Site icon La Revue Internationale

Dialogue entre le gouvernement et l’opposition: vers une sortie de crise ?

[image:1,l]

Pour la première fois, le gouvernement de Nicolas Maduro et plusieurs leaders de la coalition d’opposition de la Table de l’Unité démocratique (MUD) ont ouvert le dialogue la semaine dernière pour discuter d’une sortie crise – Photo DR Shutterstock

JOL Press : Le dialogue entre le gouvernement et l’opposition a repris cette semaine: quelles avancées a-t-il permis ?
 

Olivier Folz : Une première réunion avait eu lieu le 28 févier dernier au Venezuela entre le gouvernement et une partie des entrepreneurs – dont Leopoldo Mendoza, le PDG de la société Polar, la principale entreprise agro-alimentaire du Venezuela, Jorge Roig, le directeur de La Fedecámaras, la « Fédération de Chambres et Associations de Commerce et de Production » du Venezuela, l’équivalent de notre MEDEF en France, ainsi qu’un représentant des Petites et Moyennes Industries vénézuéliennes (PMI) – pour essayer d’apaiser les tensions dans le pays.  Ensemble, ils avaient essayé de trouver une sortie de crise au problème économique.

Suite à cette réunion –  et après maintes invitations du gouvernement vers l’opposition  pour qu’elle s’assoie à la table des négociations et trouve une solution au problème –  la MUD avait accepté la discussion. Les  secteurs les plus calmes de la coalition avait alors exposé leurs griefs, mais les partis les plus extrêmes de la MUD – dont le Parti Popular et le mouvement avec la députée Maria Corina Machado  – ont été absents.

Suite à cette réunion, se sont à nouveau  réunis dans la nuit du mardi au mercredi 16 avril le vice-président vénézuélien  Jorge Arreaza avec Ramón Guillermo Aveledo, le secrétaire général de la MUD, avec un agenda précis, qui comporte six points. L’opposition exige notamment de revenir sur le coup d’Etat du 11 avril 2002, en vue de demander la libération d’Ivan Simonovis, le chef de la police métropolitaine à l’époque du coup d’Etat, accusé de crime et d’avoir lancé la police sur les chavistes.

La MUD exhorte sa libération et a mis en place une Commission de médecins qui viendra juger de son état de santé, pour voir si une libération est possible. Autre point fondamental dans les négociations : l’élection des nouvelles autorités, tant au Conseil national électoral qu’au tribunal suprême de justice.

JOL Press : La loi d’amnistie constitue-t-elle le point le plus délicat dans les négociations ?
 

Olivier Folz : L’opposition réclame effectivement une loi d’amnistie, ce que le gouvernement refuse catégoriquement. Aujourd’hui, il reste 175 détenus au Venezuela, dont le plus emblématique de tous: Leopoldo Lopez ainsi que deux autres maires. Les libérer serait un geste fort de la part du gouvernement, mais pour l’instant, il refuse d’accepter les lois d’amnistie, l’un des points phares de cette négociation. Comme Henrique Capriles l’a affirmé: il sera difficile de renouer le dialogue si les prisonniers politiques ne sont pas libérés.

JOL Press : Plus de deux mois après le début des manifestations, la mobilisation s’essouffle-t-elle au Venezuela ?
 

Olivier Folz : Oui, le mouvement contestataire a baissé en intensité. Il reste cependant encore quelques zones où la mobilisation ne faiblit pas, comme les quartiers résidentiels de l’Est de Caracas, la ville étudiante de Merida dans les Andes où la situation reste tendue, tout comme à San Cristobal, à la frontière colombienne. 

JOL Press : Un an après son investiture, quel bilan peut-on tirer de la présidence de Nicolas Maduro ?
 

Olivier Folz : Le bilan est évidemment très mitigé. D’un point de vue politique, on peut dire que Nicolas Maduro a tout de même gagné son élection. Par la suite, le parti du gouvernement a également remporté les élections municipales haut la main : sur 335 municipalités, ils en ont remporté 242, contre 75 pour la MUD. De même pour les élections régionales: sur 23 Etats, le gouvernement en a remporté 20. Mais en approfondissant ces élections, on se rend compte qu’il y a une forte érosion du vote chaviste.

Au début il y avait entre 1 million –  1,5 millions d’écart de voix, et aux dernières élections présidentielles il y avait 223 000 voix d’écart. Il y a une forte adhésion du vote chaviste en faveur de l’opposition :un rééquilibrage se fait depuis les élections législatives en 2010. Mais les chavistes conservent tout de même un pouvoir absolu : ils ont tous les Etats, la majorité des communes et sont majoritaires à l’Assemblée nationale.

JOL Press : Quelles mesures propose le gouvernement pour améliorer la situation économique au Venezuela ?
 

Olivier Folz : La situation économique au Venezuela est préoccupante, notamment en raison de l’inflation qui atteignait 56,2% en 2013. Le PIB n’a augmenté que de 1% alors qu’il avait augmenté de 5,6% en 2012, et le chômage stagne autour de 7-8%. La dévaluation constante du bolivar constitue l’autre point noir de l’économie vénézuélienne : en un an il a été dévalué quatre fois. 

Pour faire face aux pénuries à répétition, le gouvernement a annoncé de nouvelles mesures économiques à venir pour le 22 avril prochain, dans une politique qui tendrait à diminuer les importations. Il a déjà mis en oeuvre des mesures comme cette « carte d’approvisionnement assuré » qui fonctionne uniquement dans les supermarchés ou marchés locaux dont les produits sont distribués directement par le gouvernement, permettant aux gens d’accéder aux produits de première nécessité en évitant les achats compulsifs. Le système est assez critiqué, car pour obtenir une carte, les Vénézuéliens doivent donner leur empreinte digitale. L’opposition affirme qu’il s’agit d’un moyen pour le gouvernement de ficher les gens…

JOL Press: Nicolas Maduro va-t-il résister à cette crise sociale et économique ?
 

JOL Press: La crise sociale qui secoue actuellement le Venezuela est certes liée à la situation économique, mais aussi à la figure de Nicolas Maduro qui est beaucoup plus facile à attaquer que celle d’Hugo Chavez,  le leader charismatique et emblématique. Il fédérait énormément de personnes autour de lui : aussi bien l’armée que les civils. Il est donc plus facile de faire pression sur Maduro qui est dans une situation délicate, et étant donné que son élection est contestée. D’un point de vue social, le pays est miné par l’insécurité et un taux d’homicides élevé : entre 20 et 25 000 personnes sont mortes en 2013.

Pour essayer de lutter contre ce fléau, le gouvernement a mis en place le plan « Patria Segura » qui consiste à faire patrouiller les habitants d’un quartier avec la police ou des membres de l’armée dans le but d’endiguer ce phénomène de violence. Les évènements de ces derniers mois ont cependant annulé les effets de ces mesures…

———

Olivier Folz est enseignant à l’Univesité de Lorraine, spécialite du Venezuela, auteur de « Le Venezuela d’Hugo Chavez : bilan de quatorze ans de pouvoir » et membre du GEIVEN.

Quitter la version mobile