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Déclaration de politique générale: Manuel Valls prend-il un risque?

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« Mon état d’esprit, c’est d’apaiser », a confié Manuel Valls au JDD au sujet du discours de politique générale qu’il doit prononcer ce mardi 8 avril. « Il ne s’agit pas de faire un discours-programme, nous ne sommes pas au début du quinquennat, nous devons répondre à l’urgence économique et à l’urgence sociale », a-t-il ajouté. « Je veux aller à l’essentiel, créer les conditions de la confiance ». Au terme de ce discours d’une heure environ, lu simultanément au Sénat par le numéro 2 du gouvernement, Laurent Fabius, le Premier ministre engage la responsabilité de son gouvernement devant les députés en faisant voter « la question de confiance ».

JOL Press : Les Premiers ministres sont-ils tenus de faire une déclaration de politique générale devant l’Assemblée ?

Jean-Éric Gicquel : Selon l’esprit du général de Gaulle, en 1958, le gouvernement existe à partir du moment où il est nommé par le président de la République, sur proposition du Premier ministre. Selon l’article 49.1 de la Constitution, « le Premier ministre, après délibération du Conseil des ministres, engage devant l’Assemblée nationale la responsabilité du Gouvernement sur son programme ou éventuellement sur une déclaration de politique générale », mais juridiquement, il est acté, depuis 1966, qu’un gouvernement n’est pas obligé de se présenter devant l’Assemblée nationale. Les Premiers ministres le font davantage dans une démarche de respect et de courtoisie à l’égard de l’Assemblée nationale.

JOL Press : En quoi consiste ce discours de politique générale ?

Jean-Éric Gicquel : C’est à la pure appréciation du Premier ministre. Il s’agit avant tout d’une déclaration dans lequel il fixe, sous l’autorité du chef de l’Etat, le programme du gouvernement, et qui est ensuite soumis à un vote de l’Assemblée nationale. Par cette démarche, le chef du gouvernement demande le soutien explicite de sa majorité au sein de la Chambre basse. Le contenu même du discours est purement politique.

JOL Press : Certains Premiers ministres ne se sont pas soumis à cette tradition. Que se passe-t-il si le gouvernement n’obtient pas de majorité ?

Jean-Éric Gicquel : C’est simple : si la question de confiance est rejetée, si le gouvernement obtient un vote négatif de la part des députés, le Premier ministre est tenu de remettre sa démission au chef de l’Etat, en application de l’article 50 de la Constitution : « Lorsque l’Assemblée nationale adopte une motion de censure ou lorsqu’elle désapprouve le programme ou une déclaration de politique générale du gouvernement, le Premier ministre doit remettre au Président de la République la démission du gouvernement. »

Il est vrai que dans certains cas, pour éviter des problèmes parce que les majorités étaient très fragiles et un peu incohérentes ou instables, des Premiers ministres ont préféré ne pas engager leurs responsabilités. Il faut cependant souligner que depuis 1958, aucune déclaration de politique générale engageant la responsabilité du gouvernement n’a été rejetée à l’Assemblée.

JOL Press : Le Premier ministre se met-il malgré tout en danger en soumettant sa politique au vote des parlementaires ?

Jean-Éric Gicquel : Tout dépend de la consistance de la majorité qu’il a en place. Si c’est une majorité qui est franche, nette et cohérente, il n’y a aucun risque politique pour le Premier ministre. Manuel Valls ne craint pas d’être renversé, il cherche à être certain que l’intégralité de la majorité socialiste le soutienne et si ce n’est pas le cas, quels seraient les cas d’abstention, notamment de la part des Verts. Ce vote permet au Premier ministre de connaître l’état réel des forces au sein de l’Assemblée mais il ne se met pas en danger pour autant. L’enjeu est avant tout politique.

JOL Press : Comment se déroule le vote de confiance ?

Jean-Éric Gicquel : Chaque groupe dispose d’un temps de parole pour exprimer sa position après quoi on passe à un vote. Le vote est établi à la majorité des suffrages exprimés, sans tenir compte des non-votants et des abstentions. Dans le cas de la motion de censure (article 49 alinéa 2), on impose la majorité absolue des membres de l’Assemblée nationale, c’est-à-dire qu’il faut impérativement 289 voix pour renverser le gouvernement. Dans le cas du vote de la déclaration de politique générale du gouvernement, on ne prend en compte que le vote des députés présents : s’ils sont 500, il faudra 251 voix pour obtenir un rejet de confiance. Le groupe socialiste compte 290 députés, la question pour Manuel Valls est donc avant tout de savoir qui soutient sa politique.

JOL Press : Avez-vous le souvenir de discours de politique générale particulièrement mémorables ?

Jean-Éric Gicquel : Certains ont été ratés, je pense notamment à celui d’Edith Cresson en 1991, qui avait été chahutée, ou à celui de Pierre Bérégovoy, en 1992, qui a menacé de révéler les noms de personnalités de droite mêlées à des affaires de corruption. Il n’y a pas eu de grande déclaration de politique générale, c’est un exercice un peu convenu, une obligation politique – et non juridique – au cours de laquelle on essaie de ne pas commettre d’impair.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

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