse de Manning, et donc d’aller à l’encontre de cette norme.

Mais il est vrai que d’un côté ils profitent du fait qu’une règle soit enfreinte, et de l’autre ils affichent leur neutralité.

JOL Press : L’idée de patriotisme, très fort aux Etats-Unis, a-t-il un rôle à jouer ?
 

Sébastien Mort :Concernant les médias, il y a peut-être une certaine frilosité depuis le 11 septembre 2001 à prendre part de manière trop tranchée dans les débats qui concernent l’intervention des Etats-Unis à l’étranger, ou la mise en péril de l’intégrité de la nation. Il leur a beaucoup été reproché d’avoir été trop suivistes par rapport au gouvernement et d’avoir manqué de recul critique. La presse avait complètement abdiqué son rôle d’observateur qui remet les choses en perspective, de contre-pouvoir.

Cette idée de contre-pouvoir permet d’ailleurs de comprendre pourquoi il n’y a pas une d’adéquation stricte entre ce que dit l’exécutif par le biais de l’armée, et ce que disent les médias. On constate que c’est une fausse contradiction.

Propos recueillis par Benjamin Morette pour JOL Press

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