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Canonisations de Jean-Paul II et Jean XXIII: une vaste opération de communication?

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Béatifié le 1er mai 2011 par son successeur le pape Benoît XVI, Jean-Paul II sera canonisé le 27 avril (Crédits: shutterstock.com)

La Ville éternelle se prépare à accueillir les pèlerins français qui participeront, ce dimanche 27 avril, à la canonisation des papes Jean XXIII et Jean-Paul II par le pape François. Un événement exceptionnel dans l’histoire de l’Eglise que décrypte pour JOL Press le journaliste et essayiste Gérard Leclerc.

JOL Press : Le procès en canonisation de Jean-Paul II a été d’une incroyable rapidité. Comment l’expliquer ?
 

Gérard Leclerc : Si je voulais faire une boutade, je dirais que c’est un pape qui n’a jamais rien fait comme les autres, tout était exceptionnel avec ce pape-là, son rapport à l’histoire, sa personnalité…  Et il en va de même avec sa béatification et sa canonisation. Mais au-delà de la boutade, ce long pontificat (1978-2005) a tellement marqué les gens qu’il y avait une sorte d’évidence. A sa mort, les catholiques réunis place Saint-Pierre scandaient « santo subito » et, de façon presque universelle, il a été reconnu comme un homme exceptionnel. Le cardinal Joseph Ratzinger, futur pape Benoît XVI lui-même, dans son homélie de la messe de funérailles de Jean-Paul II, avait déclaré : « Nous pouvons être sûrs que notre pape Jean Paul II bien-aimé est maintenant à la fenêtre de la maison du Père, qu’il nous voit et qu’il nous bénit. »

Je pense que la rapidité de l’enquête s’explique ainsi et cette rapidité a quelques avantages car lorsqu’on prend du temps pour une canonisation, on perd le témoignage d’un grand nombre de témoins directs qui ont disparus. Pour Jean XXIII (1958-1963), il n’y a plus beaucoup de témoins directs, surtout pour les jeunes années de sa vie. Ce n’est pas parce que le procès a été rapide qu’il a été bâclé. Il a été mené avec le plus grand soin, tous les documents ont été réunis et rien ne manque.

JOL Press : Dans l’histoire, comment l’Eglise catholique justifie-t-elle une canonisation ?

Gérard Leclerc : L’expression la plus couramment employée c’est « l’héroïcité des vertus ». Une personne décédée, en ayant une réputation de sainteté, sera dite vénérable lorsque « l’héroïcité des vertus » de la personne aura été reconnue par l’Église catholique. On examine la vie d’un serviteur de Dieu sous cet angle-là parce que, dans la conduite de son existence, il a fait preuve d’héroïsme dans la poursuite non seulement des vertus humaines mais aussi des vertus théologales que sont la foi, l’espérance et la charité. Sa vie est un témoignage de la vie chrétienne et de l’idéal évangélique.

Par les canonisations, l’Eglise donne comme modèles au peuple chrétien un certain nombre de personnes qui ont parfaitement illustré ce qu’est la vie chrétienne. Ces modèles deviennent ainsi des intercesseurs : les croyants peuvent les prier pour qu’ils intercèdent auprès de Dieu.

JOL Press : Pour qu’une personne soit canonisée, il faut l’authentification d’un miracle comme dû à son intercession. N’est-ce pas là un procédé dont se sert l’Eglise pour aider le peuple catholique à croire ?

Gérard Leclerc : Ces miracles reconnus par l’Eglise renvoient les croyants à l’Evangile : la foule qui suivait Jésus a cru à sa parole à cause des miracles qu’il réalisait. Les miracles sont liés à la vie de Jésus, ce sont des signes de sa divinité, comme aujourd’hui les miracles sont considérés comme des signes venus du Ciel qui manifestent la sainteté de ceux que l’Eglise choisit comme modèles. Par la reconnaissance de ces miracles, l’Eglise affirme son autorité devant le peuple des croyants. Des milliers de guérisons ont été constatées à Lourdes depuis les apparitions de 1858 mais toutes n’ont pas été reconnues comme des miracles par l’Eglise, elle n’en a reconnu que quelques dizaines.

JOL Press : Après les nombreux scandales qui ont secoué l’Eglise ces dernières années, peut-on penser que l’Eglise se sert d’événements comme les canonisations pour créer un impact positif au sein des croyants ?
 

Gérard Leclerc : Oui, bien sûr. Ces événements ont une valeur d’édification et visent une sorte de mobilisation spirituelle. On n’organise pas des canonisations pour faire contrepoids aux scandales – des scandales, il y en a toujours eu dans la vie de l’Eglise. Bernanos disait que dans l’histoire de l’Eglise, il y avait pleins de scandales mais que ces scandales ne faisaient rien à la sainteté de l’Eglise. Le miracle permanent pour les catholiques, c’est la sainteté de l’Eglise.

JOL Press : Ce serait donc trop réducteur pour vous de parler d’opération de communication…
 

Gérard Leclerc : Absolument, oui. Il est indispensable de communiquer pour l’Eglise, le Christ lui-même communiquait mais les canonisations ne sont pas uniquement des opérations de communication. Il ne faut y voir ni de la magouille, ni de la manœuvre.

JOL Press : Comment sont vécus ce genre d’événements par les catholiques ?

Gérard Leclerc : La foule qu’il y aura place Saint-Pierre ce dimanche 27 avril montrera que les catholiques sont très sensibles à ce genre d’événements. Les canonisations ont beaucoup d’importance pour les catholiques et il me semble que c’est plus vrai que jamais. Jean-Paul II a énormément canonisé, beaucoup plus que tous ses prédécesseurs – jusqu’en octobre 2004, il a béatifié 1 340 personnes, soit plus que l’ensemble des béatifications effectuées par ses prédécesseurs depuis le pape Sixte V (1585-1590) – et c’est conforme à l’enseignement de Vatican II qui a réaffirmé  la vocation universelle à la sainteté.

Plus que jamais, la béatification et la canonisation sont des événements marquants auxquels l’Eglise n’a pas peur de recourir pour l’édification et la sanctification des fidèles. Ce sont des rendez-vous nécessaires car l’Eglise n’est pas composée uniquement de purs esprits. L’Eglise est composée de communautés vivantes qui ont besoin de ces moments de rencontres intenses.

JOL Press : Si on devait résumer la vie de ces deux papes en quelques mots…
 

Gérard Leclerc : Aussi bien Jean-Paul II que Jean XXIII ont été des témoins de l’amour de Dieu. Je vais citer une nouvelle fois Bernanos qui ne parlait pas de l’ « héroïsme des vertus » mais disait : « Les saints ont le génie de l’amour ». Je crois que chacun à sa façon, Jean-Paul II autant que Jean XXIII ont témoigné de ce « génie de l’amour ».

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Editorialiste à France Catholique et chroniqueur à Radio Notre Dame, Gérard Leclerc a publié de nombreux ouvrages dont L’amour en morceaux ? (Presses de la Renaissance – 2000), Les dossiers brûlants de l’Eglise (Presses de la Renaissance  – 2002), L’Eglise face à la pédophilie (Editions de l’œuvre – 2010) et Rome et les lefebvristes (Salvator – 2009).

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